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14/10/2021 | FRANCE | N°21PA00429

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 14 octobre 2021, 21PA00429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 20 avril 2018 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour inaptitude non professionnelle par la société Geodis Euromatic.

Par jugement n° 1804809 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me Potier, demande à la Cour :

1°) d'ann

uler le jugement n°1804809 du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 20 avril 2018 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour inaptitude non professionnelle par la société Geodis Euromatic.

Par jugement n° 1804809 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me Potier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1804809 du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 20 avril 2018 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement pour inaptitude non professionnelle par la société Geodis Euromatic ;

3°) de mettre à la charge de la société Geodis Euromatic la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la société n'a pas respecté son obligation de reclassement dès lors qu'aucun poste respectant les préconisations médicales ne lui a été proposé et que le médecin du travail n'a pas été sollicité sur les éventuelles propositions de reclassement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2021, la société Geodis Euromatic, représentée par Me Lahiani, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme A... soit condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2021, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lahiani, avocat de la société Geodis Euromatic.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée par la société Geodis Euromatic en contrat à durée indéterminée depuis le 6 mars 2006 en qualité d'employée administrative pour exercer ses fonctions sein de l'établissement de Compans. Elle a été élue le 12 juin 2014 déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise. Elle a été placée en arrêt maladie à compter du 22 avril 2015 et après deux visites médicales de reprise les 18 octobre 2016 et 2 novembre 2016, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste d'employée administrative. Après avoir vainement tenté de reclasser l'intéressée, la société Geodis Euromatic a sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail de licencier Mme A... pour inaptitude médicale, demande qui a été rejetée par une décision du 13 juillet 2017 aux motifs que l'employeur ne justifiait pas de recherches sérieuses au sein du groupe, ni de la mise en place de dispositifs d'accompagnement dans l'emploi des travailleurs handicapés et qu'il n'avait pas consulté préalablement les délégués du personnel sur les postes proposés. Après avoir poursuivi la procédure de recherche de reclassement, la société Geodis Euromatic a sollicité et obtenu de l'inspecteur du travail, par décision du 20 avril 2018, l'autorisation de licencier Mme A... pour inaptitude physique. Par jugement n° 1804809 du 20 novembre 2020, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ". L'article L. 1226-2-1 du même code prévoit que : " Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article

L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. / L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. / S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre ".

3. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. En revanche, dans l'exercice de ce contrôle, il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de cette inaptitude. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée.

4. Il ressort des pièces du dossier que lors de la seconde visite médicale du 2 novembre 2016, le médecin du travail a prononcé l'inaptitude de Mme A... à " son poste d'employée administrative " et a considéré qu'un " poste de contrôle ou de surveillance sans composante de frappe informatique soutenue, sans manutention et en ambiance plutôt chaude serait envisageable ". Or, comme l'a relevé l'inspecteur du travail dans sa décision du 20 avril 2018, la société Geodis Euromatic a effectué des recherches de reclassement non seulement auprès de l'entité Geodis Euromatic ainsi que de l'ensemble des entités du groupe, mais également auprès de la SNCF en précisant les recommandations médicales précitées ainsi que la mobilité restreinte de Mme A.... Les recherches effectuées par l'envoi de courriers les 31 octobre 2017 et 13 mars 2018 ont permis à la société Geodis Euromatic de proposer à l'intéressée trois postes, deux sur le site de Compans en qualité d'agent de planning et de chargée de clientèle et le dernier à Lomme en qualité d'hôtesse d'accueil avec une formation de remise à niveau si nécessaire. Par courrier du 21 décembre 2016, la directrice des ressources humaines lui a garanti que les deux premiers postes lui seraient proposés en contrat à durée indéterminée. Alors qu'aucune réserve n'a été émise sur ces postes par le médecin du travail, lequel a, par ailleurs, indiqué notamment dans son courrier du 29 mars 2017 que l'étude de poste n'était pas nécessaire dès lors que la salariée n'avait pas accepté le poste de reclassement et qu'il était possible de lui proposer un poste ne comportant pas de frappe informatique soutenue et de manutention,

Mme A... a décliné ces offres en considérant qu'ils n'étaient pas en adéquation avec les recommandations du médecin du travail alors que son employeur lui indiquait que des aménagements de poste pouvaient être mis en place pour prendre en compte lesdites préconisations médicales. La société Geodis Euromatic, qui a été informée le 9 mai 2017 de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé de Mme A..., a, de plus, pris contact avec le service d'appui au maintien dans l'entreprise d'un travailleur handicapé (SAMETH), lequel s'est rapproché de la salariée qui a décliné toute prestation de leur part en vue de l'aménagement des postes qui lui étaient proposés, comme le montre le courriel du 24 mai 2017 de ce service.

5. Enfin, au cours du mois d'octobre 2017, la société Geodis Euromatic a décidé de créer un nouveau poste de contrôleur qualité distribution pour permettre le reclassement de Mme A... dans un bureau individuel avec l'utilisation d'un casque téléphonique et sans qu'elle ait à effectuer un nombre contraint d'appels afin de lui permettre d'exercer son activité à son rythme. Cette offre de reclassement, validée à l'unanimité par les délégués du personnel lors de la réunion extraordinaire du 6 novembre 2017 et qui n'a pas fait l'objet de réserves du médecin du travail auquel le descriptif du poste a été communiqué par courrier du 7 novembre 2017, a été proposée le 7 novembre 2017 à Mme A... qui l'a déclinée. Par suite, compte tenu de l'ensemble des démarches précitées effectuées par la société Geodis Euromatic et bien que celles-ci n'aient pas été couronnées de succès, cette dernière doit être regardée comme n'ayant pu, malgré une recherche effective et sérieuse, trouver un emploi approprié aux capacités de Mme A... et a dès lors satisfait à son obligation de recherche de reclassement. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'inspecteur du travail a pu légalement estimer que la société Geodis Euromatic avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement de Mme A....

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel tendant à son annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à charge de la société Geodis Euromatic, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme A... en application des mêmes dispositions le versement de la somme de 2 000 euros à la société Geodis Euromatic au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera la somme de 2 000 euros à la société Geodis Euromatic sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., à la société Geodis Euromatic et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au directeur régional interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

La rapporteure,

A. COLLET

Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOLLa République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 21PA00429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00429
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Motifs autres que la faute ou la situation économique. - Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LAHIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-14;21pa00429 ?
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