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09/11/2021 | FRANCE | N°21PA01490

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 09 novembre 2021, 21PA01490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée d'interdiction de retour.

Par un jugement n° 2100143/3-3 du 1

er mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée d'interdiction de retour.

Par un jugement n° 2100143/3-3 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2021, M. A..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;

4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen complet et sérieux de sa situation personnelle dès lors que, contrairement à ce qu'elle indique, il est en possession d'un passeport en cours de validité, qu'il démontre être entré en France sous couvert d'un visa " C " le 27 novembre 2014 et justifie d'un lieu de résidence où il vit de façon stable avec sa concubine ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, dès lors qu'il justifie résider en France depuis plus de six ans et être parfaitement intégré à la société ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 2 juillet 1974, a fait l'objet d'une interpellation le 4 janvier 2021 pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour de deux ans sur le territoire français. M. A... fait appel du jugement du 1er mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. A... soutient que pour prendre l'arrêté attaqué, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé à tort sur la circonstance qu'il serait entré de manière irrégulière en France et qu'il ne présenterait pas de garanties de représentation suffisantes. Toutefois, dans le cas où un motif d'une décision administrative est erroné, il y a lieu de procéder à la neutralisation de ce motif s'il apparaît que l'un des motifs retenus aurait suffi à déterminer l'administration à prendre la même décision. En l'espèce, pour prononcer la mesure d'éloignement contestée, le préfet a également relevé que M. A... ne justifiait pas être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et qu'il s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Ces seuls motifs suffisaient à justifier la décision attaquée. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

4. M. A... se prévaut de l'ancienneté et de la stabilité de sa vie privée et familiale en France depuis 2014, date à laquelle il est entré en France pour y demander l'asile ; il se prévaut également de la présence de sa fille et de sa concubine, du fait qu'il subvient à ses besoins, qu'il dispose d'un logement indépendant, et du fait qu'il s'est inscrit en tant qu'autoentrepreneur depuis 2020 auprès de l'URSSAF et de la sécurité sociale. Il soutient en outre qu'il justifie de liens familiaux intenses sur le sol français qui font obstacle à un retour en Algérie puisqu'il entretient une relation de concubinage avec Mme D... E..., ressortissante algérienne titulaire d'un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans. Pour autant, le requérant, entré en France à l'âge de quarante ans, dont la durée de présence sur le territoire national était de six ans à la date de la décision contestée, ne justifie partager le logement de sa concubine et de sa fille que depuis 2019 et les éléments qu'il produit sont insuffisants pour établir une insertion professionnelle durable. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché cette mesure d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que M. A... ne vit avec sa fille, née en 2012, que depuis 2019. En outre, la seule production de factures de cantine et de centres de loisirs datées de 2017 à 2019 ne saurait suffire à démontrer qu'il contribue à l'éducation et à l'entretien cet enfant. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

7. L'arrêté attaqué vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que la durée de l'interdiction de retour a été fixée au regard des dispositions du huitième alinéa de ce III. Il fait état tant de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé que de sa situation personnelle et familiale et notamment du fait qu'il a été interpellé pour des faits de conduite de véhicule sans permis et s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et est suffisamment motivée.

8. Enfin, il ressort des termes de la décision litigieuse que, pour fixer à deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français notifiée à M. A..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur le fait qu'il a été interpellé pour des faits de conduite de véhicule sans permis et qu'il s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français. Le requérant n'établit l'existence d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que l'autorité administrative ne prononce pas à son encontre d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à deux ans la durée de cette interdiction.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 4 janvier 2021 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2021.

La rapporteure,

G. C...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIERLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01490 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01490
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-09;21pa01490 ?
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