Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D..., épouse E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police du 19 novembre 2019 en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2007348/1-3 du 7 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 novembre 2020, Mme E..., représentée par Me de Clerck, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 19 novembre 2019 en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire sans délai à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal a méconnu les articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et cette insuffisance révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris[LI1].
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 4982/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... ;
- et les observations orales de Me de Clerck, représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante gambienne née le 20 avril 1976, relève appel du jugement du 7 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 19 novembre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleures conditions ".
3. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans ses deux décisions du 23 février 2010 (C-310/08 et C-480/08), qu'un ressortissant de l'Union européenne ayant exercé une activité professionnelle sur le territoire d'un État membre ainsi que le membre de sa famille qui a la garde de l'enfant de ce travailleur migrant peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011, à la condition que cet enfant poursuive une scolarité dans cet État, sans que ce droit soit conditionné par l'existence de ressources suffisantes. Pour bénéficier de ce droit, il suffit que l'enfant qui poursuit des études dans l'État membre d'accueil se soit installé dans ce dernier alors que l'un de ses parents y exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant, le droit d'accès de l'enfant à l'enseignement ne dépendant pas, en outre, du maintien de la qualité de travailleur migrant du parent concerné. En conséquence, et conformément à ce qu'a jugé la Cour de justice dans sa décision du
17 septembre 2002 (C-413/99, § 73), refuser l'octroi d'une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l'enfant exerçant son droit de poursuivre sa scolarité dans l'État membre d'accueil est de nature à porter atteinte à son droit au respect de sa vie familiale.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. F..., époux A... la requérante, a obtenu la nationalité espagnole, que le couple est venu en France au cours de l'année 2017, que l'intéressé exerce une activité professionnelle depuis le mois de juin 2018 en tant qu'agent de service et bénéficie d'un contrat à durée indéterminée depuis le 2 novembre 2018. Il ressort également des pièces du dossier que les cinq enfants du couple, également de nationalité espagnole, tous mineurs à la date de la décision attaquée, sont scolarisés en France. Enfin, il n'est pas contesté que Mme E... en a effectivement la garde. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions précitées en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au motif que M. E... ne justifiait pas de ressources suffisantes pour lui et sa famille.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 19 novembre 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à Mme E... une carte de séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à cette délivrance dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me de Clerck, avocat de Mme E..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à Me de Clerck de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2007348/1-3 du 7 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 19 novembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme E... une carte de séjour en qualité de membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me de Clerck, avocat de Mme E..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me de Clerck renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse E..., au ministre de l'intérieur et à Me de Clerck.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
La rapporteure,
G. C...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
[LI1]Ce serait bien d'indiquer la date de la décision du BAJ
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N° 20PA03406