Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer le versement des intérêts moratoires à la suite de la restitution de sa créance de bouclier fiscal de l'année 2012.
Par un jugement n° 1820773/1-1 du 17 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces enregistrées le 17 août 2020 et le 3 septembre 2020, M. A..., représenté par Me Eric Joanne, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 juin 2020 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires sur la somme de 148 482 euros à compter du 1er juillet 2012, et sur la somme de 427 467 euros à compter du 1er juillet 2013, ces intérêts portant intérêt ;
3°) subsidiairement de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires à compter du 2 août 2014 ;
4°) très subsidiairement de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires à compter du 19 décembre 2014 ;
5°) encore plus subsidiairement de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement de l'article 1231-6 du code civil, des intérêts moratoires et des intérêts sur ces intérêts, dans les mêmes conditions que précédemment ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement de contradiction de motifs en reconnaissant que la réclamation du 19 décembre 2014 permettait de rectifier le montant de l'imposition 2012 et en jugeant que la restitution n'a pas été faite en réponse à cette réclamation ;
- la déclaration de créance de bouclier fiscal effectuée le 19 décembre 2014 valait réclamation d'imputation et/ou de restitution pour un montant de 545 949 euros et visait à la réparation d'une erreur commise dans la détermination de l'assiette ou du calcul des impositions ; à ce titre, elle donnait droit au versement d'intérêts moratoires, par le comptable public, lors de son remboursement effectif ;
- on ne saurait lui appliquer les règles relatives à une réclamation revendiquant le bénéfice d'une option non exercée lors de la déclaration initiale ;
- si la possibilité de restitution a été supprimée à compter du 1er janvier 2013, la réclamation du 19 décembre 2014 a été valablement présentée avant le 31 décembre de l'année au titre de laquelle le contribuable n'est plus redevable de l'ISF ;
- la réclamation du 18 janvier 2018 n'est qu'itérative ;
- il résulte des commentaires de l'administration relatifs à la liquidation des intérêts moratoires, référencés BOI-CTX-DG-20-50-30, point 20, que " dans l'hypothèse [qui est celle de l'espèce] où l'administration rembourse ces sommes, sans verser concomitamment les intérêts moratoires dont elle est redevable à la date du remboursement, les intérêts en cause revêtent le caractère d'une créance du contribuable, elle-même productive d'intérêts moratoires " ;
- l'administration ne saurait exiger, sans méconnaître l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, que, pour bénéficier des intérêts sur les intérêts moratoires, ce dernier en fasse la demande spécifique ;
- le point de départ des intérêts moratoires sur la somme de 148 482 euros est le 1er juillet 2012, date à laquelle la somme n'a pu être imputée sur l'ISF 2012 ; ces intérêts doivent porter intérêt ;
- le point de départ des intérêts moratoires sur la somme de 427 467 euros est le 1er juillet 2013, date à laquelle la somme n'a pu être imputée sur l'ISF 2013 ; ces intérêts doivent porter intérêt ;
- subsidiairement le départ des intérêts est le 2 août 2014, date de la réponse aux observations du contribuable au redressement du 9 juillet 2014 ;
- très subsidiairement, le départ des intérêts est le 19 décembre 2014, date de la réclamation contentieuse ;
- le contenu du courriel de l'administration en date du 11 octobre 2016, auquel était joint un projet d'avis de dégrèvement, fut-il non signé et établi par un fonctionnaire incompétent, avait la nature d'une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, au respect de laquelle l'administration était tenue, celle-ci ayant fait naître une espérance légitime ;
- l'administration reconnaît dans sa doctrine qu'une prise de position formelle notifiée à un contribuable par courrier électronique lui est opposable (Inst. 9-9-2010, 13 L-11-10 n° 41 et 42 ; BOI-SJ-RES-10-10-20 n° 300 et 310, 12-9-2012) ;
- si, par extraordinaire, la Cour devait néanmoins considérer que la réclamation du 19 décembre 2014 n'entre pas dans le champ des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, il se prévaut, à titre subsidiaire, pour fonder sa demande tendant au paiement d'intérêts de retard sur la somme de 575 949 euros, des dispositions de l'article 1231-6 (ancien art. 1153) du code civil.
Par des mémoires en défense enregistrés les 22 septembre et 15 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
30 octobre 2020.
Un mémoire, enregistré le 10 décembre 2020, a été produit pour M. A... après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 17 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en versement d'intérêts moratoires à la suite de la restitution de sa créance de bouclier fiscal de l'année 2012.
2. Aux termes de l'article 1649-0 A du code général des impôts applicable pour la dernière fois à la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010 : " 1. Le droit à restitution de la fraction des impositions qui excède le seuil mentionné à l'article 1er est acquis par le contribuable au 1er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4. [...]8. Les demandes de restitution doivent être déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4. Les dispositions de l'article 1965 L sont applicables. /Le reversement des sommes indûment restituées est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu même lorsque les revenus pris en compte pour la détermination du droit à restitution sont issus d'une période prescrite. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôt sur le revenu./ 9. Par dérogation aux dispositions du 8, le contribuable peut, sous sa responsabilité, utiliser la créance qu'il détient sur l'Etat à raison du droit à restitution acquis au titre d'une année, pour le paiement des impositions mentionnées aux b à e du 2 exigibles au cours de cette même année. / Cette créance, acquise à la même date que le droit à restitution mentionné au 1, est égale au montant de ce droit. / (...) / Lorsque le contribuable pratique une ou plusieurs imputations en application du présent 9, il conserve la possibilité de déposer une demande de restitution, dans les conditions mentionnées au 8, pour la part non imputée de la créance mentionnée au premier alinéa. A compter de cette demande, il ne peut plus imputer cette créance dans les conditions prévues au présent 9. ".
3. D'autre part, qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 29 juillet 2011 :
" I. ' Les articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts s'appliquent pour la dernière fois pour la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés en 2010. / II. ' Les contribuables qui sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2012 exercent le droit à restitution acquis au 1er janvier de la même année en application de l'article 1649-0 A du code général des impôts, selon les modalités prévues au 9 du même article, en imputant le montant correspondant à ce droit exclusivement sur celui de la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due au titre de la même année. / La part du droit à restitution non imputée sur la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due par les contribuables, en application du premier alinéa du présent II, constitue une créance sur l'Etat imputable exclusivement sur les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre des années suivantes. / Par exception au deuxième alinéa du présent II, la restitution du reliquat de la créance née du droit à restitution acquis en 2012 peut être demandée par le contribuable ou ses ayants droit avant le 31 décembre de l'année au titre de laquelle : 1° Le contribuable titulaire de la créance n'est plus redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune ; 2° Les membres du foyer fiscal titulaire de la créance font l'objet d'une imposition distincte à l'impôt de solidarité sur la fortune ; 3° L'un des membres du foyer fiscal titulaire de la créance décède. ".
4. M. A... a fait l'objet, au cours de l'année 2014, de rectifications de son revenu fiscal de référence des années 2010 et 2011, à prendre en compte pour le calcul du plafonnement des impôts directs, entrainant un rehaussement d'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2012. M A... a contesté ce rehaussement mais, estimant qu'il avait droit, sur cet impôt, au titre du plafonnement, à une imputation supérieure à celle à laquelle il avait lui-même procédé, il a présenté, le 19 décembre 2014, une demande de restitution de l'impôt de solidarité sur la fortune payé au titre de l'année 2012 et une demande d'imputation du reliquat sur l'impôt sur la fortune des années ultérieures. L'administration a abandonné le redressement envisagé mais n'a procédé à la restitution de la somme restant due au titre du plafonnement, diminuée d'un rehaussement d'impôt sur la fortune établi au titre de l'année 2011, que le 20 avril 2018, à la suite de la demande de remboursement présentée le 8 janvier 2018, suite à la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune à compter du 1er janvier 2018. M. A... fait valoir que la réclamation présentée le 19 décembre 2014 lui ouvre droit au versement d'intérêts moratoires à compter du 1er juillet 2012 et du 1er juillet 2013 dates respectives de paiement des cotisations d'impôt sur la fortune des années 2012 et 2013, subsidiairement à compter du 2 août 2014, date de la réponse aux observations du contribuable au redressement du 9 juillet 2014 et très subsidiairement, à compter du 19 décembre 2014, date de sa réclamation contentieuse.
5. Il résulte des dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 29 juillet 2011 que le droit à restitution acquis au titre de l'année 2012 doit être exercé par le contribuable en imputant, sous sa propre responsabilité, le montant correspondant à ce droit exclusivement sur celui de la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due au titre de la même année et que la part du droit à restitution non imputée sur la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune due par les contribuables constitue une créance sur l'Etat imputable exclusivement sur les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre des années suivantes, la restitution de cette créance ne pouvant être accordée que dans des cas limités, notamment lorsque le contribuable titulaire de la créance n'est plus redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune.
6. Il est constant que M. A... n'a pas procédé, sous sa propre responsabilité, à l'imputation de la somme en cause sur ses déclarations d'impôt sur la fortune de l'année 2012 et des années ultérieures. Il ne se prévaut d'ailleurs d'aucune déclaration rectificative au titre de ces impositions. A la date du 19 décembre 2014, M. A... ne disposait en outre, ainsi qu'il a été dit au point précédent, d'aucun droit à restitution de la créance en litige. La réclamation présentée à cette date ne pouvant être à l'origine d'aucune restitution, M. A... n'est par suite pas fondé à soutenir que la restitution qui lui a été finalement accordée en 2018 suite à la suppression de l'impôt sur la fortune doit être regardée comme consécutive à la réclamation du
19 décembre 2014 et ouvrir droit, à ce titre, à des intérêts moratoires sur le fondement des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et subsidiairement sur le fondement de l'article 1231-6 du code civil. Contrairement à ce qui est soutenu, la naissance au 1er janvier 2018 d'un droit à restitution ne saurait conduire à considérer la réclamation du 9 décembre 2014 comme une démarche à l'origine d'un droit qui n'est né qu'ultérieurement.
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) " et qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :
1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". En l'absence de rehaussement d'impositions antérieures, M. A... ne saurait faire valoir que le contenu du courriel de l'administration en date du 11 octobre 2016 aurait la nature d'une prise de position formelle, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, admettant son droit aux intérêts moratoires, et qu'elle aurait en conséquence fait naitre une espérance légitime opposable à l'administration fiscale.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2021.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02310