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06/12/2021 | FRANCE | N°20PA03790

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 06 décembre 2021, 20PA03790


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 15 mars 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1902878 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2019.

Procédure devant la Cour :

Par un

e requête, un mémoire complémentaire et des pièces enregistrés le 7 décembre 2020, le 14 mai 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 15 mars 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1902878 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2019.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et des pièces enregistrés le 7 décembre 2020, le 14 mai 2021 et le 2 juillet 2021, Mme A..., représentée par Me Lonchampt, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902878 du 6 novembre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à Me Lonchampt au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant des moyens communs à l'ensemble des décisions :

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées.

S'agissant de la décision refusant son admission au séjour :

- la décision est entachée d'un vice de procédure, le préfet du Val-de-Marne n'ayant pas recueilli l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le préfet, en se référant aux dispositions de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entaché sa décision d'une erreur de droit dès lors que ces dispositions ont été abrogées par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- la décision méconnaît les dispositions des articles L. 743-1 et R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les premiers juges, qui ont écarté à tort le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ont contredit les dispositions du jugement du 27 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun avait annulé l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 28 juillet 2020 et ont ainsi méconnu l'autorité de la chose jugée et le principe de sécurité juridique ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, le préfet n'ayant pas recueilli l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;

- la décision méconnaît les dispositions des articles L. 743-1 et R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 26 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Ho Si Fat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A..., ressortissante kenyane, née le 2 octobre 1982, est entrée en France le 6 avril 2017 selon ses déclarations et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile sur le fondement des dispositions des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 31 août 2017 de l'Office français des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 13 novembre 2018 de la Cour nationale du droit d'asile, sa demande d'asile a été rejetée. Par un arrêté du 15 mars 2019, le préfet du Val-de-Marne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 6 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions :

2. Mme A... reprend en appel le moyen développé en première instance tiré de ce que les décisions contestées seraient insuffisamment motivées. Cependant, l'intéressée ne développe au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

3. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen complet de sa situation.

4. En deuxième lieu, si l'article 1er de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a abrogé l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu du IV de l'article 71 de cette même loi, combiné à l'article 52 du décret du 27 février 2019 pris pour l'application de cette loi, cet article est entré en vigueur le 1er mars 2019 et s'applique aux demandes qui lui sont postérieures. Mme A... soutient avoir présenté sa demande d'asile lors de son placement en zone d'attente, à l'occasion d'une escale en France en avril 2017. Il suit de là que le préfet n'a pas commis d'erreur en fondant son refus d'admission au séjour sur ces dispositions.

5. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ". Enfin, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 213-6. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. / La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception. / Les décisions de rejet sont transmises, sur sa demande, au ministre chargé de l'immigration ".

6. La requérante soutient pour la première fois en appel que les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ne lui auraient pas été régulièrement notifiées. Toutefois, il ressort de l'extrait de la base de données " Telemofpra " relative à l'état des procédures de demande d'asile, produit par le préfet du Val-de-Marne en première instance, que la demande d'asile de Mme A... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2017, notifiée le 19 septembre 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du

13 novembre 2018, notifiée le 11 décembre 2018. La requérante n'apporte aucun élément de nature à contredire les mentions figurant sur ce document, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire par application des dispositions précitées de l'article R. 723-19. En conséquence, la décision portant refus d'admission au séjour ne peut être regardée comme entachée d'une erreur de droit. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 743-1 et R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

7. En quatrième lieu, sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif de la décision administrative attaquée. Dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office si d'autres motifs sont susceptibles de justifier la délivrance d'un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement invoquer de tels motifs devant le juge de l'excès de pouvoir.

8. Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile. Toutefois, le préfet, saisi de sa demande uniquement sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a également considéré, dans la décision contestée, que " l'intéressée n'entrait dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Ce faisant, il doit être regardé comme ayant d'office examiné la demande de titre de séjour au regard des autres dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Aux termes des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées à l'article L. 425-9 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du certificat médical établi le

19 décembre 2017 par le docteur D..., praticien hospitalier à l'hôpital Albert Chenevier-Henri Mondor, que Mme A... a été hospitalisée du 9 octobre 2017 au 19 décembre 2017 pour la prise en charge d'un épisode maniaque avec symptômes psychotiques inaugural d'un trouble bipolaire de type 1, se manifestant par des troubles du comportement à type de désinhibition et d'hétéro-agressivité verbale et comportementale, des idées délirantes à thématiques mystiques de persécution, un discours incohérent ainsi que des troubles du sommeil. De même, il ressort du certificat médical établi le 15 juin 2018 par le docteur C..., psychiatre du pôle de psychiatrie et d'addictologie au sein de l'hôpital Albert Chenevier-Henri Mondor, que Mme A... est suivie régulièrement depuis février 2018 au centre médico-psychologique de Boissy-Saint-Léger pour un épisode dépressif caractérisé et précise qu'elle présente un état clinique non stabilisé avec des troubles cognitifs importants. Enfin, il ressort des nombreuses ordonnances et convocations versées par Mme A... au dossier que le traitement prescrit à l'intéressée, à la date de la décision en litige, se compose de la prise de deux antipsychotiques, le Theralithe et la Quetiapine, et d'un hypnotique, ainsi que d'un suivi régulier du dosage en lithium et de consultations régulières au centre médico-psychologique de Boissy-Saint-Léger. Toutefois, ces documents, ainsi que le certificat médical du 22 décembre 2020, nouvellement produit en appel, établi par le docteur B..., praticien hospitalier au groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences, et indiquant de manière générale et non circonstanciée que le défaut ou l'interruption du traitement de Mme A... pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sont insuffisants pour établir que le défaut de prise en charge médicale de Mme A... aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. De plus, si le certificat médical du 19 décembre 2017 du docteur D... se réfère aux évènements traumatiques que Mme A... dit avoir subis dans son pays d'origine, il ne fait que relater ses propos et n'établit pas qu'elle ne pourrait pas, pour cette raison, repartir dans son pays d'origine. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que Mme A... a l'objet d'une admission en soins psychiatriques sur décision du 24 août 2020 du directeur du groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences, cette hospitalisation, qui intervient dix-sept mois après l'édiction de la décision en litige, ne permet pas de considérer qu'à la date de la décision contestée, le défaut de prise en charge médicale de l'intéressée aurait entraîné des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé alors qu'il est constant que Mme A... n'avait fait l'objet d'aucune nouvelle hospitalisation depuis décembre 2017. Dans ces conditions, et alors que les premiers juges, en exposant au soutien de leur argumentation, que le tribunal administratif de Melun, dans son jugement du 27 octobre 2020 par lequel il a annulé pour erreur manifeste d'appréciation l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 28 juillet 2020 décidant l'éloignement du territoire français de Mme A..., ne s'était pas prononcé sur les conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'ont pas méconnu le principe de sécurité juridique ni méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement dès lors que la condition d'identité d'objet n'était pas remplie. Par suite, Mme A..., qui ne peut utilement se prévaloir de ce que son traitement ne serait pas disponible dans son pays d'origine, n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Val-de-Marne aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il appartient à Mme A..., si elle s'y croit fondée en raison d'une aggravation de son état de santé, de présenter une demande de titre de séjour auprès de la préfète du Val-de-Marne en faisant valoir les éléments médicaux postérieurs à la décision contestée.

11. En cinquième lieu, il résulte du point précédent que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que, remplissant les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Val-de-Marne aurait dû saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir une ingérence dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la protection de la santé, de la morale ou de la protection des droits et liberté d'autrui ".

13. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est célibataire et sans charge de famille en France alors qu'elle n'est pas démunie d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 34 ans et où vivent ses deux filles ainsi que sa sœur. En outre, s'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, qui ne maîtrise pas la langue française, a développé une relation amicale au sein du foyer d'hébergement, cette circonstance n'est pas suffisante pour considérer que Mme A... aurait fixé le centre de ses intérêts personnels en France. De même, la circonstance que la requérante produit pour la première fois en appel une attestation du 25 mars 2021 indiquant qu'elle est inscrite à des cours de français pour l'année scolaire d'octobre 2020 à juin 2021 est sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors qu'elle est postérieure à la décision contestée. Dans ces conditions, et dès lors que l'intéressée ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française, le préfet du Val-de-Marne, en refusant de l'admettre au séjour, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En septième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 13 du présent arrêt, le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, la décision portant refus d'admission au séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, en conséquence, être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

17. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions précitées, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

18. D'une part, si Mme A... soutient que la décision litigieuse a été prise aux termes d'une procédure irrégulière dès lors que le collège des médecins de l'OFII n'a pas été saisi par le préfet du Val-de-Marne préalablement à l'édiction de ladite décision, la seule circonstance que l'intéressée, qui a fait valoir auprès de l'administration par un courriel du 9 janvier 2019 qu'elle souhaitait, sans plus de précision, déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour en raison de son état de santé, ne permet pas de considérer que le préfet disposait d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que Mme A... présentait un état de santé susceptible de la faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un obligation de quitter le territoire français. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 10, si Mme A... fait valoir qu'elle souffre de troubles psychiatriques, l'intéressée n'établit pas que le défaut de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire serait entachée d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir saisi le collège de médecins de l'OFII et de ce que cette décision méconnaîtrait les dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'état de santé de Mme A... serait incompatible avec son éloignement du territoire français ne peuvent qu'être écartés.

19. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen complet de sa situation.

20. En quatrième lieu, pour les motifs exposés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 743-1 et R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de preuve d'une notification régulière des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile à l'intéressée, sera écarté.

21. Enfin, pour les motifs exposés au point 13 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne, en l'obligeant à quitter le territoire français, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme doit l'être, pour les motifs exposés aux points 10 et 13, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

22. En premier lieu, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant entachées d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi doit, en conséquence, être écarté.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

24. D'une part, si Mme A... fait valoir que son renvoi au Kenya l'exposerait à un risque de traitements inhumains et dégradants compte tenu de son état de santé, ainsi qu'il a été dit au point 10 du présent arrêt, l'intéressée n'établit pas que le défaut de prise en charge médicale de sa pathologie entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. D'autre part, si Mme A... soutient qu'elle craint d'être victime de persécutions dans son pays d'origine de la part des membres de la secte Mungiki, elle n'apporte devant la Cour aucun élément de nature à établir la réalité de ces allégations alors qu'il est constant que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 31 août 2017 de l'Office français des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 13 novembre 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03790
Date de la décision : 06/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Autorisation de séjour. - Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LONCHAMPT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-06;20pa03790 ?
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