La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2021 | FRANCE | N°19PA03913

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 octobre 2021, 19PA03913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 décembre 2017 par laquelle la maire de Paris a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service à compter du 11 décembre 2017 et de condamner la Ville de Paris à lui verser une somme de 24 000 euros, au titre de sa perte de traitement.

Par un jugement n° 1801440/2-3 du 14 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire e

nregistrés les 4 décembre 2019 et 25 mai 2020, M. A..., représenté par Me Franck Serfati, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 décembre 2017 par laquelle la maire de Paris a prononcé sa mutation dans l'intérêt du service à compter du 11 décembre 2017 et de condamner la Ville de Paris à lui verser une somme de 24 000 euros, au titre de sa perte de traitement.

Par un jugement n° 1801440/2-3 du 14 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 décembre 2019 et 25 mai 2020, M. A..., représenté par Me Franck Serfati, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1801440/2-3 du 14 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 5 décembre 2017 contestée devant ce tribunal ;

3°) d'enjoindre à la Ville de Paris de le réintégrer sur son poste initial, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la Ville de Paris à lui verser la somme de 48 000 euros au titre de la perte de traitement qu'il a subie depuis le mois de mars 2007 ;

5°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de le muter en raison de l'altercation qui l'a opposée à son collègue est constitutive d'une sanction disciplinaire déguisée qui lui fait grief ;

- le principe du contradictoire a été méconnu ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis ;

- les faits qui lui sont reprochés, qui ne peuvent être qualifiés de " faute grave prouvée ", ne peuvent justifier une suspension sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ; il n'est pas établi que son comportement ait eu des répercussions sur le fonctionnement du service ; la Ville de Paris a fait preuve d'arbitraire et de partialité ;

- la décision en litige est entachée de détournement de pouvoir ; cette décision a été prise dans le seul intérêt de son collègue, qui a cherché à " régler ses comptes " avec un subordonné ;

- il n'a pu obtenir communication de son dossier préalablement à la décision critiquée ;

- son changement d'affectation a entraîné une perte de salaire qui peut être évaluée à 48 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 2020, la Ville de Paris, représentée par Me Olivier Magnaval, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable à défaut d'être motivée en application des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°94-415 du 24 mai 1994 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lévy, substituant Me Serfati, avocate de M. A... et celles de Me Brière, substituant Me Magnaval, avocate de la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., éboueur principal titulaire, a exercé ses fonctions au sein de l'atelier 2/12, rattaché au garage Ivry Brunesseau, chargé de la collecte des ordures ménagères de 16h30 à 23h30. Alors qu'il appartient à chacun des agents, chaque fin de service, de se signaler auprès de l'administration qui vérifie que tous les agents sont bien rentrés de la collecte, le supérieur hiérarchique de M. A... a constaté, le 1er décembre 2017 à 22 h 50, que celui-ci ne se trouvait pas dans l'enceinte du garage. Prévenu par l'un de ses collègues, M. A... se serait présenté au bureau commun des encadrants et aurait injurié et menacé de mort son supérieur hiérarchique en présence d'un technicien des services opérationnels (TSO). Il aurait réitéré ses propos dans le couloir, devant plusieurs témoins. Le supérieur hiérarchique de M. A... a fait constater ces faits en déposant une main courante au commissariat de Chelles le 5 décembre 2017. Le comportement de M. A... ayant " fortement déstabilisé plusieurs autres agents ", la Ville de Paris a décidé, pour rétablir au plus vite le fonctionnement normal du service, de changer M. A... d'affectation. Il a, par une décision du 5 décembre 2017, été affecté, dans l'intérêt du service, à la division territoriale du 5ème et 6ème arrondissements du service technique de la propreté de Paris (STPP), à compter du 11 décembre 2017. M. A... relève appel du jugement n° 1801440/2-3 du 14 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de la Ville de Paris à lui verser une somme de 24 000 euros, au titre de la perte de traitement qu'il estime avoir subie.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

3. D'autre part, une mesure revêt le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

4. Il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation de la décision du 5 décembre 2017 présentées par M. A... au motif que cette décision était constitutive d'une mesure d'ordre intérieur qui ne fait pas grief et qui n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. M. A... conteste l'irrecevabilité qui lui a été ainsi opposée qui, si elle l'a été à tort, constituerait une cause d'irrégularité du jugement.

5. M. A... soutient ainsi que la Ville de Paris a pris à son encontre une sanction disciplinaire déguisée et non une mesure d'ordre intérieur, qui a entrainé une perte de traitement à concurrence de la somme de 48 000 euros, au motif qu'il avait eu une altercation avec son supérieur hiérarchique.

6. Il ressort, dans un premier temps, du dossier et plus particulièrement des documents concordants produits par la Ville de Paris, notamment du rapport du TSO, présent lors de l'altercation, des témoignages de MM. O. et A. des 8 décembre 2017 et 1er janvier 2018 ainsi que de la déclaration de main courante déposée par le supérieur hiérarchique de M. A... dans le cadre d'une demande de protection fonctionnelle, que l'intéressé a proféré, à la fin de son service du 1er décembre 2017, des menaces de mort à l'encontre de son supérieur hiérarchique alors que ce dernier avait constaté son absence du service. Les circonstances qu'un autre collègue de M. A... soit revenu sur ses déclarations à charge initiales et que le rapport du TSO ne comporte ni date ni signature ne sont pas suffisantes à elles seules pour contredire la matérialité des faits qui lui sont reprochés.

7. Il ressort, dans un deuxième temps, du dossier que la perte de rémunération dont se prévaut M. A... résulte, ainsi que le relève la Ville de Paris, de son seul placement en congé de longue maladie à compter du 9 décembre 2017. A cet égard, la Ville de Paris fait valoir, sans être contredite, que le traitement et le régime indemnitaire applicable à M. A... sont demeurés inchangés ainsi que cela ressort des bulletins de salaire qu'elle a produits dans le cadre de la présente instance. Il ne ressort par ailleurs pas du dossier, et il n'est au demeurant pas établi ni même allégué par M. A..., que la décision en litige, qui a modifié son affectation au sein du service technique de la propreté de Paris, aurait emporté une modification de ses fonctions, de sa résidence administrative ou réduit ses perspectives de carrière et ainsi porté atteinte aux droits et prérogatives qu'il tient de son statut.

8. Il ne ressort pas, dans un troisième et dernier temps, du dossier qu'en prenant la décision en litige, la Ville de Paris ait eu l'intention de sanctionner le comportement fautif de M. A.... Il ressort, au contraire, des termes de cette décision que c'est dans l'intérêt du service qu'il a été affecté à la division territoriale du 5ème et 6ème arrondissements du STPP, " par la volonté de réduire les tensions entre les membres du personnel ", sans pour autant que la responsabilité de ces tensions lui soit imputée en particulier, ainsi que le précise la référente des ressources humaines du STPP dans le courrier du 6 février 2018 qu'elle a adressé au secrétaire général du syndicat CGT FTDNEEA. Et il ressort des pièces produites, mentionnées au point 6. que l'altercation ayant opposé M. A... à son supérieur hiérarchique a engendré une déstabilisation du service ainsi qu'un sentiment de peur chez les agents. La Ville de Paris précise, d'ailleurs, dans ses écritures d'appel, que " ce changement d'affectation n'a pas été motivé par une intention (...) de porter atteinte à sa situation professionnelle mais par la nécessité de rétablir le fonctionnement normal du service et un climat de travail apaisé ". Il ne ressort ainsi pas du dossier que la mesure litigieuse aurait été prise dans un but autre que celui de l'intérêt du service et d'une volonté d'apaisement pour réduire les tensions au sein du service. La circonstance qu'une procédure disciplinaire aurait été engagée par la suite n'est pas de nature à faire regarder la décision en litige comme ayant constitué une sanction déguisée, cette procédure étant susceptible de conduire à une décision distincte.

9. Il suit de là que le changement d'affectation de M. A..., qui repose sur des faits matériellement établis, ne saurait être assimilé à une sanction disciplinaire déguisée pas plus qu'à une mesure entachée de détournement de pouvoir. M. A... ne peut donc utilement faire valoir qu'en l'absence de " faute grave prouvée ", il ne pouvait faire l'objet d'une sanction disciplinaire déguisée ni a fortiori d'une mesure conservatoire de suspension et que la décision contestée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance du principe du contradictoire à défaut de communication de son dossier préalablement à son édiction.

10. Il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances sus-rappelées, le changement d'affectation dont a fait l'objet M. A..., qui n'établit ni même n'allègue qu'il serait susceptible de faire présumer une mesure discriminatoire à son encontre, doit être regardé comme s'inscrivant dans le cadre d'une mesure d'organisation interne du service présentant le caractère d'une mesure d'ordre intérieur quand bien même il aurait été pris pour des motifs tirés du comportement de M. A.... La décision du 5 décembre 2017 ne lui fait donc pas grief et n'est pas susceptible d'être contestée devant le juge de l'excès de pouvoir , ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal,.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

11. Il y a lieu, au vu de ce qui vient d'être énoncé aux points 2. à 10. du présent arrêt, de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A... tendant à ce que la Cour enjoigne à la Ville de Paris de le réintégrer sur son poste initial sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Il a y lieu, au vu de ce qui vient d'être énoncé aux points 2. à 10. du présent arrêt, de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions indemnitaires présentées par M. A..., au demeurant, irrecevables en l'absence de liaison du contentieux et dès lors qu'en tout état de cause la perte de rémunération invoquée par l'intéressé ne résulte pas, ainsi que cela a dit au point 7. ci-dessus, de son changement d'affectation mais de son placement en congé de longue maladie à compter du 9 décembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... le versement à la Ville de Paris de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président-assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2021.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au préfet de région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA03913


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03913
Date de la décision : 27/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SERFATI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-27;19pa03913 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award