Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.
Par un jugement n° 2101299/8 du 15 février 2021, le tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 28 décembre 2020, a enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à M. A... dans le cas où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2101299/8 du 15 février 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 et de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Nombret, demande à la Cour de rejeter la requête du préfet de police, de l'admettre au bénéficie de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 10 mai 2021, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 29 juillet 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 17 décembre 2020. Par un arrêté du 28 décembre 2020, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, le préfet de police fait appel du jugement du 15 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 10 mai 2021, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code, dans sa version applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le recours présenté par M. A... aux fins d'annulation de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 juillet 2019 a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile lue en audience publique le 17 décembre 2020. M. A... bénéficiait donc, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à cette date, et non jusqu'à celle de la notification de la décision. Dès lors la circonstance que cette notification soit mentionnée " en attente " dans la fiche " Telemofpra " produite par le préfet est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, estimant que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article L. 743-1 du même code, a annulé l'arrêté en litige pour ce motif.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens invoqués par M. A... en première instance :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les dispositions applicables, en particulier le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il indique que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Il précise également que la mesure prise ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et que M. A... n'établit pas être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de renvoi dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent. Il est suffisamment motivé, quand bien même il ne mentionne les éléments relatifs à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision que le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée d'un défaut d'examen de la situation de M. A... manque en fait.
8. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
9. Lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute information complémentaire utile.
10. M. A... a été entendu par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile et pouvait faire valoir à tout moment auprès de la préfecture les éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle. L'intéressé n'établit, ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse, notamment pour faire valoir des éléments relatifs à son état de santé. Par suite, le préfet de police, qui n'était pas tenu d'inviter M. A... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, ne l'a pas privé de son droit à être entendu.
11. En quatrième lieu, il ne résulte ni des motifs de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de police se serait estimé lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile.
12. En cinquième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. M. A... est célibataire et sans charge de famille. Il a vécu dans son pays au moins jusqu'à l'âge de 23 ans et n'est entré en France, selon ses déclarations, qu'en mai 2019. Par ailleurs, si les documents médicaux produits par le requérant attestent qu'il a été suivi par des praticiens du service de médecine nucléaire et du service d'urologie de l'hôpital Tenon, à Paris, entre novembre 2019 et janvier 2020, aucun n'indique que son état de santé nécessite un suivi régulier ou un traitement médicamenteux. Dans ces conditions, quand bien même il n'aurait jamais troublé l'ordre public, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
15. M. A... soutient que, du fait de son opposition aux pratiques esclavagistes, son retour au Mali l'expose à subir des traitements inhumains et dégradants au sens des dispositions et stipulations des articles précités. Toutefois, il ne produit à l'appui de sa requête aucun élément de nature à attester qu'il encourrait actuellement et personnellement de tels risques en cas de retour dans ce pays, alors, au demeurant, que sa demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 décembre 2020. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris, de même que les conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2101299/8 du 15 février 2021 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2021.
Le rapporteur,
F. DORÉLe président,
S. DIÉMERT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01213 2