Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2007412 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2021, M. D..., représenté par
Me Vannier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007412 du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis :
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous la même condition de délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ;
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- la décision de refus de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra pas bénéficier effectivement des traitements adaptés à sa pathologie dans son pays d'origine ; ces traitements ne sont en effet pas disponibles en Tunisie et ils sont en outre très coûteux ; de plus, sa pathologie nécessite de poursuivre les soins avec la même équipe médico-psycho-sociale qui le prend en charge depuis 2010 sous peine d'entraîner un risque grave pour lui-même et pour autrui ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence sur le territoire français et à l'intensité de ses attaches familiales en France ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, notamment au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, avant de prendre la décision contestée ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a établi le centre de ses liens privés et familiaux sur le territoire français et qu'il n'a plus de liens avec les membres de sa famille vivant dans son pays d'origine ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles
R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., ressortissant tunisien né en 1982, est entré irrégulièrement en France en 2003. Il a bénéficié de plusieurs titres de séjour délivrés sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile entre 2012 et 2017. Par un arrêté du 15 janvier 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Le 13 décembre 2019, M. D... a de nouveau sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 juin 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Par un jugement du 4 décembre 2020, dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'article R. 611-1 du code de justice administrative dispose que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que par une ordonnance du 22 septembre 2020, le président de la formation de jugement du tribunal a fixé la clôture de l'instruction de la demande de M. D... au 22 octobre 2020. Par un courrier du 17 novembre 2020, et alors que l'audience avait été fixée au 20 novembre 2020, le tribunal a demandé au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui communiquer l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 février 2020. Le 18 novembre 2020, le préfet a produit ce document qui a été communiqué le jour même au conseil de M. D.... Cependant, en communiquant au conseil de M. D... l'avis du collège de médecins de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 février 2020 après la clôture de l'instruction et 48 heures seulement avant l'audience, le tribunal n'a pas mis en mesure le conseil de M. D... de présenter utilement ses observations. Dès lors, le tribunal, qui s'est fondé sur ce document pour rejeter les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour présentées par M. D..., a méconnu les exigences du caractère contradictoire de l'instruction. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
5. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-1067 du 29 avril 2019, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à Mme F... A..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, la décision de refus de séjour vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, le préfet de la Seine-Saint-Denis a mentionné les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles M. D..., ressortissant tunisien, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il s'est référé à l'avis émis le 19 février 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont il s'est approprié les motifs, et qui indique que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le traitement approprié à son état de santé existe dans le pays dont il est originaire et où il peut être pris en charge et qu'en outre, il n'a pas allégué de circonstances exceptionnelles empêchant son accès aux soins dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risques à destination de la Tunisie. Par ailleurs, il indique également que l'intéressé, né le 11 novembre 1982, qui est entré irrégulièrement en France en juillet 2003, est célibataire et sans charge de famille en France, qu'il peut poursuivre le centre de ses intérêts dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait qui fondent sa décision de refus de titre de séjour et a respecté les exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article
L. 425-9 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...)". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article R. 425-11 de ce code :
" Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". En application de l'article R. 313-23 du même code dont les dispositions sont désormais codifiées aux articles R. 425-11 et R. 425-13 de ce code: " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ".
8. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de joindre à sa décision de refus de séjour l'avis rendu le 19 février 2020 par le collège de médecins de l'OFII. Il s'ensuit que la circonstance, à la supposer établie, que cet avis n'aurait pas été joint à la décision en litige, contrairement à ce qui est mentionné dans cette décision, est sans incidence sur sa légalité. Au demeurant, l'avis du 19 février 2020 a été versé aux débats par le préfet de la Seine-Saint-Denis et communiqué à l'intéressé par le tribunal.
9. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du 19 février 2020, que le collège de médecins de l'OFII a émis son avis au vu du rapport médical établi par le docteur B... qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins, lequel était composé des docteurs Truze, Netillard et Ruggieri, conformément aux dispositions précitées de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis du 19 février 2020 du collège de médecins de l'OFII aurait été rendu dans des conditions irrégulières doit être écarté.
10. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. D..., qui souffre d'une maladie psychiatrique chronique, le préfet s'est notamment fondé sur l'avis du 19 février 2020 du collège de médecins de l'OFII qui précisait que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existe dans le pays d'origine de M. D..., où il peut être pris en charge et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers la Tunisie. Il ressort des certificats médicaux des 7 février 2018, 29 mars 2019 et 21 juillet 2020 du docteur E... du centre médico-psychologique de Bagnolet que le traitement de M. D... consiste en une consultation psychiatrique mensuelle hors période aigüe de sa maladie et en un traitement médicamenteux associant des psychotropes dont des neuroleptiques de dernière génération comme l'Abilfy Maintena 400. M. D... soutient qu'il ne pourra pas bénéficier effectivement de ce traitement en Tunisie. Toutefois, les certificats médicaux du médecin du centre médico-psychologique de Bagnolet, qui indiquent que le traitement et le suivi de M. D... ne " paraissent pas pouvoir être assurés en Tunisie " et qu'à " sa connaissance les neuroleptiques de dernière génération prescrits ne sont pas disponibles en Tunisie ", sont rédigés en des termes trop généraux qui ne permettent pas d'établir que M. D... ne pourrait pas effectivement bénéficier des traitements et du suivi psychiatrique adaptés à son état de santé en Tunisie, ni même que son suivi psychiatrique mensuel doit être nécessairement poursuivi avec la même équipe médico-psycho-sociale. L'article de presse du 31 juillet 2018 versé au dossier faisant état de considérations d'ordre général sur une situation de pénurie de médicaments en Tunisie ne permet pas plus d'établir que le traitement médicamenteux de
M. D... ne serait pas effectivement disponible dans son pays d'origine. Il ressort des propres écritures du requérant que la Tunisie est dotée de structures hospitalières et de psychiatres pouvant assurer son suivi psychiatrique. En outre, si M. D... soutient qu'il n'a pas les moyens financiers pour s'acquitter du coût de l'Abilfy Maintena 400 dont le prix en France est de 259,78 euros, il ne produit aucune pièce établissant l'absence de prise en charge par le système d'assurance maladie tunisien du traitement médicamenteux et du suivi psychiatrique nécessités par son état de santé. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 432-13 de ce code, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions d'obtention du titre de séjour sollicité auxquels il envisage de refuser ce titre de séjour et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.
12. Eu égard à ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt, M. D... ne remplissait pas les conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision contestée.
13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie des titres de séjour et des récépissés de demande de renouvellement de ces titres de séjour délivrés à M. D... pendant la période comprise entre le 15 mars 2012 et le 9 novembre 2017 et du certificat médical en date du 10 janvier 2011 du médecin psychiatre du centre médico-psychologique de Bagnolet, que M. D..., entré irrégulièrement en France en juillet 2003, établit résider habituellement sur le territoire français depuis le 17 avril 2010. M. D... est célibataire et sans charge de famille en France où il est pris en charge par son oncle. Il ne justifie pas posséder d'autres attaches personnelles ou familiales en France, ni être particulièrement intégré à la société française. S'il soutient ne plus avoir de relations avec les membres de sa famille vivant en Tunisie, il n'établit pas être dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 21 ans. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision en litige. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. En sixième lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de M. D....
16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour doivent être rejetées.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
17. En premier lieu, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions de M. D... dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
18. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à l'examen particulier de la situation de M. D... avant de prendre la décision contestée.
19. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et eu égard aux motifs énoncés aux points 10 et 14 du présent arrêt, que le préfet n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. D....
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
20. Les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions de M. D... dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire :
21. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprises aux articles L. 612-6 et suivants de ce code : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ". Le huitième alinéa du III de ce même article précise que : " (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
22. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
23. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
24. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris en compte la durée du séjour en France de M. D..., la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, de même que la mesure d'éloignement prise à son encontre par arrêté du 15 janvier 2018, que l'intéressé n'a pas respecté. Ainsi la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée.
25. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 14 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
26. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, comme il a été déjà été dit, que M. D... établit résider habituellement sur le territoire français depuis le 17 avril 2010, qu'il est hébergé par son oncle et est suivi par le centre médico-psychologique de Bagnolet depuis avril 2010 à raison d'une séance mensuelle à la date de la décision contestée. Cependant, il ressort du point 10 du présent arrêt que M. D... peut bénéficier effectivement du traitement médical et du suivi psychiatrique adaptés à son état de santé en Tunisie où il n'établit pas en outre être dépourvu de toutes attaches et où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Par ailleurs, M. D... a fait l'objet le 15 janvier 2018 d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée. Dans ces conditions, en prononçant à son encontre une décision d'interdiction du territoire pour une durée de deux ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation.
27. Il résulte des points 17 à 26 que les conclusions de M. D... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
28. Par le présent arrêt, la Cour rejette les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis présentée devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2021.
La rapporteure,
V. LARSONNIER Le président,
R. LE GOFF La greffière,
E. VERGNOL La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA00015 2