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08/12/2021 | FRANCE | N°20PA00008

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 08 décembre 2021, 20PA00008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités pour manquement délibéré, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1714644/1-1 du 6 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une re

quête et un mémoire enregistrés les 3 janvier et 11 septembre 2020, M. et Mme A..., représentés p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités pour manquement délibéré, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1714644/1-1 du 6 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 janvier et 11 septembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Jean-Philippe Bidegainberry, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- dans le cadre du bail à construction conclu entre les sociétés Noyer Habert et Sovendis, l'ensemble des constructions édifiées par le locataire revient à l'échéance au propriétaire du terrain sans versement d'indemnité au locataire ;

- si on considère que la clause d'accession ne s'applique pas, l'article 555 du Code civil ne prévoit pas nécessairement le versement au preneur d'une indemnité dont le montant réduit la valeur du terrain ;

- le versement d'une indemnité à la société Sovendis par la société le Grand cèdre n'est pas assuré ;

- le caractère excessif du prix de la transaction par rapport au prix de marché n'est pas établi ;

- la construction sur le sol d'autrui n'est pas forcément un acte anormal de gestion ;

- l'article 555 du code civil ne s'appliquerait qu'à l'expiration de la convention d'occupation ;

- le prix de cession convenu entre les parties ne présente pas un écart significatif avec la valeur vénale du bien ;

- l'intention libérale n'est pas établie ;

- le manquement délibéré n'est pas établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juillet 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Marret, substituant Me Bidegainbery, représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités pour manquement délibéré, maintenus à leur charge au titre de l'année 2011.

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués ... c) les rémunérations et avantages occultes ". En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minorée, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession. En outre, la présomption d'intention libérale peut résulter des liens familiaux qui unissent les parties au litige.

3. La SCI Le Noyer Habert, société de personnes détenue par les époux A..., a acquis, en 1983, des parcelles de terrain à Vendôme destinées à un hypermarché, pour un montant de 186 675 euros. Le 22 août 1984 la SCI Le Noyer Habert a conclu avec la SAS Sovendis, exploitante de l'hypermarché, également détenue par les époux A..., un bail à construction d'une durée de trente ans pour ces parcelles. Les premières constructions ayant été achevées à la fin de l'année 1985, différentes constructions et extensions de surfaces ont été entreprises entre 1992 et 2001, autorisées par permis de construire. Le 17 décembre 2010 la société Sovendis a créé la SCI Grand Cèdre, assujettie à l'impôt sur les sociétés, dont elle détient 99 % du capital. Le 30 mars 2011, la SCI Le Noyer Habert a cédé à la SCI Grand Cèdre le terrain grevé du bail à construction pour un montant total de 9 000 000 euros, incluant selon les termes de l'acte la valeur des constructions au terme du bail. Le même jour, les époux A... ont cédé leurs parts dans la SAS Sovendis à la holding CDMA, détenue par leur fils et leur belle-fille.

4. L'administration a relevé que des constructions autres que celles prévues par le bail à construction signé le 22 août 1984, et revenant au bailleur à l'expiration du bail, ont été autorisées par un permis de construire du 28 septembre 1992, modifié le 23 août 1994, et par un permis de construire du 4 décembre 2001, autorisant la construction de réserves, bureaux, chambres froides et l'agrandissement de la surface commerciale du magasin et des réserves. Le droit d'accession aux constructions, lors de la cession des terrains du 30 mars 2011, ayant été valorisé à 7 500 000 euros, l'administration a estimé que ce prix comportait une sur valeur de 1 654 872 euros, sans contrepartie, dès lors que l'acquéreur ne pouvait conserver ces constructions, non prévues au bail, que contre versement d'une indemnité au preneur ainsi que prévu par les dispositions de l'article 555 du code civil. L'administration fiscale a estimé en conséquence que le prix stipulé dans le contrat pour la valeur de l'accession aux constructions, payé par la SCI Grand Cèdre à la SCI Le Noyer Habert, était excessif et a rectifié le résultat de la SCI Grand Cèdre sur le fondement de l'acte anormal de gestion. Symétriquement, des rectifications ont été notifiées à la SCI Le Noyer Habert sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts à raison de l'avantage occulte ainsi consenti, avantage taxable entre les mains de M. et Mme A....

5. L'article 12 du bail signé le 22 août 1984 stipule : " A l'expiration du bail par arrivée du terme ou résiliation amiable ou judiciaire toutes les constructions édifiées par le preneur ou ses ayants-cause et tous les aménagements réalisés par le preneur sur le terrain loué, ainsi que toutes les améliorations de quelque nature qu'elles soient deviendront de plein droit la propriété du bailleur sans que cette accession ait besoin d'être constatée par un acte ". Il résulte de ces stipulations, qui ne comportent aucune ambiguïté, que l'ensemble des constructions et améliorations édifiées par le preneur sur le terrain en cause reviennent sans indemnité au bailleur à l'expiration du bail. Aucune disposition du bail ne permet de limiter cette clause d'accession de plein droit à la propriété aux constructions que le preneur s'était engagé, conformément aux dispositions de l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation, à édifier sur le terrain du bailleur. Contrairement à ce qui est soutenu par le ministre, cette clause, courante dans les relations entre bailleurs et preneurs, ne saurait être écartée au motif qu'elle introduirait un déséquilibre dans les relations entre les parties. Le ministre ne saurait non plus se prévaloir des dispositions de l'article 555 du code civil aux termes duquel : " Lorsque les plantations, construction et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever (...). Si le propriétaire du fonds conserve la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'œuvre estimés à la date du remboursement, compte-tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages ", ces dispositions n'étant pas d'ordre public et n'étant pas applicables en présence d'une clause d'accession gratuite à la propriété en fin de bail des constructions édifiées par le preneur sur le sol du bailleur. La prise en compte de la valeur de l'ensemble des constructions pour la détermination de la valeur de cession des terrains en 2011 ne révèle par suite aucun avantage consenti à la SCI Le Noyer Habert par la SCI Grand Cèdre.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux qui leur ont été assignés au titre de l'année 2011. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de

1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1714644/1-1 du 6 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux qui leur ont été assignés au titre de l'année 2011.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications des situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2021.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA00008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00008
Date de la décision : 08/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-08;20pa00008 ?
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