La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2021 | FRANCE | N°21PA00382

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 novembre 2021, 21PA00382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté des 14-16 mai 2018 par lequel le maire de Servon (Seine-et-Marne) a refusé de lui accorder un permis de construire un immeuble collectif de dix logements, valant permis de démolir le pavillon à usage d'habitation pré-existant, sur une parcelle cadastrée Section AD n° 187 située 30 rue François Leduc, ensemble la décision implicite du 12 juillet 2018 rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n

1809389 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé ces déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté des 14-16 mai 2018 par lequel le maire de Servon (Seine-et-Marne) a refusé de lui accorder un permis de construire un immeuble collectif de dix logements, valant permis de démolir le pavillon à usage d'habitation pré-existant, sur une parcelle cadastrée Section AD n° 187 située 30 rue François Leduc, ensemble la décision implicite du 12 juillet 2018 rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n° 1809389 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé ces décisions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2021, la commune de Servon, représentée par Me Van Elslande, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1809389 du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la requête introduite par M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce que, pour déclarer illégale, dans son ensemble, la délibération du 22 mars 2018 portant révision du plan local d'urbanisme, il s'est borné à constater l'illégalité de deux de ses dispositions de cette délibération sans examiner les autres ;

- le signataire de la décision contestée avait reçu délégation par un arrêté du 7 mai 2018 du maire ;

- le jugement, qui devait tirer les conséquences de l'illégalité partielle de la délibération du 22 mars 2018 en limitant la portée de l'annulation a, ce faisant, méconnu les dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme et ainsi commis une erreur de droit ;

- la délibération du 22 mars 2018, en ce qu'elle modifie les seuils de logements sociaux, ne change pas les orientations du programme d'aménagement et de développement durables, l'objectif tendant à favoriser la mixité sociale étant déjà présent depuis la révision du plan local d'urbanisme de 2013 ;

- la délibération du 22 mars 2018, en ce qu'elle transfère la parcelle cadastrée section Z n° 207 de la zone UR en zone UX, ne constitue pas une réduction d'une protection dès lors que le règlement de la zone UR ne prévoit qu'une constructibilité limitée et que ce changement de zonage corrige une précédente erreur de classement.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2021, M. A..., représenté par Me Zerna, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation de l'arrêté des 14-16 mai 2018 ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Servon une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 avril 2021, la clôture de l'instruction a été prononcée le 23 avril 2021 à 12h00.

Un mémoire a été produit pour la commune de Servon le 12 octobre 2021, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- et les observations de Me Van Elslande, représentant la commune de Servon.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° PC.77450.1800006 daté des 14-16 mai 2020, le maire de la commune de Servon (Seine-et-Marne) a refusé d'accorder à M. D... A... un permis de construire un immeuble collectif de dix logements, valant permis de démolir le pavillon à usage d'habitation pré-existant, sur une parcelle cadastrée Section AD n° 187 située 30 rue François Leduc, et par une décision implicite du 12 juillet 2018, il a rejeté le recours présenté par M. A... contre cette décision. Saisi à cette fin par M. A..., le tribunal administratif de Melun, a annulé ces décisions par un jugement n° 1809389 du 19 novembre 2020 dont la commune de Servon relève appel devant la Cour.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la commune de Servon soutient que le jugement n'est pas suffisamment motivé en ce que, pour déclarer illégale dans son ensemble la délibération du 22 mars 2018 portant révision du plan local d'urbanisme, il s'est borné à constater l'illégalité de deux des dispositions de cette délibération sans examiner les autres, ce moyen, tel qu'il est invoqué, critique en réalité le bien-fondé du jugement attaqué et non sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif :

3. En premier lieu, pour juger que la décision des 14-16 mai 2018 avait été prise par une autorité incompétente, le tribunal administratif a relevé que la délégation de signature consentie à M. B... le 5 janvier 2018 ne lui permettait pas de signer cette décision, dès lors que le maire qui l'avait consentie était décédé le 20 avril 2018 et que son successeur, élu lors du conseil municipal du 3 mai 2018, ne lui avait pas donné une nouvelle délégation à cette fin.

4. La commune de Servon produit cependant, pour la première fois en appel, une décision du 7 mai 2018 du maire, M. C..., donnant délégation de signature à M. B... pour tous les documents relatifs à l'urbanisme. M. A... soutient que cette délégation de signature n'est pas exécutoire, faute pour la commune d'établir qu'ont été effectuées les mesures de publicité prévues par les dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature. / (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. ". Il ressort cependant des mentions portées sur la décision du 7 mai 2018 que le maire a certifié le caractère exécutoire de cet acte, une telle mention faisant foi jusqu'à preuve du contraire, qui n'est pas apportée par M. A.... Il en résulte que le tribunal administratif de Melun ne pouvait se fonder sur ce motif pour annuler la décision contestée.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme : " L'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause. ". Il résulte de ces dispositions qu'un moyen tiré de ce qu'il fallait procéder non à une modification mais à une révision du règlement d'un plan local d'urbanisme est relatif à la légalité interne de la délibération approuvant la modification de ce règlement et n'est ainsi pas au nombre des vices de forme ou de procédure qui ne peuvent, en principe, être invoqués par voie d'exception que dans un délai de six mois.

6. Aux termes de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme est révisé lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide : / 1° Soit de changer les orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables ; / (...) 3° Soit de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d'une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance (...) ". Aux termes de l'article L. 153-36 du même code : " Sous réserve des cas où une révision s'impose en application de l'article L. 153-31, le plan local d'urbanisme est modifié lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide de modifier le règlement, les orientations d'aménagement et de programmation ou le programme d'orientations et d'actions. ".

7. D'une part, le jugement a relevé que le règlement du plan local d'urbanisme issu de la délibération du 22 mars 2018, qui a pour objectif de favoriser la mixité sociale et qui impose à cette fin aux programmes de construction en zone UB de trois à huit logements de comporter plus de 30% de logements sociaux et aux programmes de plus de huit logements de comporter au moins 50% de logements sociaux, constituait une modification des orientations du projet d'aménagement et de développement durables de sorte qu'en application du 1° de l'article L. 153-31 précité, une telle modification du règlement ne pouvait légalement être effectuée que dans le cadre de la procédure de révision du plan local d'urbanisme, et non dans celui d'une procédure de modification.

8. En appel, la commune de Servon se borne à reprendre ses écritures de première instance s'agissant de la présence de l'objectif de mixité sociale et de logement social dans le projet d'aménagement et de développement durables, et à se prévaloir de la présence de cet objectif dans le rapport de présentation. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 8 de son jugement.

9. D'autre part, les premiers juges ont retenu que la modification du classement de la parcelle cadastrée section Z n° 207 de la zone UR en zone UXd constituait, du fait de la diminution de la distance d'inconstructibilité qu'elle entrainait, de 100 à 15 mètres le long de la route nationale 104 et de 75 à 25 mètres le long de la route nationale 19, une réduction d'une protection édictée en raison des risques de nuisance et ne pouvait dès lors, en application des dispositions du 3° de l'article L. 153-31 précité, qu'être opérée selon la procédure de révision du plan local d'urbanisme.

10. En soutenant que la modification n'a consisté qu'à modifier à la marge les dispositions de la zone UR, alors que la parcelle n'en fait plus partie, et que la modification de classement a été effectuée en vue de réparer une erreur matérielle issue du précédent classement de ces terrains, la commune de Servon ne conteste pas pertinemment le motif retenu par les premiers juges.

Sur les autres moyens :

11. La commune de Servon soutient que le jugement ne pouvait déclarer illégale dans son intégralité la délibération du 22 mars 2018 portant révision du plan local d'urbanisme après s'être borné à constater l'illégalité de deux de ses dispositions et sans examiner la légalité des autres modifications qu'elle apportait au plan local d'urbanisme. Il ne ressort pas toutefois ni des motifs ni du dispositif du jugement que les premiers juges, à qui il était loisible d'examiner la légalité de dispositions divisibles des autres en fonction des moyens soulevés, ont seulement entendu constater l'illégalité de l'intégralité de la délibération du 22 mars 2018.

12. La commune soutient que le jugement attaqué, qui devait tirer les conséquences de l'illégalité partielle de la délibération du 22 mars 2018 en limitant la portée de l'annulation aux articles concernés, a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme et commis une erreur de droit. Il est toutefois constant que le jugement a prononcé l'annulation de la décision des 14-16 mai 2018 refusant de délivrer un permis de construire à M. A... et non celle de ces deux articles du plan local d'urbanisme dont il a seulement constaté l'illégalité par la voie de l'exception au motif qu'ils auraient dû résulter de la procédure de révision du règlement du plan local d'urbanisme et non de celle de sa modification.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Servon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté des 14-16 mai 2018 par lequel le maire de Servon a refusé d'accorder un permis de construire à M. A.... Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence celles à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. M. A... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la commune de Servon tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions précitées doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Servon le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Servon est rejetée.

Article 2 : La commune de Servon versera à M. D... A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Servon et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2021.

Le rapporteur,

J.-F. GOBEILLLe président,

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

5

N° 21PA00382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00382
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : AARPI LEXSTEP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-18;21pa00382 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award