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15/10/2021 | FRANCE | N°19PA02361

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 15 octobre 2021, 19PA02361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n°1608916 Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du président du conseil départemental du

Val-de-Marne en date du 21 octobre 2016 rejetant sa demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge et de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser une somme de 39 388 euros en réparation de sa perte de rémunération et de son préjudice matériel et moral subi du fait de l'illégalité de la décision

contestée.

Par un jugement n° 1608916 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Mel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n°1608916 Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du président du conseil départemental du

Val-de-Marne en date du 21 octobre 2016 rejetant sa demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge et de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser une somme de 39 388 euros en réparation de sa perte de rémunération et de son préjudice matériel et moral subi du fait de l'illégalité de la décision contestée.

Par un jugement n° 1608916 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête.

Par une requête enregistrée sous le n° 1703306 Mme A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du président du conseil départemental du Val-de-Marne du 10 avril 2017 l'admettant d'office à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 16 juin 2017 et la radiant des cadres de la fonction publique territoriale, et d'enjoindre au président du conseil départemental du Val-de-Marne de la réintégrer dans les effectifs du département et dans son emploi, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1703306 en date du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête sommaire enregistrée sous le n° 19PA2360, un mémoire ampliatif, un mémoire récapitulatif et une pièce complémentaire enregistrés respectivement les 19 juillet 2019, 2 octobre 2019, 16 avril et 12 mai 2021, Mme A..., représentée par Me Josseran, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703306 du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant d'une part, à l'annulation de l'arrêté du président du conseil départemental du Val-de-Marne du 10 avril 2017 l'admettant d'office à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 16 juin 2017 et la radiant des cadres de la fonction publique territoriale, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au président du conseil départemental du Val-de-Marne de la réintégrer dans les effectifs du département et dans son emploi, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

2°) de condamner le conseil départemental du Val-de-Marne aux entiers dépens ;

3°) de mettre à la charge du conseil départemental du Val-de-Marne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire des mémoires en défense présentés devant le tribunal administratif, ce moyen portant sur l'absence de production, a` l'appui des me´moires en de´fense, de la de´cision du conseil de´partemental du Val-de-Marne, prise après avis conforme de la commission permanente, par laquelle, en vertu de la de´le´gation de compe´tence qui lui a e´te´ accorde´e, le président du conseil départemental entend de´fendre dans l'instance, et non sur l'incompétence du président du conseil départemental ;

- la décision portant mise à la retraite d'office et la radiant des cadres se fonde sur la décision portant refus de maintien en activité au-delà de la limite d'âge, elle-même illégale ;

- la décision portant refus de prolongation d'activité ne pouvait être prise sur le fondement des certificats médicaux mentionnés dans ladite décision ; alors que le certificat d'aptitude avait été établi par le docteur D..., médecin agréé, cette décision s'est appuyée sur les résultats d'une expertise réalisée par un autre médecin agréé, qui ne portait pas sur son aptitude à poursuivre son activité au-delà de sa 66ème année mais sur l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime ; ce médecin est allé au-delà de la mission qui lui avait été confiée, se mettant par la même en faute au regard des principes mentionnés dans le code de la santé publique ; la décision est, par conséquent, entachée de détournement de pouvoir ;

- la décision portant refus de prolongation d'activité est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle pouvait y prétendre au regard de l'esprit de la loi et qu'elle bénéficiait déjà d'une prolongation d'activité, la décision du 21 octobre 2016 refusant sa prolongation au-delà de la limite d'âge ayant été rapportée par les décisions des 1er décembre 2016 et 10 avril 2017 ;

- la décision portant refus de prolongation d'activité constitue une sanction déguisée.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2021, le département du Val-de-Marne, représenté par Me Carrère, conclut au rejet de la requête et demande de condamner Mme A... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La requête a été transmise au syndicat Force ouvrière qui n'a produit aucune observation.

II - Par une requête sommaire enregistrée sous le n° 19PA02361, un mémoire ampliatif et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 19 juillet et 2 octobre 2019 et le 15 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Josseran, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun n° 1608916 en date du 16 mai 2019 ;

2°) de prononcer l'annulation de la décision du président du conseil départemental du

Val-de-Marne en date du 21 octobre 2016 rejetant sa demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge ;

3°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne une somme de 39 388 euros en réparation de sa perte de rémunération et de son préjudice matériel et moral subi du fait de l'illégalité de la décision du 21 octobre 2016, assortie des intérêts légaux à compter du

28 octobre 2016 ;

4°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

5°) de condamner le département du Val-de-Marne aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire des mémoires en défense présentés devant le tribunal administratif, ce moyen portant sur l'absence de production, a` l'appui des me´moires en de´fense, de la de´cision du conseil de´partemental du Val-de-Marne, prise après avis conforme de la commission permanente, par laquelle, en vertu de la de´le´gation de compe´tence qui lui a e´te´ accorde´e, le président du conseil départemental entend de´fendre dans l'instance, et non sur l'incompétence du président du conseil départemental ;

- le jugement est irrégulier car c'est à tort que les premiers juges ont refusé l'enquête sollicité sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative pour les faits de harcèlement moral dont elle a été victime ;

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré du harcèlement moral et de la sanction déguisée ;

- le conseil départemental du Val-de-Marne ne pouvait se fonder sur les certificats médicaux qu'il invoque dans la décision attaquée ; alors que le certificat d'aptitude avait été établi par le professeur D..., médecin agréé, la décision attaquée s'est appuyée sur les résultats d'une expertise réalisée par un autre médecin agréé, qui ne portait pas sur son aptitude à poursuivre son activité au-delà de sa 66ème année, mais sur l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime ; ce médecin est allé au-delà de la mission qui lui avait été confiée, se mettant par la même en faute au regard des principes mentionnés dans le code de la santé publique ;

- la décision attaquée a été prise dans un but étranger à une bonne administration, dès lors qu'elle constitue une sanction déguisée à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement et est contraire à l'intérêt du service ;

- le conseil départemental du Val-de-Marne a méconnu les dispositions de l'article 10 du décret du 30 juillet 1987 et de l'article 21 du décret n° 86-4423 du 14 mars 1986 ;

- la décision contestée a été rapportée par les décisions des 1er décembre 2016 et

10 avril 2017 ; elle bénéficiait de facto d'une prolongation d'activité ; or une prolongation d'activité ne peut être interrompue que si elle est motivée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- la décision du 21 octobre 2016 lui a occasionné une perte de revenus qu'elle évalue à 39 388 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2021, le département du Val-de-Marne, représenté par le cabinet Seban, conclut au rejet de la requête et demande de condamner Mme A... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La requête a été transmise au syndicat Force ouvrière qui n'a produit aucune observation.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;

- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- les observations de Me Carrère, pour le département du Val-de-Marne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 16 novembre 1950, a été recrutée par le département du Val-de-Marne en qualité de médecin territorial à compter du 1er septembre 1991, et exerçait les fonctions de médecin de protection maternelle et infantile, responsable de l'équipe PMI au sein de l'espace des Solidarités de Vitry-sur-Seine. Elle a sollicité, le 22 avril 2015, l'autorisation de poursuivre son activité au-delà de la limite d'âge. Il a été fait droit à cette demande pour une durée d'un an, jusqu'au 16 novembre 2016, par un arrêté du président du conseil départemental du Val-de-Marne en date du 5 juin 2015. Le 4 avril 2016, elle a sollicité une nouvelle autorisation de prolongation d'activité pour une durée de dix trimestres. Cette demande a été rejetée par une décision du 22 avril 2016. Par une ordonnance n° 1605540 du 4 août 2016, le juge des référés du tribunal a suspendu cette décision après avoir notamment considéré que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation était en l'état de l'instruction propre à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision. Par décision du 21 octobre 2016, le président du conseil départemental du Val-de-Marne a retiré cette première décision et rejeté de nouveau la demande de l'intéressée. La décision du 21 octobre 2016 a été suspendue par ordonnance du juge des référés du tribunal n° 1608917 du 9 novembre 2016 pour erreur de droit. Cette ordonnance a été annulée par arrêt du Conseil d'Etat n° 405375 du 23 mars 2017, qui a, de plus, rejeté la requête de Mme A... tendant à la suspension de cette décision. Par un arrêté en date du 10 avril 2017, le président du conseil départemental du Val-de-Marne l'a mise d'office à la retraite à compter du 16 juin 2017 et l'a radiée des cadres de la fonction publique territoriale. Elle a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler la décision du 21 octobre 2016 mentionnée ci-dessus et de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser une indemnité au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis et, d'autre part, d'annuler la décision du 10 avril 2017 mentionnée ci-dessus. Par deux jugements n° 1608916 en date du 16 mai 2019 et n° 1703306 en date du 29 mai 2019, dont elle fait régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 19PA02360 et 19PA02361 concernent la situation d'un même fonctionnaire et présentent à juger de questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements attaqués :

3. En premier lieu, la requérante soutient, dans les deux instances, que le tribunal administratif a fait une inexacte appréciation du moyen portant sur l'incompétence du signataire du mémoire en défense, ce moyen portant sur l'absence de production, a` l'appui des me´moires en de´fense, de la de´cision du conseil de´partemental du Val-de-Marne, prise sur avis conforme de la commission permanente, par laquelle, en vertu de la de´le´gation de compe´tence qui lui a e´te´ accorde´e, le président du conseil départemental entend de´fendre dans les instances en cause, et non sur l'incompétence du président du conseil départemental.

4. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a soulevé, dans un premier temps, un moyen tiré de l'incompétence du signataire du mémoire en défense au motif qu'il ne justifiait pas de sa capacité par la production de l'arrêté de délégation de signature le concernant, puis, dans un second temps, qu'elle a précisé son moyen en réplique en relevant également que l'avis de la commission permanente prévu à l'article L. 3221-10-1 du code général des collectivités territoriales n'était pas produit. Toutefois, le moyen de l'incompétence du signataire d'un mémoire en défense est inopérant. Dès lors, au regard de ce qui précède, en ne répondant pas à l'ensemble des branches de ce moyen, le tribunal administratif n'a pas fait une interprétation erronée du moyen invoqué qui aurait conduit à une omission à statuer sur le moyen. Par suite, et en tout état de cause, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que les conclusions du conseil départemental du Val-de-Marne sont irrecevables.

5. En deuxième lieu, Mme A... soutient que, dans l'instance n° 19PA02361, le jugement attaqué est insuffisamment motivé, le Tribunal n'ayant pas répondu au moyen soulevé, tiré de l'existence d'une sanction déguisée Si elle mentionne dans ses écritures l'ensemble des éléments de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet, l'intéressée a invoqué les faits en cause, à l'appui du moyen tiré de l'existence d'une sanction déguisée, au motif qu'elle avait dénoncé ces faits dont elle s'estime victime. Dès lors que le Tribunal a jugé que la décision portant refus de prolongation d'activité avait été prise dans l'intérêt du service et ne constituait donc pas une sanction déguisée, il n'était pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement attaqué, d'examiner l'existence éventuelle de faits de harcèlement moral, lesquels ont fait l'objet d'un litige distinct. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.

6. En dernier lieu, la désignation d'un expert en vue de réalisation d'une enquête, sollicitée dans l'instance n° 19PA02361 par Mme A... sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative, au demeurant " en tant que de besoin ", constituant un pouvoir propre du juge, le Tribunal n'était nullement tenu de statuer sur les conclusions en cause s'il ne l'estimait pas utile à la solution du litige.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

7. En premier lieu, la requérante fait valoir que les dispositions de l'article 10 du 30 juillet 1987 ont été méconnues. Aux termes, premièrement, de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public: " (...) les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité./ La prolongation d'activité prévue à l'alinéa précédent ne peut avoir pour effet de maintenir le fonctionnaire concerné en activité au-delà de la durée des services liquidables prévue à l'article L. 13 du même code ni au-delà d'une durée de dix trimestres./ Cette prolongation d'activité est prise en compte au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension ". Aux termes, deuxièmement, de l'article 10 du décret

n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Pour être nommé dans la fonction publique territoriale, tout candidat doit produire à l'autorité territoriale, à la date fixée par elle, un certificat médical délivré par un médecin généraliste agréé constatant que l'intéressé n'est atteint d'aucune maladie ou infirmité ou que les maladies ou infirmités constatées et qui doivent être énumérées, ne sont pas incompatibles avec l'exercice des fonctions postulées. Au cas où le praticien de médecine générale a conclu à l'opportunité d'un examen complémentaire, l'intéressé est soumis à l'examen d'un médecin spécialiste agréé. Dans tous les cas, l'autorité territoriale peut faire procéder à une contre-visite par un médecin spécialiste agréé choisi dans les conditions prévues à l'article 1er du présent décret en vue d'établir si l'état de santé de l'intéressé est bien compatible avec l'exercice des fonctions qu'il postule ". Aux termes, enfin, de l'article 21 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " lorsque les conclusions du ou des médecins [agréés] sont contestées soit par l'intéressé, soit par l'administration, le dossier est soumis au comité médical compétent. "

8. Il résulte, d'une part, des dispositions précitées de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 que le maintien en activité du fonctionnaire au-delà de la limite d'âge du corps auquel il appartient constitue une simple faculté laissée à l'appréciation de l'autorité administrative, qui détermine sa position en fonction de l'intérêt du service et de l'aptitude physique du fonctionnaire et d'autre part, de l'article 10 du décret du 30 juillet 1987 et de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 que la consultation du comité médical est requise pour les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie, de longue maladie et de longue durée et de la réintégration à l'issue de ces congés.

9. Mme A... soutient que le refus de prolongation d'activité serait entaché d'illégalité dans la mesure où, selon ses dires, le département ne pouvait apprécier son aptitude physique sans saisir le comité médical. Toutefois, la consultation du comité médical n'étant requise, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que pour les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie, de longue maladie et de longue durée et de la réintégration à l'issue de ces congés, le conseil départemental du Val-de-Marne n'avait pas l'obligation de consulter le comité médical.

10. En deuxième lieu, si les décisions de suspension prises par le juge des référés s'imposent aux parties tant qu'il n'a pas été statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision, les décisions prises sur le fondement d'une décision de suspension revêtent, par leur nature même, un caractère provisoire et elles cessent, en principe, de produire des effets dès qu'il a été statué sur cette requête. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'ordonnance du juge des référés du tribunal en date du 9 novembre 2016 qui a suspendu la décision contestée, le département du Val-de-Marne a maintenu l'intéressée en activité provisoirement sur son affectation antérieure en qualité de médecin territorial. A la suite de la décision du Conseil d'Etat du 23 mars 2017 qui a annulé cette ordonnance et rejeté la requête de Mme A..., le président du conseil départemental du Val-de-Marne a, par arrêté du 10 avril 2017, admis l'intéressée à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 16 juin 2017. Ces décisions, prises en exécution des décisions de justice mentionnées, n'ont eu ni pour objet ni pour effet de rapporter la décision du 21 octobre 2016. Le moyen tiré de manquement au parallélisme des formes doit dès lors être écarté.

11. En troisième lieu, Mme A... fait valoir que le conseil départemental du

Val-de-Marne, en s'appuyant de manière erronée pour prendre la décision du 21 octobre 2016 sur les certificats médicaux des docteurs E... et B..., qui portaient sur l'imputabilité au service de son accident et non sur son aptitude a` poursuivre son activite´ professionnelle au-dela` de sa 66ème,anne´e, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il ressort des pièces du dossier que si la requérante a produit un certificat en date du 2 avril 2016 du professeur D..., médecin agréé, attestant qu'elle " ne présente à ce jour aucune contre-indication à l'exercice de la profession de médecins de PMI", le président du conseil départemental du Val-de-Marne a rejeté cette demande au motif qu'" il ressort des éléments de son dossier, notamment du certificat médical du docteur E... en date du 22 janvier 2016 et des conclusions du docteur B..., médecin expert, du 19 avril 2016, que son état de santé ne permet pas de la maintenir en activité au-delà de la limite d'âge ", que " le stress généré par les conditions d'exercice difficiles de la fonction de médecin de PMI dans des secteurs sensibles tels que la commune de Vitry-sur-Seine est de nature à aggraver l'affection qu'elle présente " et qu'à la suite de sa demande de reconnaissance de maladie imputable au service du 25 janvier 2016, " la commission de réforme a estimé que son activité professionnelle jouait en rôle dans sa pathologie ", pour en conclure qu'" une prolongation d'activité ne serait donc pas opportune pour la préservation de son état de santé ".

13. S'il est vrai que le docteur B... ne s'est pas explicitement prononcé sur l'aptitude de l'intéressée au maintien en activité au-delà de la limite d'âge, il est constant qu'il a, à l'occasion de l'examen de son état de santé à la suite d'arrêts de travail dont l'imputabilité au service était demandée, estimé qu'elle ne présentait pas les aptitudes requises pour poursuivre son activité. De tels éléments pouvaient être retenus, sans erreur manifeste d'appréciation, afin d'examiner le bien-fondé de sa demande, concomitante, de maintien en activité au-delà de la limite d'âge, sans qu'il puisse être utilement soutenu, à l'appui de la contestation du bien-fondé de cette appréciation, que ce médecin aurait méconnu les dispositions de R. 4127-108 du code de la santé publique. Dans ces circonstances, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le refus de la maintenir en activité au-delà de la limite d'âge n'est pas justifié par des motifs tirés de l'intérêt du service et qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. En quatrième lieu, la requérante soutient que la décision de refus de prolongation au-delà de la limite d'âge présente le caractère d'une sanction déguisée résultant de la dénonciation de faits d'agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime. Toutefois, alors qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que la situation à l'origine du harcèlement moral invoqué par la requérante ait motivé une sanction à son égard, il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 13 du présent arrêt que la décision de refus de prolongation d'activité dont Mme A... a fait l'objet n'a pas été prise dans un but étranger à l'intérêt du service. Ainsi, l'existence d'une sanction déguisée, ainsi que, par voie de conséquence, d'un détournement de pouvoir, ne sont pas établis.

15. En cinquième lieu, en indiquant que la décision portant refus d'un maintien en activité au-delà de la limite d'âge constitue le fondement légal de la décision portant mise à la retraite d'office et la radiant des cadres, Mme A... doit être regardée comme soulevant l'exception d'illégalité de la première décision mentionnée à l'encontre de la seconde. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 14 du présent arrêt que la décision du président du conseil départemental du

Val-de-Marne en date du 21 octobre 2016 rejetant sa demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

16. Dans le cadre de l'instance n°19PA02361, Mme A... sollicite la condamnation du conseil département du Val-de-Marne à réparer les préjudices et la perte de rémunération qu'elle estime avoir subis suite à l'édiction de la décision en date du 21 octobre 2016 rejetant sa demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge. En l'absence d'illégalité fautive de cette décision, l'appelante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du conseil départemental du Val-de-Marne, ni à obtenir la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

17. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A... dans l'instance n°19PA02361 doivent être rejetées.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Sur les dépens :

19. Les présentes instances n'ayant pas généré de dépens, les conclusions présentées par Mme A... en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil départemental du Val-de-Marne, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement d'une somme au titre des frais exposés par le conseil départemental du Val-de-Marne sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes nos 19PA02360 et 19PA02361 de Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions du conseil départemental du Val-de-Marne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au département du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président-assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 octobre 2021.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

11

Nos 19PA02360, 19PA02361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02361
Date de la décision : 15/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-01 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Mise à la retraite pour ancienneté ; limites d'âge.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-15;19pa02361 ?
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