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14/10/2021 | FRANCE | N°20PA04208

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 14 octobre 2021, 20PA04208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 février 2020 par lequel le préfet de police a refusé le renouvellement de son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2005562/2-3 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a admis Mme A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du préfet de police du 21 fév

rier 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A... un titre de séjour dan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 février 2020 par lequel le préfet de police a refusé le renouvellement de son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2005562/2-3 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a admis Mme A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du préfet de police du 21 février 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Saligari en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 24 décembre 2020 et

26 février 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2005562/2-3 du 26 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- il n'a pas méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que Mme A..., eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Côte d'Ivoire, pays dont elle est originaire, peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé ;

- il renvoie à ses écritures de première instance en ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2021, et complété par des pièces le

8 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Saligari, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 février 2020 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police ou au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Saligari en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de lui verser directement la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les observations de Me Delrieu, substituant Me Saligari, avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne, née le 18 avril 1971, entrée en France le

21 février 2014 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 février 2020, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 26 novembre 2020, dont le préfet de police relève appel, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Il résulte de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence, notamment lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l'intéressé (...) / L'admission provisoire est accordée par (...) le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle (...) sur laquelle il n'a pas encore été statué. "

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui a présenté son mémoire en défense le 2 avril 2021, n'a pas déposé de demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle. Eu égard aux circonstances de l'espèce, alors que la situation d'urgence, au sens de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, n'est pas caractérisée, il n'y a pas lieu de prononcer l'admission provisoire de Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 425-9 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est atteinte d'une pathologie psychiatrique anxiodépressive sévère pour laquelle depuis 2016, elle fait l'objet d'un suivi régulier à l'hôpital Maison Blanche associé à la prise d'un traitement médicamenteux composé de Xanax, de Laroxyl et de Paroxétine. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de Mme A..., le préfet de police s'est fondé sur l'avis du 16 janvier 2020 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui mentionne que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays d'origine, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement en Côte d'Ivoire. Pour annuler la décision du préfet de police au motif qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal a jugé que le préfet de police, qui se bornait à soutenir que plusieurs psychiatres exerçaient en clinique, notamment à Abidjan, et que la lutte contre les maladies mentales était l'une des priorités de la Côte d'Ivoire en matière de santé, d'une part, ne contestait pas les éléments versés au dossier par Mme A..., en particulier le courriel du laboratoire Pfizer commercialisant le Xanax et mentionnant que ni ce médicament ni son générique ne sont commercialisés en Côte d'Ivoire, les certificats médicaux du praticien hospitalier du centre médico-psychologique de l'hôpital Maison Blanche du 5 mars 2020 et du médecin généraliste du centre de santé Marie-Thérèse du 2 mars 2020 indiquant que Mme A... ne pouvait effectivement bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine et, d'autre part, ne démontrait pas que l'accès à un traitement approprié serait devenu disponible du fait d'une amélioration récente de la situation sanitaire en Côte d'Ivoire depuis le dernier renouvellement du titre de séjour de Mme A.... Pour contester ce motif d'annulation retenu par les premiers juges, le préfet de police soutient que des anxiolytiques, autres que le Xanax, sont commercialisés en Côte d'Ivoire et que ce pays est doté de nombreuses structures pouvant prendre en charge l'intéressée, notamment l'hôpital psychiatrique de Bingerville à Abidjan. Toutefois, la production du seul document intitulé " liste nationale de médicaments essentiels en Côte d'Ivoire " non daté qui ne mentionne qu'une seule molécule d'anxiolytique, dont il n'est pas établi qu'elle était commercialisée à la date de la décision contestée, ne permet pas d'établir que Mme A... pourrait effectivement bénéficier du traitement médicamenteux et des soins adaptés à son état de santé en Côte d'Ivoire, alors que Mme A... produit en appel un certificat d'une psychiatre assistante du centre hospitalier Sainte-Anne mentionnant les données de l'Organisation mondiale de la santé de 2014 et du rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés selon lesquelles notamment la Côte d'Ivoire ne compte que 23 psychiatres et deux hôpitaux psychiatriques pour 23 millions d'habitants. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet de police avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 février 2020 et lui a enjoint de délivrer à Mme A... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par Mme A... :

7. Mme A... reprend devant la Cour les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte qu'elle a présentées devant le tribunal administratif de Paris. Il ressort du point 7 du jugement attaqué que le tribunal a enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté sa demande d'astreinte. Or, d'une part, l'injonction prononcée par le tribunal est exécutoire en vertu de l'article L. 11 du code de justice administrative et, d'autre part, Mme A... ne conteste pas le rejet de ses conclusions à fin d'astreinte. Il s'ensuit que les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées devant la Cour doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par Mme A... est rejetée.

Article 2 : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 3 : Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par Mme A... devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- Mme Collet, première conseillère.

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA04208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04208
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SALIGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-14;20pa04208 ?
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