La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2021 | FRANCE | N°21PA00037

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 octobre 2021, 21PA00037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 décembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile.

Par un jugement n° 2020883 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A... et annulé la décision du ministre de l'intérieur du 7 décembre 2020.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 5 janvier 2021, le ministre d

e l'intérieur, représenté par Me Moreau, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2020883 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 7 décembre 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire français au titre de l'asile.

Par un jugement n° 2020883 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de M. A... et annulé la décision du ministre de l'intérieur du 7 décembre 2020.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 5 janvier 2021, le ministre de l'intérieur, représenté par Me Moreau, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2020883 du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la demande de M. A... était manifestement infondée au sens de l'article

L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- et les observations de Me Lecourt, avocat du ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc d'origine khurde, arrivé en France le 4 décembre 2020 à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle en provenance de République Dominicaine, a sollicité le même jour son admission au séjour au titre de l'asile et a été placé en zone d'attente. Par une décision du 7 décembre 2020 prise après avis de non-admission de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) intervenu le même jour, le ministre de l'intérieur a estimé que sa demande était manifestement infondée et décidé en conséquence de lui refuser l'entrée sur le territoire français en prescrivant son réacheminement vers la Turquie, ou tout autre pays où il serait légalement admissible. Le ministre de l'intérieur fait appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si [...] 3° la demande d'asile est manifestement infondée. Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves./ Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au chapitre III du titre II du livre VII. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le ministre chargé de l'immigration peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations, et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A. (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de ses déclarations consignées dans le compte-rendu d'entretien avec le représentant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que, pour justifier sa demande d'asile, M. A... a expliqué avoir distribué de 2013 à 2015, jusqu'à son interdiction par les autorités turques après le coup d'état, le journal Zaman, proche du mouvement de Fettulah Gülen et avoir alors pris la défense de ce dernier sur les réseaux sociaux. Il a indiqué avoir fui la Turquie où il était accusé de terrorisme, aurait fait l'objet d'une condamnation pénale et risquerait une peine de prison. Pour autant, en possession d'un passeport en cours de validité délivré peu de temps auparavant par la Turquie, M. A... se borne à un récit évasif, peu circonstancié, entaché d'incohérences et dépourvu de crédibilité, se trompant notamment sur la date de la tentative de coup d'Etat qui aurait déclenchée les persécutions dont il se dit victime, mentionnant juillet 2015 au lieu de la nuit du 15 au 16 juillet 2016. Dans ces conditions, la demande de M. A... a pu être regardée comme manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves en Turquie. Par suite, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant la demande du requérant comme manifestement infondée, en application des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que pour annuler sa décision, le premier juge a retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

6. En premier lieu, si la confidentialité des éléments d'information détenus par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides relatifs à la personne sollicitant en France la qualité de réfugié est une garantie essentielle du droit d'asile, ce principe ne fait pas obstacle à ce que les agents habilités à mettre en œuvre le droit d'asile aient accès à ces informations. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie a porté atteinte au principe de confidentialité des éléments d'information ressortant de la demande d'asile, dès lors que ces éléments n'ont été connus, transmis et étudiés que par les agents des autorités habilitées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à traiter leurs demandes, à savoir les agents de police, de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et du ministère de l'intérieur, tous astreints au secret professionnel. Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. En deuxième lieu, M. A... soutient que la décision est entachée d'un vice de procédure au regard des conditions matérielles de l'entretien et, notamment, du caractère directif de l'interrogatoire et des erreurs d'interprétariat commises. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... a été informé le 4 décembre 2020 à 17 heures 40 de la procédure et notamment de son droit à être accompagné lors de l'entretien qu'il a eu le 7 décembre 2019 avec le représentant de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Il ressort en outre de l'examen du compte-rendu de l'entretien avec l'agent de l'OFPRA que celui-ci ne révèle aucune difficulté de compréhension des questions posées au requérant, avec l'aide d'un interprète en langue turque, auxquelles celui-ci a apporté des réponses précises et substantielles. Ce compte-rendu révèle en outre que l'intéressé a été mis en mesure d'exposer sa situation de manière suffisamment précise et approfondie afin de permettre à l'administration de procéder à l'examen prévu à l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas bénéficié de conditions matérielles d'accueil régulières

8. En troisième lieu, la demande d'asile de M. A... présentait un caractère manifestement infondé, pour les motifs exposés ci-dessus. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du ministre de l'intérieur du 7 décembre 2020 serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de vulnérabilité, au sens du 6ème alinéa de l'article L. 213-8-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, allégué par M. A..., n'aurait pas été pris en considération lors de l'entretien qu'il a eu le 7 décembre 2019 avec le représentant de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et par le ministre de l'intérieur.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire : / a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; / b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ; c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " et aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. ".

11. Si M. A... soutient que la décision du ministre méconnaît le principe du non refoulement garanti par les stipulations précitées de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dès lors qu'elle a pour effet de le renvoyer en Turquie où il risque de subir des traitements inhumains et dégradants, il résulte de qui a été dit ci-dessus que ces risques ne peuvent être regardés comme établis. Par suite, la décision du ministre de l'intérieur de réacheminer M. A... vers le territoire de la République Dominicaine ou, le cas échéant, vers tout pays où il sera légalement admissible, ne méconnaît par les stipulations précitées.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision portant refus d'entrée sur le territoire de M. A.... La demande présentée devant le tribunal doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris n° 2020883 du 10 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2021.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

J. D...

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00037 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00037
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-01-01


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SCP SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-07;21pa00037 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award