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22/09/2021 | FRANCE | N°19PA04162

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 22 septembre 2021, 19PA04162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu, de taxe sur les plus-values élevées et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et la décharge des majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1802147/2-3 du 24 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés l

e 23 décembre 2019 et le 4 novembre 2020,

M. et Mme B..., représentés par Me Jouan, demandent à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu, de taxe sur les plus-values élevées et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et la décharge des majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1802147/2-3 du 24 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 décembre 2019 et le 4 novembre 2020,

M. et Mme B..., représentés par Me Jouan, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802147/2-3 du 24 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la réduction et la décharge demandées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B... soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant des pénalités ;

- ils remplissent les conditions pour bénéficier du régime d'exonération prévue au 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts ;

- ils sont fondés à se prévaloir de la mesure de tempérament prévue par l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-30 ;

- l'absence de demande d'exonération dans l'acte de cession ne peut leur être opposée ;

- l'administration n'établit pas les manquements délibérés.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est associé unique de la société civile immobilière (SCI) Loft Annonciation, qui a cédé le 1er août 2013 un bien immobilier situé au 9 rue de l'Annonciation à Paris 16ème arrondissement pour un montant de 2 260 000 euros. A cette occasion, il a bénéficié de l'exonération de la plus-value réalisée, en se prévalant du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts, relatif aux cessions de la résidence principale. A la suite d'un contrôle de la SCI, le service a adressé une proposition de rectification du 13 avril 2015 à M. B... en tant qu'associé unique, remettant en cause l'exonération de cette plus-value. M. et Mme B... ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations d'impôt sur le revenu, de taxe sur les plus-values élevées et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2013, assorties d'intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré. Ils relèvent appel du jugement du 24 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la réduction de ces impositions et à la décharge des pénalités.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges ont suffisamment exposé, au point 6 du jugement attaqué, les motifs sur lesquels ils se sont fondés, qui ressortaient des pièces du dossier, pour juger que M. B... avait délibérément manqué à ses obligations déclaratives, justifiant l'application de la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce jugement doit dès lors être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH (...) II. Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ; 1° bis Au titre de la première cession d'un logement, y compris ses dépendances immédiates et nécessaires au sens du 3° si leur cession est simultanée à celle dudit logement, autre que la résidence principale, lorsque le cédant n'a pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession. L'exonération est applicable à la fraction du prix de cession défini à l'article 150 VA que le cédant remploie, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, à l'acquisition ou la construction d'un logement qu'il affecte, dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure, à son habitation principale. En cas de manquement à l'une de ces conditions, l'exonération est remise en cause au titre de l'année du manquement (...) ".

5. Il résulte des dispositions du 1° bis du I de l'article 150 U du code général des impôts qu'un contribuable ne peut bénéficier de l'exonération de la plus-value retirée de la première cession d'un logement autre que la résidence principale, s'il a été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession.

6. Il résulte de l'instruction que la SCI Loft Annonciation a acquis le 8 août 2002 les lots 26 et 27 correspondant au bâtiment B de la copropriété située au 9 rue de l'Annonciation à Paris, 16ème arrondissement, qui était affecté à usage de bureaux. La SCI a obtenu un permis de démolir ce bâtiment le 23 janvier 2008 et un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation, en vue de créer deux logements constituant les lots 32 et 33 de la copropriété, le 30 janvier 2008, modifié par deux permis accordés le 25 avril 2008 et le 25 février 2013. Une déclaration d'ouverture de chantier a été dressée le 20 janvier 2011 et la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux a été établie le 29 mars 2013. M. et Mme B... ont emménagé dans le logement, constituant le lot 32, le 20 octobre 2012, cette date de changement de domicile étant mentionnée dans la déclaration d'ensemble de leurs revenus de l'année 2012. Le logement constituant le lot 33 a été mis en vente le 21 mai 2012 et sa cession a été réalisée le 1er août 2013. M. et Mme B..., qui ne se prévalent plus de l'exonération des plus-values retirées de la cession d'une résidence principale, soutiennent qu'ils sont fondés à bénéficier de l'exonération prévue au 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts au titre de la cession du lot 33, s'agissant d'une première cession d'un logement autre que la résidence principale.

7. Il résulte toutefois de la chronologie des faits précédemment exposée que le lot 32 de l'immeuble est devenu le 20 octobre 2012 la résidence principale de M. et Mme B..., ce logement étant alors devenu leur résidence habituelle et effective, la condition de détention étant par ailleurs remplie. A la date de la cession du logement constitué du lot 33, le 1er août 2013, M. et

Mme B... était ainsi propriétaires de leur résidence principale et la circonstance que ce dernier bien a été mis en vente le 21 mai 2012 est sans incidence, dès lors que seule la date de la cession doit être retenue pour l'application des dispositions précitées. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils remplissent les conditions pour bénéficier du régime d'exonération prévu au 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

9. M. et Mme B... se prévalent de la mesure de tempérament prévue par le paragraphe 70 de l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-30, qui prévoit que " Par principe, le cédant ne doit pas avoir été propriétaire de sa résidence principale au cours des quatre années précédant la cession. Cela étant, par mesure de tempérament et afin de tenir compte, notamment, de la situation des contribuables qui demandent le bénéfice de l'exonération au titre de la première cession d'un logement mais qui acquièrent leur future résidence principale, notamment au moyen d'un prêt relais, avant d'avoir cédé le logement entrant dans le champ de l'exonération, il est admis, toutes autres conditions par ailleurs remplies, que l'exonération ne soit pas refusée dans ces circonstances sous réserve que : - la mise en vente du logement soit antérieure à l'acquisition de l'habitation principale ; - la cession du logement intervienne dans un délai normal après l'acquisition du logement affecté à la résidence principale (à cet égard, pour apprécier le délai normal de cession, il convient de se reporter au III du BOI-RFPI-PVI-10-40-10) ; - le prix de cession du logement soit effectivement remployé à l'acquisition ou construction de la résidence principale. L'affectation effective du prix de cession est justifiée notamment, par exemple, par le remboursement anticipé de l'emprunt contracté pour l'acquisition ou la construction de la résidence principale ou en remboursement d'un prêt relais. Cette mesure de tempérament ne concerne que les cessions de logement réalisées à compter du 1er février 2012. Cela étant, et sous réserve que la cession du logement concerné intervienne dans un délai normal, l'acquisition de la résidence principale peut être antérieure à cette date ".

10. Toutefois, la mesure de tempérament mentionnée au point 9 s'applique " toutes autres conditions par ailleurs remplies ". Selon le paragraphe 350 de cette instruction, " La fraction du prix de cession que le cédant destine au remploi doit être mentionnée dans l'acte de cession (voir n° 510). En d'autres termes, le cédant doit déterminer, au jour de la signature de l'acte authentique, la fraction du prix de cession qu'il destine au remploi et pour laquelle il demande le bénéfice de l'exonération de la plus-value ". Aux termes de son paragraphe 510, " Que le remploi soit total ou partiel, outre la mention de la nature et du fondement de l'exonération, l'acte constatant la cession à titre onéreux d'un logement au titre de laquelle le bénéfice de l'exonération prévue par le 1° bis du II de l'article 150 du CGI est demandé doit mentionner : - l'identité du bénéficiaire de l'exonération ; - les droits du bénéficiaire sur le prix de cession ; - la fraction du prix de cession correspondant à ses droits que le bénéficiaire destine au remploi à l'acquisition ou la construction d'un logement affecté à sa résidence principale ; - le montant de la plus-value exonérée (...) ". Ainsi, dès lors que l'acte qui constatait la cession à titre onéreux du logement au titre de laquelle le bénéfice de l'exonération prévue par le 1° bis du II de l'article 150 du code général des impôts est demandé ne comportait pas les mentions exigées, M. et Mme B... ne sont, en tout état de cause, pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la mesure de tempérament prévue par l'instruction référencée BOI-RFPI-PVI-10-40-30, l'ensemble des conditions requises pour bénéficier de cette mesure n'étant pas rempli.

11. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la plus-value en litige a été imposée à l'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 150 U du code général des impôts, à la taxe sur les plus-values élevées prévue à l'article 1609 nonies G du même code et aux prélèvements sociaux applicables aux revenus du patrimoine.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

13. Compte tenu de la chronologie des faits rappelés au point 6, M. B..., par ailleurs gérant de sociétés exerçant une activité dans le domaine de l'immobilier, ne pouvait pas ignorer que le lot 33 de l'immeuble en litige ne constituait pas sa résidence principale à la date de sa cession. Il était ainsi manifeste que la plus-value alors dégagée ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue par le 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts. Au demeurant, l'acte de vente du

1er août 2013 précisait que le notaire du contribuable a " particulièrement attiré son attention sur le fait qu'au regard des critères d'exonération des plus-values, les biens sont susceptibles de ne pas être considérés comme la résidence principale de M. A... B... " et que " le vendeur, connaissance prise de ces éléments, a requis le notaire soussigné de régulariser l'acte de vente en sollicitant une exonération de plus-values " correspondant à celles applicables pour la seule cession d'une résidence principale. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve qui lui incombe que M. B... a délibérément manqué à ses obligations déclaratives et, par suite, du bien-fondé de l'application de la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leurs conclusions aux fins d'annulation de ce jugement, de réduction des impositions et de décharge des pénalités doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 septembre 2021.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 19PA04162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04162
Date de la décision : 22/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : BERSAY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-22;19pa04162 ?
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