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21/10/2021 | FRANCE | N°20PA01469

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 21 octobre 2021, 20PA01469


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1910397 du 17 avril 2020, le vice-président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :<

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Par une requête enregistrée le 17 juin 2020, M. A..., représenté par Me Giudicelli-Jahn, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1910397 du 17 avril 2020, le vice-président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2020, M. A..., représenté par Me Giudicelli-Jahn, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1910397 du 17 avril 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 15 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'ordonnance est irrégulière dès lors que sa demande de première instance n'était pas tardive.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né en mars 1995, est entré en France, selon ses déclarations, le 28 août 2013. Par un arrêté du 15 novembre 2019, le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. M. A... relève appel de l'ordonnance du 17 avril 2020 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Melun a rejeté, comme tardive, sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du préfet du Val-de-Marne, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a été notifié à M. A... par voie administrative le 15 novembre 2019 à 11h25. Ainsi, le délai imparti au requérant pour saisir le tribunal administratif de Melun expirait le 17 novembre 2019 à 11h25. Il ressort de la copie de sa demande de première instance, produite en appel par le requérant, qu'elle comporte un marquage de l'horodateur du tribunal administratif de Melun mentionnant le 17 novembre 2019 à 10h05. Par suite, M. A... doit être regardé comme ayant déposé sa demande de première instance dans le délai de recours contentieux. C'est donc à tort que le tribunal l'a rejetée comme tardive et donc irrecevable.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

5. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les I, II et III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et décrit, en particulier, le parcours individuel et administratif du requérant ainsi que les éléments d'ordre personnel susceptibles de faire obstacle aux mesures d'éloignement et d'interdiction de retour envisagées à son égard. Il comporte ainsi l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et révèle en outre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, M. A... soutient que le préfet s'est fondé sur des faits inexacts dès lors qu'il est entré en France sous couvert d'un visa " étudiant " et qu'il a bénéficié d'un titre de séjour en cette qualité entre 2014 et 2015. Il produit, pour en justifier, des documents établis par l'Office français de l'immigration et de l'intégration relatifs à une procédure de délivrance d'un visa de long séjour dispensant de la demande de premier titre de séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a pas présenté ces documents lors de son interpellation. Par suite, en relevant que l'intéressé ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire français, le préfet du Val-de-Marne n'a entaché l'arrêté contesté ni d'une erreur de fait, ni d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. A....

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en 2013 pour y poursuivre ses études et qu'il a été inscrit à un institut universitaire de technologie en 2013-2014 puis à un brevet de technicien supérieur en 2014-2015 mais qu'il n'a obtenu aucun diplôme à l'issue de ces formations. L'intéressé se prévaut par ailleurs de divers emplois d'agent polyvalent à temps partiel, en produisant notamment des contrats de travail et des bulletins de salaire pour les années 2014 et 2015 et fait valoir qu'à la date de l'arrêté contesté il était employé par la société Cuzza depuis plusieurs mois. Toutefois ces circonstances, ne permettent pas, eu égard au caractère ponctuel et précaire des emplois concernés, de justifier d'une insertion professionnelle en France. Enfin, si M. A... soutient, sans l'établir, que sa sœur réside en France, il est constant qu'il est célibataire et sans charge de famille. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi et n'a pas entaché sa décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation de l'intéressé.

8. En dernier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il ressort de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans les cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

9. M. A..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français en se bornant à faire valoir qu'il ne trouble pas l'ordre public, qu'il est entré en France sous couvert d'un visa étudiant en 2013, qu'il travaille et qu'il a une sœur résidant en France. En fixant à deux ans la durée de cette interdiction, le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1910397 du 17 avril 2020 du vice-président du tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Melun par M. A... et les conclusions de sa requête d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2021.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01469 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01469
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : GIUDICELLI-JAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-21;20pa01469 ?
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