Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, en droits et pénalités.
Par un jugement n° 1800471 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 17 février et 24 août 2020, M. et Mme C..., représentés par Me Sappey, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800471 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, en droits et pénalités ;
3°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en applications des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit ;
- les premiers juges ont fait une inexacte appréciation des faits ;
- le pli contenant la proposition de rectification émise le 18 décembre 2015 par la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France n'a pas été régulièrement notifié à une personne habilitée ; le préposé du service des postes a remis le courrier contenant la proposition de rectification à une tierce personne non mandatée à cet effet ;
- l'administration fiscale a fait une appréciation erronée des éléments comptables dont elle disposait concernant la SARL Audit Management Gestion Conseil, de sorte que certaines rémunérations ont été prises en compte à deux reprises ;
- les sociétés Audit Management Gestion Conseil et AMG Conseil ne disposant pas de la capacité financière pour assurer les paiements en cause, M. C... était privé de la possibilité d'en disposer ;
- les comptes sociaux des sociétés mentionnées n'ayant pas encore fait l'objet d'une approbation en assemblée générale à la clôture de leurs exercices respectifs, conformément à leurs statuts, M. C... ne pouvait être regardé comme ayant eu la disposition des sommes en cause, qualifiées de rémunérations de gérant ;
- la substitution de base légale demandée sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts ne peut être retenue.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 10 mars et 28 août 2020 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés et demande à la Cour la substitution, aux dispositions de l'article 62 du code général des impôts, de celles du 2° de l'article 109-1 du même code, s'agissant des sommes versées au titre de 2012 par la SARL Audit Management Gestion Conseil.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Sappey pour M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle sur pièces des déclarations de revenus des années 2012 et 2013 faites par M. C..., l'administration fiscale à mis à la charge des époux C..., au titre de la procédure de redressement contradictoire, notamment, des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, assortis de pénalités pour un montant total de 608 359 euros. Par le jugement n° 1800471 du 20 décembre 2019 dont les époux C... relèvent appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté la décharge des suppléments d'imposition en litige.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. et Mme C... ne peuvent donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreurs de droit et de qualification juridique des faits pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Les rectifications doivent être notifiées au contribuable. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable. L'expéditeur d'un pli recommandé est en droit de regarder comme régulièrement parvenu à son destinataire un tel pli, dès lors que l'avis de réception lui a été renvoyé, et sans qu'il appartienne à cet expéditeur de rechercher si le signataire dudit avis de réception avait qualité pour y apposer sa signature. Lorsque le contribuable soutient ne pas avoir signé l'avis de réception d'un pli recommandé, portant notification d'une proposition de rectification, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli dont il s'agit. Dans le cas où le contribuable n'apporte aucune précision sur l'identité de la personne signataire des avis litigieux et s'abstient de dresser la liste des personnes qui, en l'absence de toute habilitation, auraient néanmoins eu qualité pour signer de tels avis, il ne peut être regardé comme ayant démontré que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité à réceptionner ce pli.
4. Dans leurs écritures, les époux C... soutiennent que la proposition de rectification qui leur a été adressée, le 18 décembre 2015, ne leur a pas été régulièrement notifiée et n'a pu, dès lors interrompre la prescription des impositions en litige. Ils font valoir que si la proposition de rectification du 18 décembre 2015, dont procèdent les impositions établies au titre des années 2012 et 2013, a bien été adressée par les services fiscaux à " M. et Mme C... 50 rue de Crimée 75019 Paris " par lettre recommandée avec avis de réception, le pli a été présenté et distribué contre signature le 24 décembre 2015 à Mme B... E... qui était en charge du nettoyage des parties communes de l'immeuble où ils résident. Ils précisent que cette personne ne disposait d'aucun mandat lui permettant de réceptionner leur courrier en leur absence. Afin d'étayer leurs propos, ils produisent une attestation manuscrite rédigée par Mme E..., le 21 février 2016, accompagnée d'une copie de sa carte de résident, par laquelle elle déclare avoir réceptionné le courrier des services fiscaux adressé par voie recommandé à M. et Mme C..., le 24 décembre 2015, alors qu'elle n'était pas habilitée à le recevoir. Les requérants communiquent également une copie de la procuration postale en date du 15 février 2013 par laquelle les requérants ont donné pouvoir à Mme D..., gardienne, pour retirer en bureau et recevoir au domicile des mandants les envois distribués par la Poste et démontrent que celle-ci, qui était en congés pour la période comprise entre le 23 décembre 2015 et 2 janvier 2016, n'a pu recevoir le pli en litige.
5. De son côté, l'administration fiscale fait valoir, d'une part, que l'attestation rédigée par Mme E... ne peut constituer une preuve suffisante pour justifier qu'elle est bien la signataire de l'avis de réception dès lors qu'elle n'a pas acquis date certaine par son enregistrement et qu'elle ne respecte pas les modes de preuve prévues par le code civil pour les actes sous signature privée et, d'autre part, qu'elle a été produite plus de vingt-et-un mois après l'avis de réception du 24 décembre 2015 et plus de dix-neuf mois après la date à laquelle elle aurait été établie. L'administration fiscale fait également valoir que celle-ci n'est corroborée par aucun autre élément de preuve et que les appelants n'ont pas communiqué une liste des personnes qui, en l'absence de toute habilitation, auraient néanmoins eu qualité pour signer les avis de réception.
6. Contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, la circonstance que la signature figurant sur l'avis de réception soit différente de celle apposée sur l'attestation de Mme E... et sa carte de résident, n'est pas suffisante pour démontrer que les requérants n'apportent pas la preuve que le pli contenant la proposition de rectification ne leur a pas été régulièrement notifié, aucun texte n'interdisant à une personne de disposer de plusieurs signatures. De même, si les contribuables peuvent établir par anticipation une liste de personnes habilitées à recevoir leur courrier, une telle liste n'est pas nécessaire pour apporter la preuve que le pli a été signé par une personne non habilitée. Toutefois, en l'espèce, les requérants ne sauraient valablement se fonder uniquement sur l'attestation rédigée par Mme E... en date du 21 février 2016, produite très tardivement et rédigée en termes généraux et non étayés notamment quant à la nature de ses interventions dans l'immeuble, pour démontrer que le pli a été réceptionné par une personne connue et non habilitée à le faire.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : / Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée (...) / Le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l'article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires ". Aux termes de l'article 12 de ce code : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal (...), aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent (...) ". Il résulte de ces dispositions que les rémunérations des gérants majoritaires d'une SARL sont imposables au titre de l'année au cours de laquelle le contribuable en a eu la disposition, soit par la voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré ou aurait pu en droit ou en fait opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre de ladite année.
8. M. C... exerce les fonctions de gérant des SARL Audit Management Gestion Conseil et AMG Conseil. Il est également associé à hauteur de 99,80 % de la société Audit Management Gestion Conseil qui possède 89,69 % du capital de la société AMG Conseil. En outre, si le requérant détient indirectement 89,51 % du capital de la société AMG Conseil, il n'en demeure pas moins qu'il doit être regardé comme ayant la qualité d'associé majoritaire de cette société.
9. Selon les termes de la proposition de rectification du 18 décembre 2015, l'examen du compte courant d'associé de M. C... au sein des sociétés Audit Management Gestion Conseil et AMG Conseil au titre des années 2012 et 2013 fait apparaître que les sommes respectives de 1 000 000 euros et 600 000 euros, débitées de comptes de charges portant le libellé " rémunération C... " ou " rémunération gérant " et la période concernée, ont été créditées sur ce compte au titre de la rémunération pour des fonctions de gérance.
10. Au regard de ce qui précède, eu égard à la qualité d'associé direct ou indirect et de gérant majoritaire de M. C... dans les sociétés mentionnées, c'est à bon droit que l'administration fiscale a pu imposer, sur le fondement des dispositions combinées des articles 12, 62 et 156 du code général des impôts, les sommes inscrites sur le compte courant d'associée de M. C... au sein des sociétés précitées dans la catégorie des traitements, salaires ou rémunérations au titre de l'impôt sur le revenu des années 2012 et 2013
11. En deuxième lieu, si le ministre, qui est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, demande que la somme omise d'un montant de 400 000 euros allouée au titre de l'année 2012 par la société Audit Management Gestion Conseil soit imposée sur le fondement de l'article 109-1 2° du code général des impôts, comme il a été indiqué au point précédent du présent arrêt, c'est à bon droit que l'administration fiscale a taxé les requérants sur le fondement des dispositions de l'article 62 du code générale des impôts, les sommes en litige ayant été débitées de comptes de charges portant le libellé " rémunération C... " ou " rémunération gérant " pour être versées à M. C... en sa qualité de gérant et d'associé majoritaire sur les comptes courants de l'intéressé. Par suite, la demande de substitution de base légale demandée doit être rejetée.
12. En troisième lieu, les époux C... font valoir que les sociétés Audit Management Gestion Conseil et AMG Conseil ne disposaient pas de la capacité financière pour verser les rémunérations en litige. Toutefois, le bilan d'actif de la SARL Audit Management Gestion Conseil au 30 juin 2012, seul document produit par les requérants à l'appui de leurs écritures, ne permet pas d'établir que la situation financière des deux sociétés ne leur permettait pas de distribuer les sommes en litige, nonobstant l'insuffisance des disponibilités, égales à 115 815 euros, au regard des valeurs mobilières de placement détenues pour la somme de 4 762 785 euros.
13. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que, les comptes sociaux des sociétés Audit Management Gestion Conseil et AMG Conseil n'ayant pas encore fait l'objet d'une approbation en assemblée générale à la clôture de leurs exercices respectifs, conformément à leurs statuts, M. C... ne peut être regardé comme ayant eu la disposition des sommes en cause, qualifiées de rémunérations de gérant. Il résulte toutefois de l'instruction que les comptes sociaux des sociétés ont fait l'objet d'une approbation en assemblée générale à la clôture de leurs exercices respectifs.
14. En dernier lieu, si les requérants soutiennent que la rémunération d'un montant de 400 000 euros inscrite le 31 décembre 2012 au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. C... au sein de la société Audit Management Gestion Conseil a été imposée à tort au titre de l'année 2012 alors que cette somme ne lui a été allouée que le 30 juin 2013, il résulte de l'instruction que cette somme a bien été inscrite le 31 décembre 2012 au crédit du compte d'associé ouvert au nom du requérant dans la comptabilité de la société Audit Management Gestion Conseil, la somme inscrite au 30 juin 2013 correspondant à une rémunération au titre des fonctions de gérant pour une période distincte.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme C... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques (Direction de contrôle fiscale d'Ile-de-France).
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président-assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 24 septembre 2021.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00586 7