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24/11/2021 | FRANCE | N°20PA00830

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 24 novembre 2021, 20PA00830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1900029 du 3 décembre 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 mars 2020 et 11 octobre 2

021, M. A..., représenté par Me François Quinquis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1900029 du 3 décembre 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 mars 2020 et 11 octobre 2021, M. A..., représenté par Me François Quinquis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900029 du 3 décembre 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de prononcer la décharge demandée au tribunal ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 500 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté dès lors qu'il n'a pas été associé au débat contradictoire dans le cadre de la procédure de retrait d'agrément menée à l'égard de la SCI Tarava Nui ;

- aucune insuffisance, inexactitude, omission ou dissimulation n'a été constatée ;

- le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- les règles de la prescription ont été méconnues, le délai de reprise de trois ans fixé à l'article 451-1 du code des impôts de la Polynésie française courant à compter de l'expiration du délai prévu pour remettre le certificat de conformité ;

- la législation en vigueur au moment de la demande d'agrément ne prévoit pas le délai de prescription dérogatoire introduit par la loi 2009-7 du 1er avril 2009 ;

- l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2021, le gouvernement de la Polynésie française, représenté par Me Vincent Dubois, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... C... la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

11 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 71-1028 du 24 décembre 1971 ;

- la loi n° 77-772 du 12 juillet 1977 relative à l'organisation de la Polynésie française ;

- la loi organique n° 97-1074 du 22 novembre 1997 ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Projetant la construction de 88 maisons individuelles intermédiaires destinées à la location à Afaahiti sur la commune de Taiarapu-Est, la SCI Tarava Nui a obtenu un permis de construire en vue de la réalisation de ce projet par un arrêté du 7 février 2008 et un agrément fiscal au titre du crédit d'impôt pour investissement par un arrêté du 4 décembre 2008. A raison d'un apport de financement dans ce projet, pour un montant de 5 000 000 francs CFP, M. A... a bénéficié de crédits d'impôt imputés sur ses cotisations d'impôt sur les transactions, pour des montants de 745 031 francs CFP au titre de l'année 2009, 490 744 francs CFP au titre de l'année 2010 et 482 899 francs CFP au titre de l'année 2011. La SCI Tarava Nui n'ayant pas présenté de certificat de conformité dans les délais impartis par la règlementation en vigueur, son agrément a été retiré par un arrêté du 20 août 2015. En conséquence, par une notification de redressement du 23 novembre 2015, l'administration a remis en cause les crédits d'impôt imputés sur les cotisations d'impôt sur les transactions payées par M. A... au titre des années 2009, 2010 et 2011. Les redressements ainsi notifiés ont été mis en recouvrement le 2 juillet 2018, pour des montants, en droits et intérêts de retard, de 1 068 374 francs CFP au titre de l'année 2009, de 659 560 francs CFP au titre de l'année 2010 et de 606 809 francs CFP au titre de l'année 2011. M. A... relève appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges ont constaté, dans le jugement attaqué, que M. A... avait fait l'objet de redressements et que ces redressements avaient été notifiés selon la procédure contradictoire. Ils ont par suite implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré de ce qu'aucune insuffisance, inexactitude, omission ou dissimulation n'avait été constatée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article LP 421-1 du code des impôts de la Polynésie française : " 1 - (...) lorsque l'administration constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits ou taxes dus en vertu du présent code, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure suivante. / 2 - L'administration fait connaître au contribuable la nature et les motifs des rectifications envisagées. / Elle l'invite à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification. Sur demande motivée de l'intéressé, le vérificateur peut lui accorder un délai supplémentaire dans la limite de trente jours. / Si le contribuable donne son accord ou s'abstient de répondre dans le délai prescrit (...) l'administration procède à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement sur la base acceptée formellement ou tacitement par l'intéressé. / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée. / 3 - A défaut d'accord dans le délai prescrit, le contribuable peut saisir la commission des impôts dans un délai de trente jours après confirmation des rectifications, dans les conditions prévues aux articles LP. 432-1 et LP 432-2 du présent code (...) ".

4. M. A... soutient que le principe du contradictoire n'a pas été respecté à son égard, dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de prendre part aux débats avec l'administration au cours de la procédure qui a conduit au retrait de l'agrément délivré à la SCI Tarava Nui. Toutefois, aucun texte ni aucun principe n'impose à l'administration, au stade d'une procédure de retrait d'un agrément fiscal délivré à une société à raison d'un projet d'investissement réalisé en Polynésie française, de mettre à même toute personne susceptible de bénéficier des crédits d'impôt afférents à cet agrément, à raison d'un apport de financement au projet, de présenter ses observations sur le retrait envisagé. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. A... a fait l'objet d'un rehaussement notifié selon la procédure contradictoire prévue à l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française. Contrairement à ce qu'il soutient, la notification de redressement du 23 novembre 2015 identifie, en faisant état d'un crédit d'impôt attaché à un agrément ayant fait l'objet d'une décision de retrait, une insuffisance dans les éléments ayant servi au calcul des impôts. L'intéressé a en outre présenté, le 11 décembre 2015, ses observations sur la notification de redressement le concernant. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance du " principe du contradictoire " doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article LP. 451-1 du code des impôts de la Polynésie française, dans sa rédaction approuvée par arrêté n° 1273 CM du 7 août 2009 et issue de la loi du pays n° 2009-7 du 1er avril 2009 portant refonte des dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement en Polynésie française et modification du code des impôts : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette ou la liquidation des impôts et taxes visés au présent code ainsi que les erreurs commises dans l'établissement des impositions, dans l'application des tarifs ou dans le calcul des cotisations peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. Par dérogation à l'alinéa précédent, la remise en cause d'avantages fiscaux issus de l'un des dispositifs faisant l'objet de la troisième partie du présent code peut être effectuée, pour la totalité des impositions correspondantes, dans les cinq ans qui suivent 1'exercice au titre duquel ces avantages ont été imputés en dernier lieu ".

6. Il résulte de l'instruction que la notification de redressement du 23 novembre 2015 adressée à M. A..., relative aux crédits d'impôt imputés sur ses cotisations dues au titre des années 2009 à 2011, a été notifiée dans le délai de cinq ans suivant 1'exercice au titre duquel l'avantage a été imputé en dernier lieu, prévu par le deuxième alinéa de l'article LP. 451-1 applicable à compter de 2009. Le droit de reprise de l'administration n'était ainsi pas prescrit. A cet égard, M. A... ne peut, en tout état de cause, pas utilement soutenir que la prescription des impositions dues au titre des années 2009 à 2011 était acquise le 31 décembre 2014, soit à l'expiration d'un délai de trois ans courant à compter de la date limite de remise du certificat de conformité, date fixée selon lui au 7 août 2011, sur le fondement de l'article 451-1 du code des impôts dans sa rédaction issue de la loi du pays n° 2005-1 du 7 février 2005, dès lors que le délai de reprise expressément prévu par le deuxième alinéa de l'article LP. 451-1 du code des impôts de la Polynésie française, issu de la loi du pays du 1er avril 2009, était immédiatement applicable, en l'absence de disposition spécifique en sens contraire de cette loi du pays. Par ailleurs, M. A... ne peut pas plus utilement se prévaloir de l'article LP. 919-21 de ce code, issu de la loi du pays du 1er avril 2009, aux termes duquel " Les programmes d'investissement sont régis par la législation fiscale en vigueur à la date à laquelle se réalise leur fait générateur. Le fait générateur du programme d'investissement est constitué par le dépôt de la demande d'agrément y afférent au service des contributions ", dès lors que ces dispositions concernent seulement la fiscalité applicable au programme d'investissement et ne sont pas contradictoires avec les règles de prescription du droit de reprise prévues par la même loi. Il ne peut enfin pas plus utilement soutenir que l'article LP. 451-1 du code des impôts de la Polynésie française dans sa rédaction issue de la loi du pays du 1er avril 2009 présenterait un caractère rétroactif, dès lors que le délai prévu par cet article n'a couru qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.

7. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, la seule circonstance que l'administration ait tiré les conséquences fiscales d'un retrait d'agrément pour non présentation du certificat de conformité dans les délais impartis par la règlementation en vigueur ne constitue pas une atteinte à une espérance légitime d'obtenir une somme d'argent contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du gouvernement de la Polynésie française, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du gouvernement de la Polynésie française tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au gouvernement de la Polynésie française.

Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2021.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00830
Date de la décision : 24/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL PIRIOU QUINQUIS BAMBRIDGE-BABIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-24;20pa00830 ?
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