Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n° 1819246/1-1 du 18 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 février 2020, régularisée le 31 août 2020, et deux mémoires enregistrés les 16 septembre 2020 et 31 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Mathieu Lew, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1819246/1-1 du 18 décembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, en ne lui exposant pas clairement qu'elle avait exercé son droit de communication et en ne l'informant pas suffisamment de la teneur des renseignements utilisés ; pour le même motif, elle a méconnu la doctrine référencée BOI-CF-PGR-30-10 §280 du 12 septembre 2012 et a manqué à son devoir de loyauté ;
- l'administration n'a pu, sans erreur de droit, considérer qu'un contrat écrit de cession de droits avec la société unipersonnelle CFA était nécessaire pour autoriser le versement des droits d'auteur à cette société et partant l'imposition de ceux-ci entre ses mains ;
- l'administration a pris une position formelle sur sa situation, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, dans le cadre d'une précédente procédure de contrôle; un ensemble d'éléments de fait caractérisent un faiceau d'indices démontrant, sans ambiguïté, cette prise de position formelle en faveur du mode d'exercice choisi ; sa situation était d'ailleurs connue des services fiscaux de Cannes et donc implictement admise.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 1er octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au
18 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,
- et les observations de M. Lew, avocat de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement n° 1819246/1-1 du 18 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de 2014 et 2015.
Sur la régularité de la procédue d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
3. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie.
4. D'une part, il résulte de la proposition de rectification du 7 mars 2017 que l'administration a, du rapprochement entre les déclarations de revenus souscrites par Mme B... et les éléments communiqués à l'administration fiscale par l'Eurl CFA, dont elle était la gérante et unique associée, et la SACEM, qui lui versait des droits d'auteur, constaté une insuffisance de déclaration dans la catégorie des traitements et salaires pour les années 2014 et 2015. La proposition de rectification indique ainsi comment l'administration a pu avoir connaissance des éléments sur lesquels elle s'est fondée pour envisager des rectifications en litige, ces éléments n'ayant pas été obtenus, contrairement à ce que soutient Mme B..., dans le cadre de l'exercice du droit de communication de l'administration mais dans le cadre de l'obligation de déclaration incombant à l'Eurl CFA et à la SACEM en vertu de l'article 87 du code général des impôts.
Mme B... ne peut donc être regardée comme ayant été privée de la possibilité de discuter utilement des rectifications envisagées avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, alors que l'administration a identifié son employeur, soit l'Eurl CFA, et précisé que les droits d'auteurs lui avaient été versés par la SACEM. Mme B... ne pouvait, eu égard à ses qualités de gérante de l'Eurl CFA et d'autrice, ignorer la teneur des renseignements sur lesquels l'administration s'était fondée, alors qu'il résulte de l'instruction que les sommes déclarées par l'Eurl CFA avaient été communiquées par le comptable au cours de la procédure. La requérante n'a donc été privée d'aucune garantie au regard des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. D'autre part, et pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que l'administration aurait manqué à son devoir de loyauté. Enfin, elle ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la doctrine référencée BOI-CF-PGR-30-10 §280 du
12 septembre 2012, qui est relative à la procédure d'imposition.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 93 du code général des impôts :
" (...). / 1 quater. Lorsqu'ils sont intégralement déclarés par les tiers, les produits de droits d'auteur perçus par les auteurs des œuvres de l'esprit mentionnées à l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle sont, sans préjudice de l'article 100 bis, soumis à l'impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires. / La déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels, prévue au 3° de l'article 83, s'applique au montant brut des droits perçus diminué des cotisations payées au titre des régimes obligatoire et complémentaire obligatoire de sécurité sociale ".
6. Il résulte de la proposition de rectification du 7 mars 2017 que l'administration a constaté une discordance entre les traitements et salaires déclarés par Mme B... et les rémunérations qui lui avaient été versées par l'Eurl CFA, dont elle était la gérante, et par la SACEM, au titre des années 2014 et 2015. Elle a notamment assimilé les sommes versées par la SACEM à des traitements et salaires, en ce qui concerne les modalités de leur imposition, en application des dispositions précitées du 1 quater. de l'article 93 1 du code général des impôts, ces droits d'auteur ayant été intégralement déclarés par la SACEM conformément à l'article 241 du même code.
7. Mme B..., qui soutient que les rectifications ainsi envisagées par l'administration ne sont pas fondées, se prévaut d'un contrat implicite de cession de droits d'auteur au profit de l'Eurl CFA. La requérante ayant refusé ces rectifications, il appartient à l'administration d'en établir le bien-fondé. Il est constant que les droits d'auteur en cause ont été déclarés par la SACEM comme ayant été versés à Mme B..., en son nom propre, l'intéressée admettant expressément que les sommes correspondantes ont été créditées sur son compte personnel. Outre le fait que Mme B... ne justifie pas l'existence d'un contrat explicite ou implicite de cession des droits d'auteur au profit de l'Eurl CFA, elle ne produit aucun document, notamment des relevés de comptes bancaires, démontrant qu'elle aurait, dans un bref délai, reversé les sommes en cause à ladite société. Par ailleurs, les sommes comptabilisées par la société CFA, au titre des virements reçus de la SACEM, dont l'origine n'est d'ailleurs pas précisée, ne correspondent pas aux sommes déclarées par cette dernière au titre des rémunérations versées à Mme B.... Le requérante ne produit, à cet égard, aucun document permettant d'établir la comptabilisation du produit des droits d'auteur en litige par cette société. Ainsi, les contrats d'édition et de commande, relativement anciens, conclus entre l'Eurl CFA et la maison d'édition Albin Michel, produits au dossier, ne portent que sur certains ouvrages ponctuels et ne permettent aucun recoupement avec les droits d'auteur en litige, directement versés au profit de la requérante. Si Mme B... fait, à cet égard, valoir que la discordance de montant constatée par l'administration résulte d'un décalage entre les dates d'ouverture et de clôture des exercices de l'Eurl CFA et la période de calcul des droits effectués par la SACEM par année civile, elle ne le justifie pas en produisant les extraits du grand livre général des exercices clos au 31 août 2014 et 2015. Il ressort, au contraire, des ces documents que les sommes comptabilisées sous le libellé " virt SACEM ", au compte 705, ne correspondent pas, sur l'année 2014, aux sommes déclarées par la SACEM au nom de la requérante. Il suit de là que l'administration doit être regardée comme établissant le bien-fondé de l'imposition des sommes en cause.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :
" Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ".
9. D'une part, il appartient à Mme B... de justifier de l'existence de la prise de position formelle qu'elle entend invoquer. S'il est constant que des rectifications au titre des droits d'auteur ont été envisagées en 2008 et 2009 puis abandonnées, Mme B..., qui se borne à soutenir qu'" il est évident, même en l'absence de précisions écrites en ce sens, que l'abandon desdits rehaussements n'a pu être motivé que par l'admission du bien-fondé de [sa] position ", ne produit aucun document faisant expressément état d'une prise de position de l'administration sur sa situation, laquelle aurait, au demeurant concerné d'autres années d'imposition. Le courrier du 19 juin 2013 rédigé par son expert-comptable et destiné à l'AGESSA, dans lequel il indique que l'administration a, après contrôle, accepté le regroupement des différentes activités (SACEM, conférences, musique) de Mme B..., ne peut en aucun cas être regardé comme une prise de position formelle de l'administration dont la requérante pourrait se prévaloir.
10. D'autre part, en se bornant à soutenir que les services fiscaux de Cannes avaient connaissance de sa situation, des modalités d'organisation de son activité depuis 1993 et de la perception des droits d'auteur par l'Eurl CFA, Mme B... ne justifie en rien d'une prise de position formelle de l'administration à son égard.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de
non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, que
Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête d'appel en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris .
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2021.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00495