Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté PC 093049 19C0023 du 27 septembre 2019, par lequel le maire de la commune de Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis) a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de 5 logements sur un terrain situé 45 rue Boureau Guérinière, et d'enjoindre à la commune de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 300 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1911497 du 16 septembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 octobre 2020, M. A... C..., représenté par Me Palmieri, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1911497 du 16 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté PC 093049 19C0023 du 27 septembre 2019, par lequel le maire de la commune de Neuilly-Plaisance a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de cinq logements sur un terrain situé 45 rue Boureau Guérinière, sur son territoire ;
3°) d'enjoindre à la commune de Neuilly-Plaisance de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Neuilly-Plaisance le versement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, faute d'avoir statué sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, dûment soulevé devant les premiers juges et analysé dans les visas du jugement ;
- le jugement attaqué est fondé en tant qu'il a invalidé le motif de refus de permis de construire initialement retenu par l'administration, et tiré de la méconnaissance de l'article UT 3.4.1. du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors qu'il n'est pas interdit de construire au-delà d'une bande de 24 mètres à compter de la voie publique ;
- le jugement attaqué est en revanche mal fondé en tant qu'il a admis la substitution de motif, tirée de la méconnaissance de l'article UT 7.2 du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors que le local destiné au stockage des containers nécessaires à la collecte sélective des déchets ménagers est prévu, et qu'il est accessible depuis la voie publique, ces dispositions n'impliquant nullement que ce local soit contigu à la voie publique ;
- l'article UT 7.2 du règlement du plan local d'urbanisme édictant une règle qui n'est pas justifié par un motif d'urbanisme, mais sur des motifs d'hygiène qui relèvent de la réglementation sanitaire, il est en tout état de cause illégal et le requérant est fondé à exciper de son illégalité, dès lors qu'il porte une atteinte excessive au droit de propriété, et qu'il ne saurait se fonder légalement sur l'article R. 151-47 du code de l'urbanisme, qui ne concerne que l'accessibilité des terrains aux véhicules de collectes des déchets du service public et ne peut donc régir les modalités de stockage des déchets sur le terrain ;
- l'arrêté litigieux a été pris par une autorité incompétente, dès lors qu'il n'est pas justifié d'une délégation régulière ;
- en cas d'annulation d'un refus de permis de construire, le juge doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2021, la commune de Neuilly-Plaisance, représentée par Me Treca (SELARL Woog et Associés), conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement attaqué est régulier, dès lors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à un moyen non fondé ;
- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,
- et les observations de Me Monin substituant Me Treca, avocat de la commune de Neuilly-Plaisance.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... a, le 5 juillet 2019, sollicité du maire de la commune de Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis) la délivrance d'un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation composé de cinq logements, sur un terrain sis 45 rue Boureau Guérinière. Par un arrêté PC 093049 19C0023 du 27 septembre 2019, dont le requérant demande l'annulation, le maire de la commune de Neuilly-Plaisance a refusé de faire droit à cette demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Alors que le requérant avait expressément soulevé, dans sa demande devant les premiers juges, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux, le tribunal administratif, après avoir analysé ce moyen dans les visas du jugement attaqué, a omis d'y répondre. Dès lors, M. C... est fondé à soutenir que, ce moyen n'étant pas inopérant, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité sur ce point.
3. Il y a donc lieu d'annuler le jugement attaqué et, l'affaire étant en état, d'évoquer pour statuer immédiatement sur les demandes de M. C....
Sur la légalité de la décision attaquée :
4. En premier lieu, si M. C... soutient que l'arrêté litigieux est entaché d'incompétence, pour avoir été signé par un adjoint au maire, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté n° 2014-47 en date du 8 mai 2014, transmis aux services du représentant de l'État dans le département le 19 mai 2014, le maire de Neuilly-Plaisance a donné délégation à M. E... F..., neuvième adjoint, " à l'effet de signer les documents concernant l'instruction et la délivrance des autorisations d'urbanisme et d'utilisation des sols énoncées au code de l'urbanisme notamment [...], les permis de construire, de démolir et d'aménager, les [...] ". Il s'ensuit que le moyen manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, M. C... soutient que l'arrêté attaqué ne peut légalement se fonder sur la prétendue méconnaissance de l'article UT 3.4.1. du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors ces dispositions n'interdisent pas de construire au-delà d'une bande de 24 mètres à compter de la voie publique.
6. Il ressort tant des dispositions des articles 3.3. et 3.5 du règlement du plan local d'urbanisme, applicables à la zone UT, où se situe le terrain d'assiette du projet, qu'elles ne proscrivent pas l'implantation d'un bâtiment à l'extérieur d'une bande de 24 mètres à partir de l'alignement de la voie publique. Il s'ensuit que le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté du 27 septembre 2019, qui refuse la délivrance du permis sollicité au motif que la construction projetée sera implantée à 33,29 mètres par rapport à l'alignement de la rue Boureau Guérinière, soit au-delà de la limite de 24 mètres, est entaché d'une erreur de droit.
7. En troisième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
8. D'une part, la commune de Neuilly-Plaisance fait valoir que le permis de construire sollicité est en tout état de cause contraire aux dispositions de l'article 7.2. du règlement du plan local d'urbanisme, aux termes duquel : " Les occupations et utilisations du sol doivent prévoir les aménagements nécessaires à la collecte des déchets urbains afin d'éviter tout encombrement sur la voirie publique, pour les rues dont le trottoir a une largeur inférieure à 2 mètres. / Une aire de stockage des containers d'ordures ménagères devra figurer au plan de masse des futurs projets pour s'intégrer, dans les meilleures conditions, au paysage. / Pour les constructions de plus de 3 logements, un local offrant la possibilité de stockage des containers nécessaires à la collecte sélective des déchets ménagers et accessible depuis la voie publique doit être prévu ". Elle se fonde à cette fin sur les dispositions de l'article R. 151-47 du code de l'urbanisme, aux termes duquel : " Afin de répondre aux besoins en matière de mobilité, de sécurité et de salubrité, le règlement peut fixer : (...) / 2° Les conditions permettant une bonne desserte des terrains par les services publics de collecte des déchets ".
9. Les dispositions du dernier alinéa de l'article 7.2. précité du règlement du plan local d'urbanisme se bornent à prévoir, sans autre précision, une simple accessibilité " depuis la voie publique " des locaux de stockage des containers nécessaires à la collecte sélective des déchets ménagers. Dès lors, et contrairement à ce que fait valoir la commune, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer que ces locaux soient construits de manière à se trouver implantés contigüment à la voie publique, non plus qu'ils disposent d'un accès direct et immédiat à cette voie. En outre, une telle exigence ne s'infère pas des dispositions précitées de l'article R. 151-47 du code de l'urbanisme, lesquelles sont relatives à la seule " desserte des terrains " par les services publics de collecte des déchets et, par suite, dépourvues de toute prescription applicable aux autres caractéristiques des constructions ; elle méconnaitrait au demeurant les dispositions de l'article L. 151-39 du code de l'urbanisme qui, issu de l'ordonnance n° 2015-39 du 9 juillet 2015 et applicable à compter du 1er janvier 2016, a remplacé l'article L. 123-15 en vigueur à la date à laquelle les règles du plan local d'urbanisme en cause ont été adoptée, en vertu desquelles le règlement du plan local d'urbanisme peut " fixer les conditions de desserte par les voies et réseaux des terrains susceptibles de recevoir des constructions ou de faire l'objet d'aménagements. ", qui n'habilitent pas le conseil municipal à édicter, sur ce fondement, des règles inspirées par le souci de protéger la salubrité publique ou l'hygiène au sein des constructions, ou destinées à régir l'intérieur des logements, non plus, de manière générale, que les modes de construction.
10. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". À supposer même que la commune de Neuilly-Plaisance ait entendu, par l'invocation de ces dispositions dans son mémoire en défense d'appel, demander que soit substitué au motif de rejet de la demande, mentionné aux points 5 et 6, celui tiré de sa contradiction avec ces dernières, il lui appartenait alors d'établir qu'il ne lui était pas légalement possible d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, auraient permis d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont elle est chargée d'assurer le respect. Faute pour l'argumentation de la commune de répondre à cette exigence, dès lors qu'elle se borne à faire valoir les risques de collision encourus par les habitants lors de la sortie ou du rangement des containers pour la collecte des déchets, les bruits ainsi générés et de possibles nuisances olfactives, soit des " risques " qui ne peuvent être regardés comme portant sur la sécurité ou la salubrité publiques au sens de cet article, la demande de substitution de motifs sollicitée doit être écartée.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que le maire de la commune de Neuilly-Plaisance ne pouvait légalement, par l'arrêté attaqué, rejeter le permis de construire sollicité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.
13. En l'espèce, il ne ressort pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée interdisent d'accueillir la demande de permis de construire de M. C..., ou que la situation de fait existant à la date du présent arrêt y fasse obstacle. Il y a donc lieu d'enjoindre au maire de Neuilly-Plaisance de délivrer le permis de construire sollicité le 5 juillet 2019 par M. A... C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Neuilly-Plaisance, qui est la partie perdante dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 2 000 à verser à M. C... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1911497 du 16 septembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : L'arrêté PC 093049 19C0023 du 27 septembre 2019 du maire de la commune de Neuilly-Plaisance est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Neuilly-Plaisance de délivrer à M. A... C..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, le permis de construire par lui sollicité le 5 juillet 2019.
Article 4 : La commune de Neuilly-Plaisance versera à M. A... C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... C... et les conclusions de la commune de Neuilly-Plaisance fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Neuilly-Plaisance.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative ;
- M. D... et M. B..., premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2021.
L'assesseur le plus ancien,
J.-F. D...Le président,
rapporteur
S. DIÉMERT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02949