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19/10/2021 | FRANCE | N°21PA02993

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 octobre 2021, 21PA02993


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités croates responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2106793/8 du 3 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le

23 septembre 2021, Mme E... ép

ouse G..., représentée par Me Lendrevie, demande à la cour :

1°) d'ordonner à l'administration, en ver...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... épouse G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités croates responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2106793/8 du 3 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le

23 septembre 2021, Mme E... épouse G..., représentée par Me Lendrevie, demande à la cour :

1°) d'ordonner à l'administration, en vertu des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la communication de son entier dossier ;

2°) d'annuler le jugement n° 2106793/8 du 3 mai 2021 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocate au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- elle ne comprend pas le dari écrit ;

- l'entretien n'est pas signé et ne comporte pas les nom et initiales de l'agent l'ayant conduit ;

- les empreintes relevées sur la fiche décadactylaire sont coupées en de nombreux endroits et l'absence d'identité d'empreintes ne permet pas d'établir qu'elles étaient relatives à la même personne ; en outre, le premier juge n'a pas répondu à ce moyen ;

- le premier juge utilise le terme de défaillance systémique alors que ce moyen n'a pas été soulevé ;

- le premier juge mentionne l'article 53-1 de la Constitution alors que celui-ci encadre l'asile constitutionnel, qui n'a pas été demandé ;

- il n'a pas été répondu aux moyens tirés de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ; or, il existe un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de renvoi en Croatie comme en Afghanistan.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2021, le préfet de police, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... épouse G... ne sont pas fondés.

Mme E... épouse G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. B... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... E..., épouse G..., ressortissante afghane née le 14 mars 1994, relève appel du jugement du 3 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 19 mars 2021 portant transfert aux autorités croates pour l'examen de sa demande d'asile.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ".

3. Il résulte du jugement attaqué du 3 mai 2021 que le premier juge a omis de viser le moyen tiré de l'absence d'identité d'empreintes sur les fiches décadactylaires et de ce que cette fiche est coupée à de nombreux endroits et n'y a pas répondu. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de se prononcer par la voie de l'évocation.

Sur les conclusions tendant à la production, par l'administration, de l'entier dossier de Mme G... :

4. Aux termes du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " En cas de placement en rétention en application de l'article

L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. (...) L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. ".

5. Mme G... a fait l'objet d'un arrêté portant décision de transfert d'un demandeur d'asile. Par suite, elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne lui sont pas applicables.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 mars 2021 :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-01102 du 28 décembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 28 décembre 2020, le préfet de police a donné à

M. F... C..., chef du 12ème bureau de la direction de la police générale à la préfecture de police, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il est fait application, expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de Mme G..., ainsi que les éléments sur lesquels le préfet de police s'est fondé pour estimer que l'examen de sa demande de protection internationale relevait de la responsabilité d'un autre Etat. Dès lors, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision attaquée et permet ainsi à la requérante d'en contester utilement le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme G....

9. En quatrième lieu, d'une part, aux termes l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013. / (...) 4. Une requête aux fins de reprise en charge est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend des éléments de preuve ou des indices tels que décrits dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou des éléments pertinents tirés des déclarations de la personne concernée, qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. / (...) ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ".

10. D'autre part, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, dans sa rédaction issue du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 et applicable à la décision en litige : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE)

n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique

" DubliNet " établi au titre II du présent règlement / (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. /

3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Et aux termes de l'article 19 du même règlement :

" 1. Chaque Etat membre dispose d'un point unique d'accès national identifié. 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé réception pour toute transmission entrante. (...) ".

11. En l'espèce, il ressort de l'accusé de réception émis dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de la Croatie, que les autorités de ce pays ont été saisies le 15 février 2021 d'une demande de reprise en charge de la requérante en application des dispositions du b) du (1) de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. Cette date est confirmée par la décision du

25 février 2021 par laquelle les autorités croates ont accepté la reprise en charge de Mme G.... Il est donc établi que les autorités croates ont été saisies par le préfet de police d'une requête aux fins de reprise en charge dans le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées du 2 de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que la requête aux fins de reprise en charge de Mme G... n'aurait pas été réalisée par le préfet de police dans les conditions prévues par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

14. Il ressort des pièces du dossier que Mme G... s'est vue délivrer, lors d'un entretien individuel réalisé le 13 janvier 2021, les deux brochures d'information dites " A " (J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande d'asile ') et " B " (Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie '). Ces documents constituent la brochure commune visée au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement précité et contiennent l'intégralité des informations prévues au paragraphe 1 de cet article. Il ressort des mentions portées sur les brochures que celles-ci lui ont été remises en langue dari, langue que l'intéressée a déclaré comprendre et qui est d'ailleurs la même que celle utilisée lors de l'entretien de notification de l'arrêté en litige. Par ailleurs, ces brochures lui ont été délivrées dès le jour de l'enregistrement de sa demande de protection internationale en France, soit en temps utile avant qu'intervienne la décision de transfert litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 ne peut qu'être écarté.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

16. Aucun principe ni aucune disposition n'impose la mention, sur le résumé de l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. En vertu des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement, le préfet de police était compétent pour enregistrer la demande d'asile de Mme G... et procéder à la détermination de l'État membre responsable de l'examen de cette demande. Dans ces conditions, les services du préfet de police, et en particulier les agents recevant les étrangers, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article.

17. Il ressort des pièces du dossier que Mme G... a bénéficié d'un entretien individuel avec les services du préfet de police, le 13 janvier 2021. Le résumé de cet entretien, versé au dossier par le préfet et sur lequel est apposée la signature de Mme G... et le cachet de la préfecture, mentionne que l'entretien a été mené par un agent de la préfecture, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles l'entretien s'est déroulé auraient privé Mme G... A... la possibilité de faire valoir toute observation utile ou n'auraient pas permis d'en assurer la confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

18. En septième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, accompagnée des données visées à l'article 11, points b) à g) du présent règlement. / Le non-respect du délai de 72 heures n'exonère pas les États membres de l'obligation de relever et de transmettre les empreintes digitales au système central. Lorsque l'état des doigts ne permet pas de relever des empreintes digitales d'une qualité suffisante pour une comparaison appropriée au titre de l'article 25, l'État membre d'origine procède à un nouveau relevé des empreintes digitales du demandeur et le retransmet dès que possible et au plus tard 48 heures suivant ledit relevé de bonne qualité. (...) ".

19. Il ressort de la fiche décadactylaire n° FR19930431945 produite par le préfet qu'ont été relevées les empreintes des dix doigts de Mme G..., dans la partie intitulée " empreintes roulées " comme dans la partie intitulée " empreintes de contrôle ". Le courrier du 12 janvier 2021 informant le préfet du résultat des recherches entreprises sur le fichier Eurodac indique sans émettre la moindre réserve qu'" il ressort d'un examen méthodique que les empreintes digitales saisies [...] sont identiques à celle relevées (...) le 28/09/2018 par les autorités grecques sous le numéro

GR 1 MOR20180929347912, le 21/09/2020 par les autorités croates sous le numéro

HR 1 2000500569P, le 21/09/2020 par les autorités croates sous le numéro HR 2 2000500568N, le 23/11/2020 par les autorités slovènes sous le numéro SI 1 15843 ". Ce courrier indique également qu'il est " possible d'affirmer que toutes les empreintes concernées et analysées lors de la validation des présentes recherches ont été produites par une seule et même personne ". Par suite, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que les empreintes auraient été mal relevées ou qu'il n'y aurait aucune certitude quant au fait qu'elles lui appartiennent.

20. En huitième lieu, la méconnaissance de l'obligation d'information sur l'utilisation, la conservation et le droit d'accès aux données collectées lors du relevé d'empreintes digitales, prévue par les dispositions de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 et qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une décision de transfert.

21. En neuvième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. /

2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. " Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) " Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " (...) / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. " En outre, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont les stipulations ont été reprises à l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

22. Il résulte des dispositions précitées du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que si une demande d'asile est examinée par un seul État membre et qu'en principe cet État est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre. Si la mise en œuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

23. Mme G... fait valoir que l'examen de sa demande d'asile doit être pris en charge en France, au titre du droit souverain des autorités françaises d'accorder l'asile sur leur territoire, y compris lorsque cet examen relève de la compétence d'un autre Etat, eu égard à sa situation personnelle. D'une part, l'intéressée n'établit pas qu'elle souffrirait de conditions d'accueil indignes en Croatie. D'autre part, si la requérante fait état de mauvais traitements auxquels elle serait exposée en cas de retour en Afghanistan du fait de son appartenance à l'ethnie hazara, la décision de transfert attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de l'éloigner vers ce pays mais seulement de prononcer son transfert aux autorités croates, au surplus sur le fondement du c) de l'article 18 du règlement précité. Enfin, les considérations relatives à la pandémie liée au virus de la Covid-19 sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté mais relèvent de son exécution, le préfet disposant en tout état de cause d'un délai d'au moins six mois pour ce faire. Par suite, eu égard à la nature des circonstances invoquées par Mme G..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des faits de l'espèce en ne faisant pas application de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

24. En dixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 précité : " L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement. (...) ".

25. Mme G... n'établit pas que la vie de son enfant serait menacée en cas de retour en Croatie. En outre, l'arrêté en litige n'a pas pour effet de séparer la famille A... la requérante, alors que son mari fait également l'objet d'un arrêté de transfert vers la Croatie.

26. En onzième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable. (...) ".

27. Mme G... n'allègue pas avoir informé l'administration de son intention de rejoindre le pays responsable de sa demande d'asile par ses propres moyens. La décision litigieuse, qui ne prévoit pas, au cas d'espèce, que l'intéressée se rende par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable de sa demande d'asile, n'avait pas à comporter les informations prévues au paragraphe 2 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui ne sont communiquées à l'intéressé qu'en cas de nécessité. Par suite, ce moyen, qui concerne les conditions d'exécution de la mesure de transfert, doit, en tout état de cause, être écarté.

28. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E..., épouse G... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 19 mars 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2106793/8 du 3 mai 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E... épouse G... devant le tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... épouse G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021

Le président-rapporteur,

I. B...L'assesseure la plus ancienne,

M-D. JULLIARD

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02993
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : LENDREVIE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-19;21pa02993 ?
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