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07/10/2021 | FRANCE | N°20PA02352

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 octobre 2021, 20PA02352


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003476 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2020, M. D..., re

présenté par Me Paulhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003476 du 22 juille...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003476 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 août 2020, M. D..., représenté par Me Paulhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003476 du 22 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 16 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision de la Cour, sous astreinte de 15 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence, la décision de délégation de signature n'ayant pas été signée ;

- l'avis médical rendu par le collège de médecins de l'OFII est irrégulier dès lors que l'authenticité des signatures n'est pas démontrée ; l'absence de signature est de nature à remettre en cause le caractère collégial de cet avis ;

- cet avis a été rendu tardivement, en méconnaissance de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis médical ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité entachant la décision refusant de délivrer un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale à raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 26 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant malien né le 1er janvier 1980, entré en France le 14 février 2016 selon ses déclarations, a bénéficié d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable jusqu'au 14 mai 2019, puis a été mis en possession d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. Par un arrêté du 16 décembre 2019, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. D... fait appel du jugement du 22 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du mémoire en réplique produit par le requérant en première instance qu'il a excipé, à l'appui de sa demande, de l'illégalité de l'arrêté de délégation de signature n° 2019-00939 du 11 décembre 2019. Les premiers juges n'ayant pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité. M. D... est dès lors fondé à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur le refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00939 du 11 décembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour, le préfet de police a donné délégation à Mme E... A..., attachée d'administration de l'Etat au 9ème bureau au sein de la direction de la police générale de la préfecture de police, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, dans lesquelles entre notamment l'édiction des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français. Si le requérant fait valoir, par voie d'exception, que cet arrêté du 11 décembre 2019 est entaché d'un vice de forme en ce qu'il ne comporte pas la signature du préfet de police, il ressort des pièces du dossier que ce moyen manque en fait. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l'arrêté du 16 décembre 2019, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé.

6. En troisième lieu, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. L'absence de mention de la durée du traitement, qui, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté du 27 décembre 2016, a pour objet de préciser si le demandeur nécessite des soins de longue durée ou non pour l'attribution d'un titre de séjour à raison de l'état de santé, n'est ainsi pas de nature à entacher la régularité de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dès lors que le collège a estimé que M. D... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

7. En quatrième lieu, la circonstance que l'avis aurait été rendu, en méconnaissance les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, plus de trois mois après la transmission à l'Office français de l'immigration et de l'intégration des éléments médicaux concernant l'intéressé n'est pas de nature à entacher d'irrégularité l'avis, dans la mesure, d'une part, où le délai imparti par les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas prescrit à peine de nullité et, d'autre part, où le requérant ne démontre pas que son état médical aurait changé depuis la transmission de ces éléments.

8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation établie le 27 mai 2020 par la directrice territoriale de Paris de l'OFII, que le rapport médical sur l'état de santé de M. D... prévu à l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par un premier médecin qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant émis l'avis du 28 octobre 2019.

9. En sixième lieu, l'avis du collège des médecins du 21 septembre 2018 comporte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émet l'avis suivant ", qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. M. D... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette mention. Enfin, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'étant pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives, la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 8 décembre 2005 ne peut être utilement invoquée. Dans la mesure, par ailleurs, où il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis aurait fait l'objet d'un procédé de signature électronique, le requérant ne peut davantage invoquer la méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article 1367 du code civil ou du décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique. En tout état de cause, le requérant n'apporte aucun élément de nature à faire douter de ce que l'avis, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, a bien été rendu par ses auteurs. Il s'ensuit que cet avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et

R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En septième lieu, si le préfet de police s'est approprié les termes de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 octobre 2019, il ressort de la motivation de l'arrêté qu'il s'est par ailleurs fondé sur d'autres éléments du dossier de M. D... et qu'il a effectué un examen de sa situation pour retenir que l'intéressé ne remplissait pas les conditions d'octroi du titre de séjour sollicité. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet de police se serait cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé doivent être écartés.

11. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre de la pathologie thyroïdite d'Hashimoto, d'hypothyroïdie et de cicatrices hypertrophiques et chéloïdes importantes au niveau thoracique. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 28 octobre 2019 a estimé que si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En se bornant à faire valoir qu'il a déjà été admis à séjourner en France en raison de son état de santé et à produire un certificat médical peu circonstancié établi par son médecin généraliste indiquant que " tous ces soins sont indisponibles au Mali ", M. D... n'apporte aucun document médical permettant de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par le préfet de police quant à la disponibilité du traitement suivi par le requérant dans son pays d'origine. Dès lors, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

13. En neuvième lieu, l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France en 2016 et il justifie avoir travaillé à compter de juillet 2019. Toutefois, il est célibataire, sans charge de famille en France et il ne justifie, ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans. Dès lors, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour contestée n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que ladite décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D... ne peut qu'être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

15. Il résulte de ce qui précède que, le refus de titre de séjour étant légal, le moyen tiré de son illégalité ne peut qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

16. En premier lieu, après avoir rappelé la nationalité de M. D..., le préfet de police a précisé dans sa décision que celle-ci ne contrevenait pas à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, cette décision comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Elle est, dès lors, suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

17. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la motivation de la décision contestée, que la situation particulière de M. D... a été examinée.

18. En dernier lieu, M. D... n'établissant pas que les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français seraient illégales, l'exception d'illégalité de ces décisions soulevées à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écartée.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. D... doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003476 en date du 22 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de M. D... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. F..., premier vice-président,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 octobre 2021.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

J. F...

La greffière,

M. B...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA02352 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02352
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : PAULHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-07;20pa02352 ?
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