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03/11/2021 | FRANCE | N°21PA03113

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 03 novembre 2021, 21PA03113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

Par un jugement n° 2007010 du 6 mai 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête, enregistrée le 7 juin 2021, Mme C..., représentée par Me Meurou, demande à la Cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite.

Par un jugement n° 2007010 du 6 mai 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021, Mme C..., représentée par Me Meurou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007010 du 6 mai 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise sans examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- le préfet s'est estimé lié, pour prendre cette décision, par l'avis du collège de médecins ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas possible de s'assurer de l'identité du médecin auteur du rapport remis au collège, ni de la date de remise de ce rapport au collège, conformément à l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les traitements nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles en Algérie ;

- à supposer qu'un traitement serait disponible en Algérie, faute de disposer des ressources nécessaires, elle ne pourrait y avoir effectivement accès ;

- la décision méconnaît le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle a reconstitué sa vie privée et familiale en France ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité du refus de séjour opposé ;

- elle a été prise par un auteur incompétent ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les traitements nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles en Algérie ;

- elle méconnaît les 5° et 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux développés à l'encontre du refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été prise par un auteur incompétent ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête de Mme C... a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- et les observations de Me Marzak, avocate de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse C..., ressortissante algérienne née le 12 mars 1963, est entrée régulièrement en France le 11 juin 2019 et a déposé le 2 septembre suivant une demande de certificat de résidence à raison de son état de santé. Par un arrêté du 11 mai 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile alors en vigueur, dont les dispositions de procédure sont applicables aux ressortissants algériens : " La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu (...) d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

3. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé, établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit lui être transmis, et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.

5. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a produit de mémoire en défense ni en première instance ni en appel, n'établit pas que le médecin ayant établi le rapport médical relatif à Mme C... n'a pas siégé au sein du collège de médecins et, par suite, que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure conforme aux dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions Mme C... est fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

6. En revanche, s'il est constant que Mme C..., atteinte d'une insuffisance rénale chronique associée notamment à une hypertension artérielle sévère, une hypothyroïdie et une insuffisance cardiaque, suit depuis 2014, d'abord en Algérie puis en France un traitement par hémodialyse, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée son état de santé nécessitait une greffe de rein, son inscription sur la liste des receveurs de greffe étant postérieure de près d'un an à cette décision attaquée. Par suite Mme C... ne peut utilement invoquer l'indisponibilité de telles greffes en Algérie pour soutenir que la décision méconnaîtrait les dispositions de l'article 6 de l'accord bilatéral franco-algérien du 17 décembre 1968 qui dispose que " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Il appartiendra au préfet, compte tenu de l'inscription de Mme C... sur cette liste, de réexaminer la situation de l'intéressée.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".

9. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement que cette autorité réexamine la demande de titre de séjour de Mme C.... Par suite il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de justice :

10. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2007010 du 6 mai 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2021.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA03113 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03113
Date de la décision : 03/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : MEUROU

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-03;21pa03113 ?
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