Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2100040 du 1er mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. A... C... et de lui délivrer dans cette atteinte une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la Cour :
I. - Par une requête n° 21PA01604 enregistrée le 26 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100040 du 1er mars 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... C... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que :
- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée manque en fait ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... C... ne sont pas fondés.
II. - Par une requête n° 21PA01605, enregistrée le 26 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil n° 2100040 du 1er mars 2021.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. À la suite du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par un arrêté du 17 décembre 2020, obligé M. A... C..., ressortissant bangladais, né le 9 avril 1975, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement n° 2100040 du 1er mars 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de la Seine-Saint-Denis étant formés contre un même jugement, présentant à juger des mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné :
3. Il ressort des pièces produites pour la première fois en appel que la décision contestée a été signée par Madame B... D..., chef du bureau de l'asile. Par un arrêté n° 2020-0665 du 16 mars 2020, régulièrement publié le même jour au bulletin d'informations administratives, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a donné délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figurent les décisions en litige, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions en litige pour annuler son arrêté du 17 décembre 2020.
4. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... C... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 17 décembre 2020, qui vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que " la demande d'asile présentée par M. A... C... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 mars 2019, notifiée le 8 avril 2019, et que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa requête le 8 octobre 2020, ce qui lui a été notifié le 19 octobre 2020 ". Elle ajoute que " l'intéressé ne justifie pas en France d'une situation personnelle et familiale à laquelle la présente décision porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ". Ainsi, la décision contestée expose les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. A... C....
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du même code, dans sa version applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le recours présenté par M. A... C... aux fins d'annulation de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 mars 2019 a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile lue en audience publique le 8 octobre 2020. M. A... C... bénéficiait donc du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à cette date, et non jusqu'à celle de la notification de la décision, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En dernier lieu, alors que M. A... C... est célibataire et n'est, selon ses propres déclarations, entré sur le territoire français que le 29 mars 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. En premier lieu, il résulte ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de l'exception, par voie d'illégalité, de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
12. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté contesté qu'il précise l'ensemble des considérations de droit et de fait qui le fondent. Par suite, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait insuffisamment motivée.
13. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. A... C....
14. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
15. Si M. A... C... soutient qu'il encourt de graves dangers en cas de retour au Bangladesh en raison de poursuites judiciaires controuvées, il n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations alors, au demeurant, que sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 octobre 2016. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 17 décembre 2020. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... C... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Sur la demande de sursis à exécution :
17. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2100040 du tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 21PA01605 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100040 du 1er mars 2021 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... C... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA01605 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2021.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
S. DIÉMERT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 21PA01604, 21PA01605