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19/10/2021 | FRANCE | N°20PA03832

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 octobre 2021, 20PA03832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 août 2019 de l'inspection du travail autorisant la Banque de France à la licencier.

Par un jugement n° 1923347/3-2 daté du 7 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 décembre 2020 et 20 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Renard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du

tribunal administratif de Paris du 7 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 30 août 2019 autor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 août 2019 de l'inspection du travail autorisant la Banque de France à la licencier.

Par un jugement n° 1923347/3-2 daté du 7 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 décembre 2020 et 20 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Renard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 30 août 2019 autorisant son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il mentionne un jugement en date du 7 septembre 2020, alors que l'audience publique a eu lieu le 23 septembre 2020 ;

- le jugement méconnaît le principe du contradictoire en ce qu'il n'a pas été fait droit à sa demande de réouverture de l'instruction ;

- l'inspection du travail n'était pas compétente pour instruire la demande de la Banque de France et prendre la décision attaquée ; en tout état de cause, l'inspecteur qui a autorisé son licenciement n'était pas territorialement compétent, au regard de l'adresse de la Banque de France ;

- la décision de l'inspecteur du travail n'est pas suffisamment motivée, les arguments qu'elle a présentés n'étant pas analysés ;

- le principe du contradictoire et les droits de la défense n'ont pas été respectés, l'inspection du travail ne lui ayant pas communiqué l'ensemble des pièces transmises par la Banque de France, en méconnaissance des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail ;

- le secrétaire général de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APCR) n'était pas habilité à solliciter l'autorisation de la licencier, dès lors que le pouvoir disciplinaire à son égard est détenu par le gouverneur de la Banque de France ;

- la lettre de convocation à un entretien préalable visait les sanctions du second degré, sans préciser qu'un licenciement était envisagé ;

- elle n'a pas reçu sa convocation devant la commission de discipline dans le délai d'un mois suivant la tenue de l'entretien préalable, délai prévu à l'article L. 1332-2 du code du travail ; elle n'a pas été invitée à consulter son dossier avant la tenue de cette commission ;

- la consultation du comité social et économique de l'ACPR n'a pas été régulière, dès lors que le courrier de convocation n'est pas produit et qu'elle n'a pu être entendue par cette instance ; le comité social et économique n'a pas été informé de sa mise à pied conservatoire et n'a donc pu émettre régulièrement son avis ;

- la mise à pied conservatoire dont elle a fait l'objet le 1er juillet 2019 était abusive et tardive, présentant les caractéristiques d'une sanction privant d'effet le licenciement en raison du principe ne bis in idem ;

- en estimant qu'elle pouvait exiger d'être assistée, au cours de l'enquête disciplinaire, par un représentant du personnel, l'inspection du travail a violé les articles L. 1332-2 et

L. 1332-3 du code du travail ;

- la Banque de France ne pouvait la convoquer à l'entretien préalable et à la séance du comité social et économique durant des heures de sortie non autorisées, dès lors qu'elle se trouvait placée en arrêt maladie du fait d'un accident du travail ;

- étant arrêtée en raison d'un accident du travail, elle ne pouvait être licenciée que pour faute grave ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- dès lors qu'elle se trouvait placée en arrêt maladie, son contrat de travail et le lien de subordination qu'il implique étaient suspendus ; on ne peut donc lui reprocher aucune faute ; le code de déontologie de la Banque de France ne lui était pas opposable ; la Banque de France n'a subi aucun préjudice financier ;

- les faits reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement ;

- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec l'exercice de son activité syndicale.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2021, la Banque de France, représentée par la SCP Celice-Texidor-Perier, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction est intervenue le 25 juin 2021.

Vu :

- le code du travail,

- le code monétaire et financier,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- les observations de Mme B...,

- et les observations de Me Périer, représentant la Banque de France.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par la Banque de France à compter du 15 juillet 2014 en qualité de contrôleur bancaire, par un contrat de travail à durée indéterminée, et affectée à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Le 14 février 2019, son employeur a été informé de sa candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique du secrétariat général de l'ACPR. Par courrier du 5 juillet 2019, reçu le 8 juillet 2019, le secrétaire général de l'ACPR a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de Mme B... pour motif disciplinaire. Par une décision du 30 août 2019, l'inspecteur du travail a délivré l'autorisation sollicitée. La requérante demande à la cour d'annuler le jugement daté du 7 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " (...) La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. ". Le jugement attaqué mentionne, tant en son en-tête qu'après l'énoncé de son dispositif, qu'il a été rendu le 7 septembre 2020, tandis que l'audience a eu lieu le 23 septembre 2020. L'incohérence de ces mentions ne permet pas d'en établir la date exacte, en méconnaissance des dispositions précitées. Il est par suite entaché d'irrégularité et doit dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité soulevé par Mme B..., être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de Mme B....

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 août 2019 :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 142-9 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée. / Le 2° de l'article L. 2312-8, les articles L. 2312-42 à L. 2312-48 et L. 2312-50 du code du travail et les articles L. 2312-63 à L. 2312-67 et L. 2312-81 du même code ne sont pas applicables à la Banque de France. L'article L. 2312-81 du code du travail ne s'applique pas aux personnes morales de droit privé sur lesquelles la Banque de France exerce une influence dominante au sens de l'article L. 2331-1 du même code. / Les dispositions du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du même code autres que celles énumérées à l'alinéa précédent sont applicables à la Banque de France uniquement pour les missions et autres activités qui, en application de l'article L. 142-2 du présent code, relèvent de la compétence du conseil général. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est soumis au comité social et économique, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III. / L'avis est réputé acquis nonobstant l'acquisition d'un nouveau mandat postérieurement à cette consultation. / Lorsqu'il n'existe pas de comité social et économique dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement. / La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif personnel, l'établissement s'entend comme le lieu de travail principal du salarié. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif économique, l'établissement s'entend comme celui doté d'un comité social et économique disposant des attributions prévues à la section 3, du chapitre II, du titre I, du livre III. / En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé dans l'attente de la décision définitive. / Si le licenciement est refusé, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit. ".

5. Les dispositions précitées de l'article L. 2421-3 du code du travail, relatives à l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, ne sont pas incompatibles avec le statut de la Banque de France ni avec les missions de service public dont elle est chargée. Par suite, en vertu du troisième alinéa de l'article L. 142-9 du code monétaire et financier, elles sont applicables aux agents de la Banque de France bénéficiant de la protection qu'elles organisent. Mme B... n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'inspection du travail n'était pas compétente pour délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée par la Banque de France.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le siège de l'ACPR, lieu de travail principal de Mme B..., est situé 4 place de Budapest, dans le 9e arrondissement de Paris. Cette adresse relève de la section 11 de l'unité de contrôle 9 de l'unité départementale de Paris, sollicitée par l'employeur de la requérante. Par suite, Mme D... E..., inspectrice du travail qui a accordé l'autorisation litigieuse, affectée à cette section par l'arrêté

n° 75-2019-08-01-006 du 1er août 2019, était bien compétente territorialement, en application des dispositions précitées du 4e alinéa de l'article L. 2421-3 du code du travail.

7. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. ". La décision attaquée vise les dispositions applicables du code du travail, énonce les faits reprochés à Mme B..., les qualifie et relève l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et la candidature de l'intéressée à l'exercice d'un mandat de membre du comité social et économique de l'ACPR. Elle est par suite suffisamment motivée, alors même qu'elle ne reprend pas l'ensemble des arguments présentés par la salariée.

8. En dernier lieu, en application de l'article R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ". Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément à ces dispositions impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.

9. Mme B... soutient que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu dès lors que l'administration ne lui a pas communiqué, avant d'autoriser son licenciement, des éléments transmis par son employeur le 28 août 2019, deux jours avant l'édiction de l'autorisation de licenciement. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les dernières observations écrites produites par l'employeur de Mme B... ne contenaient aucun élément nouveau ou déterminant, celui-ci se bornant à répondre à deux interrogations de l'inspection du travail relatives à la date de candidature de la salariée aux élections de la délégation du personnel du comité social et économique, et à la date de réception du rapport d'enquête interne par Mme B.... Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par l'administration doit par suite être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. En premier lieu, aux termes de l'article R. 612-19 du code monétaire et financier : " I. - Le secrétaire général exécute le budget arrêté par le collège de supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. / Dans le cadre général établi par le collège de supervision en formation plénière, le secrétaire général a qualité pour procéder au recrutement et à la gestion des personnels de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour le compte de la Banque de France. / Le secrétaire général prend toutes les mesures conservatoires et exerce toutes les actions en justice dans les matières relevant de sa compétence propre. (...) ".

11. Il résulte des dispositions précitées que le secrétaire général de l'ACPR, au sein de laquelle était affectée Mme B..., était compétent pour demander à l'inspection du travail l'autorisation de licencier l'intéressée.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 12 avril 2019 à 10 heures, par lettre recommandée du 27 mars 2019, présentée le 30 mars 2019. Cette lettre de convocation précisait que, compte tenu des faits qui lui étaient reprochés, la Banque de France envisageait de prendre à son encontre l'une des sanctions disciplinaires prévues à l'article 6 du règlement intérieur, à savoir une sanction du second degré, parmi lesquelles figurent le licenciement disciplinaire avec préavis et indemnités, et le licenciement disciplinaire sans préavis ni indemnités. Mme B... a donc bien été informée, contrairement à ce qu'elle soutient, de ce que son employeur envisageait de la licencier.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1332-2 du code du travail : " Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. / Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. / La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé. ". Si les dispositions précitées de l'article L. 1332-2 du code du travail prévoient que la sanction disciplinaire ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable, ce dernier délai peut être dépassé lorsque l'employeur est conduit, en vertu de règles statutaires ou conventionnelles, à recueillir l'avis d'un organisme disciplinaire, dès lors qu'avant l'expiration de ce délai, le salarié a été informé de la décision de l'employeur de saisir cet organisme.

14. Aux termes de l'article 235 du statut du personnel de la Banque de France : " Les sanctions du second degré sont prononcées par le gouverneur après avis d'une commission de discipline (...) ". Il ressort des pièces du dossier que par courrier daté du 10 mai 2019, présenté à Mme B... le 11 mai 2019, avant l'expiration du délai d'un mois suivant l'entretien préalable du 12 avril 2019, l'employeur de la requérante l'informait de sa décision de réunir une commission disciplinaire en vue de recueillir son avis sur la sanction susceptible d'être prise à son encontre. La procédure interne à l'établissement n'a donc pas été irrégulière.

15. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., aucune disposition du code du travail ou du règlement intérieur de la Banque de France ne prévoit l'assistance du salarié au cours de la procédure d'enquête interne, qui se déroule avant la tenue d'un éventuel entretien préalable et avant l'engagement, le cas échéant, d'une action disciplinaire. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la requérante a été invitée, par courrier du 27 mars 2019 présenté le 30 mars 2019, à prendre connaissance du rapport d'inspection issu de ladite enquête, ainsi que de son dossier administratif. Mme B... n'est par suite pas fondée à soutenir que la procédure préalable à la réunion de la commission de discipline du 13 juin 2019 aurait été menée de manière irrégulière.

16. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que les membres du comité social et économique de l'ACPR ont été convoqués à une séance devant se tenir le 5 juillet suivant par un courriel du 20 juin 2019, mentionnant dans son ordre du jour le projet de licenciement de Mme B.... Cette dernière a également été convoquée à la même séance par un courrier du

20 juin 2019, présenté le 21 juin 2019, qu'elle n'a jamais retiré et qui a été retourné à son employeur avec la mention " non réclamé ". Enfin, si la requérante soutient qu'elle n'a pu assister à la réunion du comité social et économique du fait de la désactivation de son badge d'accès aux locaux de l'ACPR, cette circonstance, liée à son placement en arrêt maladie depuis plusieurs années, ne saurait suffire à établir qu'elle a été empêchée de se présenter à ladite réunion.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. (...) ". Les délais fixés par l'article R. 2421-14 du code du travail cité ci-dessus, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu, à peine d'irrégularité de sa demande, de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter.

18. D'une part, la mise à pied conservatoire dont Mme B... a fait l'objet à compter du 1er juillet 2019 dans l'attente de son éventuel licenciement, est intervenue quelques jours après la réunion de la commission de discipline le 13 juin 2019, et ne saurait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme une sanction disciplinaire déguisée. D'autre part, l'inspection du travail a été informée de cette mesure le lundi 8 juillet 2019, dans le cadre de la demande d'autorisation de licenciement présentée le même jour, alors que la délibération du comité social et économique avait eu lieu le vendredi 5 juillet 2019. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à invoquer l'irrégularité de sa mise à pied, ni la méconnaissance des dispositions précitées du code du travail.

19. En septième lieu, si Mme B..., qui était alors placée en congé de maladie, soutient que l'entretien préalable du 12 avril 2019 et la réunion du comité social et économique du 5 juillet 2019 se sont tenus pendant des plages horaires durant lesquelles elle n'était pas autorisée à sortir, elle ne produit pas ses arrêts de travail et ne permet donc pas à la cour d'apprécier le bien-fondé de son moyen.

20. En huitième lieu, il ressort du rapport d'enquête réalisé par l'inspection générale de la Banque de France, et de plusieurs témoignages concordants de témoins directs des faits, notamment d'une salariée de l'association Paris Europlace, gestionnaire du Paris Fintech Forum, que Mme B... s'est rendue à cet évènement le 29 janvier 2019 alors qu'elle était placée en congé de maladie, en compagnie d'un proche, non salarié de la Banque de France. Elle a prétendu avec insistance, pour accéder au Forum, qu'elle était membre du cabinet du Gouverneur de la Banque de France et qu'ils accompagnaient celui-ci, dont une intervention orale était programmée le même jour. Alors que son nom n'était pas inscrit sur la liste des personnes dont le billet était pris en charge par la Banque de France, elle a ainsi participé à l'évènement sans acquitter le droit d'entrée de 1 320 euros, ce qu'elle n'a pas contesté au cours de l'enquête contradictoire menée par l'inspection du travail. Mme B... n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'élément de nature à faire douter de la matérialité de ces faits. Il s'ensuit que la matérialité des faits retenus par l'inspectrice du travail doit être tenue pour établie.

21. En neuvième lieu, si la décision litigieuse du 30 août 2019 relève que les autres faits reprochés à Mme B..., à savoir le transfert d'informations confidentielles sur une messagerie personnelle, le 8 février 2019, avec le souci manifeste de dissimulation de cet acte par l'apposition d'un préfixe " privé confidentiel personnel ", sont établis et fautifs, mais ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, elle expose également que les faits décrits au point 20 du présent arrêt constituent, à eux seuls, une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressée. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'erreur de droit du fait d'une contradiction de motifs.

22. En dixième lieu, les faits exposés au point 20 du présent arrêt, qui se sont déroulés durant une période de suspension du contrat de travail de la requérante du fait de son placement en congé de maladie pour cause non professionnelle, présentent une gravité suffisante pour justifier son licenciement, eu égard notamment à la méconnaissance par Mme B... de son devoir de loyauté, obligation à laquelle elle était tenue même durant la suspension de son contrat, ainsi qu'à l'atteinte portée à l'image et à la réputation de la Banque de France lors d'un évènement professionnel important. La circonstance que l'établissement n'a finalement subi aucun préjudice financier n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à atténuer cette gravité. L'inspectrice du travail n'a donc pas commis d'erreur d'appréciation en accordant l'autorisation de licenciement sollicitée.

23. En onzième lieu, aux termes de l'article L. 1226-9 du code du travail : " Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ".

24. Il ressort des pièces du dossier que si la faute reprochée à Mme B... a été commise au cours d'une période de suspension de son contrat de travail du fait de son placement en congé de maladie, pour cause non professionnelle, cette faute présentait une gravité suffisante, comme il a été dit au point 22 du présent arrêt, pour justifier son licenciement. Les dispositions précitées de l'article L. 1226-9 du code du travail n'ont donc pas été méconnues, alors en tout état de cause que la décision attaquée du 30 août 2019 ne porte pas licenciement de l'intéressée mais se borne à en accorder l'autorisation à son employeur.

25. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement serait en lien avec la candidature de Mme B..., à la date de la demande d'autorisation de licenciement, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique du secrétariat général de l'ACPR.

26. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de Mme B..., présentées en première instance ainsi qu'en appel, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Banque de France, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme que demande la Banque de France sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1923347/3-2 daté du 7 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de Mme B... ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la Banque de France tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la Banque de France et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20PA03832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03832
Date de la décision : 19/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-19;20pa03832 ?
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