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21/10/2021 | FRANCE | N°20PA00861

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 21 octobre 2021, 20PA00861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Marchena a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne) à lui verser la somme de 251 758 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2016 et capitalisation des intérêts à compter du 24 novembre 2017, en réparation du préjudice que lui ont causé la décision illégale du 14 mai 2012 retirant le permis de construire délivré le 28 février 2012, ainsi que la décision du 2 juin 2014 lui refusant

la délivrance d'un permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 1701307 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Marchena a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne) à lui verser la somme de 251 758 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2016 et capitalisation des intérêts à compter du 24 novembre 2017, en réparation du préjudice que lui ont causé la décision illégale du 14 mai 2012 retirant le permis de construire délivré le 28 février 2012, ainsi que la décision du 2 juin 2014 lui refusant la délivrance d'un permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 1701307 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2020 et un mémoire enregistré le 13 janvier 2021, la société civile immobilière Marchena, représentée par Me Corbel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701307 du tribunal administratif de Melun en date du 7 novembre 2019 ;

2°) de condamner la commune de Champagne-sur-Seine à lui verser la somme de 251 758 euros en réparation de la perte de revenus locatifs, avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2016 ;

3°) subsidiairement, de la condamner à lui verser la somme de 200 000 euros au titre de la perte de chance de percevoir ces revenus ;

4°) d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Champagne-sur-Seine la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune est susceptible d'être engagée du fait de l'illégalité des arrêtés des 14 mai 2012 et 2 juin 2014 ;

- elle justifie du caractère certain de son préjudice ;

- le retrait du permis de construire l'a empêché de débuter les travaux ; les logements auraient facilement trouvés preneurs ; elle a été contrainte de réaliser un autre chantier ; les travaux ont débuté le 28 juillet 2016 et le projet est toujours en cours de réalisation ;

- le retard s'établit à 46 mois ;

- il ne peut être exigé qu'elle produise des engagements de location ;

- en tout état de cause, elle justifie d'une perte de chance.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2020, la commune de Champagne-sur-Seine, représentée par Me Vignot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société civile immobilière Marchena sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- et les observations de Me Corbel, pour la SCI Marchena.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune de Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne) a délivré le

28 février 2012 à la société civile immobilière Marchena un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble collectif de huit logements sur un terrain situé 8 place du Maréchal Leclerc. Par un arrêt du 3 décembre 2015, la Cour a rejeté le recours de la commune dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Melun, en date du 20 décembre 2013, annulant l'arrêté du 14 mai 2012 par lequel le maire de Champagne-sur-Seine avait retiré ce permis de construire, au motif que cette décision de retrait n'avait pas été notifiée dans le délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme. Enfin, par un jugement rendu le 24 juin 2016, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du

2 juin 2014 par lequel le maire a refusé de délivrer à la société civile immobilière Marchena un permis de construire modificatif du permis du 28 février 2012. La société civile immobilière Marchena ayant sollicité l'indemnisation du préjudice que lui ont causé ces deux décisions, elle relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur le principe de la responsabilité :

2. En retirant illégalement le permis de construire délivré le 28 février 2012 à la société civile immobilière Marchena et en lui refusant illégalement la délivrance d'un permis de construire modificatif, le maire de la commune de Champagne-sur-Seine a commis des fautes qui sont de nature à engager la responsabilité de la commune envers la société civile immobilière Marchena.

Sur le préjudice :

3. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'une décision illégale telle le retrait d'une autorisation délivrée en vue de sa réalisation revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.

4. A l'appui de ses conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de la commune de Champagne-sur-Seine à lui verser une somme de 251 758 euros, la société civile immobilière Marchena fait valoir que, compte tenu des décisions illégales adoptées par la commune, elle n'a pu débuter les travaux de construction de l'immeuble en cause que le 28 juillet 2016, soit avec 46 mois de retard et que son manque à gagner durant cette période correspond à la surface locative totale des 8 appartements qu'elle aurait mis en location, à un prix évalué à 13 euros par m2.

5. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment des constats d'huissiers réalisés les 28 novembre 2017, 29 novembre 2018, 30 janvier 2019, 9 mars 2020 et 5 janvier 2021, que les travaux n'ont débuté que le 28 juillet 2016, soit plus de deux ans après le jugement du

20 décembre 2013 ayant rétabli le permis de construire du 28 février 2012, et qu'ils n'étaient toujours pas achevés le 5 janvier 2021, l'huissier ayant constaté à cette date que " le rez-de-chaussée est réalisé en terme de construction maçonnée brute (murs en parpaings montés - dalles réalisées ainsi qu'ouvrants - en l'état des étais sont en place " et que " à l'étage, la dalle a été réalisée - fers ressortant et fourreaux installés - murs non montés - l'escalier d'accès a été réalisé ". Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que, si la commune de Champagne-sur-Seine n'avait pas pris les décisions illégales des 28 février 2012 et 2 juin 2014 la construction de l'immeuble aurait été achevée plus tôt. Dès lors, en admettant même que l'état du marché de la location de logements à Champagne-sur-Seine aurait garanti à la société civile immobilière Marchena la possibilité de louer, dès leur construction, les huit appartements du projet, tant le retard pris dans la construction de l'immeuble que les pertes de revenus locatifs afférentes ne peuvent être regardés comme présentant un lien direct et certain avec les fautes commises par la commune, ce retard étant manifestement lié à d'autres circonstances. Il s'ensuit que la demande d'indemnisation de la société requérante doit être rejetée, y compris en tant qu'elle est présentée sur le fondement d'une perte de chance.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société civile immobilière Marchena n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

7. Dès lors qu'elle succombe dans la présente instance, les conclusions de la société civile immobilière Marchena présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge le versement à la commune de Champagne-sur-Seine de la somme que celle-ci demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Marchena est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Champagne-sur-Seine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Marchena et à la commune de Champagne-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2021.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00861
Date de la décision : 21/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

09-05-02 Arts et lettres. - Cinéma.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SELAS LEXACTUS - SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-21;20pa00861 ?
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