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23/09/2021 | FRANCE | N°20PA03227

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 23 septembre 2021, 20PA03227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a décidé d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2004673 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2020, M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 août 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a décidé d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2004673 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Herrero, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004673 du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 août 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre à toute autorité administrative compétente de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre aux moyens tirés de l'erreur de droit du préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas retenu les années de présence postérieures à la décision de 2016, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la réponse apportée par les premiers juges au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;

- la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur de droit en ne prenant pas en considération sa présence en France au titre des années postérieures à la décision de 2016 ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée de sa présence sur le territoire français et à l'intensité de ses liens familiaux et personnels en France ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a également commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- la décision contestée est entachée d'illégalité dès lors qu'il est hébergé chez son frère qui le prend en charge et qu'il a démontré sa volonté de s'intégrer à la société française ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par un courrier en date du 20 juillet 2021, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la requête présentée pour M. A... après l'expiration du délai d'appel fixé à un mois par l'article

R. 776-9 du code de justice administrative qui s'applique au contentieux des décisions relatives au séjour des étrangers assorties d'une obligation de quitter le territoire français et qui était mentionné dans le courrier du 1er octobre 2020 de notification du jugement attaqué.

Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 17 août 2021, M. A... maintient ses conclusions et ses moyens.

Il soutient en outre que sa requête est recevable dès lors qu'il a retiré le pli recommandé lui notifiant le jugement attaqué le 3 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les observations de Me Herrero, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain, entré en France en janvier 2006 selon ses déclarations, a sollicité le 23 janvier 2019 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 août 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 435-1 de ce code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article

L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

3. M. A... soulève pour la première fois devant la Cour le moyen recevable tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour. Il ressort des pièces du dossier, s'agissant de l'année 2009 qui est en particulier contestée par le préfet de la Seine-Saint-Denis, que M. A... a produit une procuration établie au consulat du Maroc en France le 19 mars 2009, des ordonnances médicales des 11 et 13 octobre 2009 sur lesquelles figure le cachet d'une pharmacie, des résultats d'analyses biologiques du 19 octobre 2009, des résultats d'un scanner réalisé le 9 novembre 2009, une attestation d'admission à l'aide médicale de l'Etat du 26 août 2009, des courriers de Solidarité Transport des 4 et 18 septembre 2009 et une facture Free du 13 mai 2009. Il s'ensuit que M. A... justifie avoir résidé habituellement en France au titre de 2009. En outre, pour la période comprise entre 2010 et 2019, il présente de nombreuses pièces consistant en des ordonnances médicales sur lesquelles figure le cachet d'une pharmacie, des résultats d'examens médicaux, des courriers de médecins de l'hôpital de La Pitié Salpêtrière, des courriers de l'Assurance maladie relatifs à l'aide médicale de l'Etat, des relevés bancaires sur lesquels sont mentionnés des retraits aux distributeurs automatiques de billets et des courriers de Solidarité Transport. Dans ces conditions, M. A... justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision de refus de séjour contestée. M. A... est ainsi fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis était tenu de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour sa demande de titre de séjour. Il s'ensuit que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de celle fixant le pays de destination et de celle prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans, qui sont ainsi dépourvues de base légale.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer explicitement sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour sous astreinte doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance que M. A... a exposés.

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement n° 2004673 du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 5 août 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A... en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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20PA03227


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03227
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : HERRERO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-23;20pa03227 ?
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