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15/09/2021 | FRANCE | N°21PA00142

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 15 septembre 2021, 21PA00142


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2018436 du 2 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 janvier 2021 et 25 mai 2021, M. C..., représenté p

ar Me Coulibaly, doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 201843...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2018436 du 2 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 janvier 2021 et 25 mai 2021, M. C..., représenté par Me Coulibaly, doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2018436 du 2 décembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 29 octobre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés par lui et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché de défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un courrier du 3 juin 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer sur la requête, dans la mesure où l'arrêté de transfert du 29 octobre 2020 n'est plus susceptible d'exécution à l'expiration d'un délai de six mois ayant couru à compter de la notification du jugement du 2 décembre 2020 au préfet de police.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il y a lieu de statuer sur la requête, dès lors que M. C... a été remis aux autorités allemandes le 9 avril 2021, soit avant l'expiration du délai de six mois ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 7 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant pakistanais né le 14 décembre 1982 selon ses déclarations, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 16 septembre 2020. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé a présenté une demande d'asile auprès des autorités allemandes, les 22 mai 2016 et 9 octobre 2019. Le préfet de police leur a adressé une demande de reprise en charge de M. C... le 23 septembre 2020, que les autorités allemandes ont acceptée le 28 septembre 2020 sur le fondement du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de police a alors décidé, par l'arrêté contesté du 29 octobre 2020, de remettre M. C... aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile. M. C... relève appel du jugement du 2 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article

L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article

L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

4. En l'espèce, l'arrêté contesté comporte les mentions des textes applicables, notamment la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté contesté mentionne également les éléments de fait pertinents relatifs à la situation de M. C.... Il précise qu'il est entré sur le territoire français et qu'il a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 16 septembre 2020. Il mentionne que la consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé a demandé l'asile auprès des autorités allemandes les 22 mai 2016 et 9 octobre 2019. Il précise également que le préfet de police a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge de l'intéressé le 23 septembre 2020, qu'elles ont acceptée le 28 septembre 2020 sur le fondement du d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces éléments permettent à l'intéressé de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de police pour déterminer que l'Allemagne était responsable de l'examen de sa demande d'asile. L'arrêté contesté indique également qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles

3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Enfin, il relève que l'intéressé ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France et qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté du 29 octobre 2020 du préfet de police, ni des pièces du dossier, que l'arrêté serait entaché d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. C....

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

7. Si M. C... soutient qu'il souhaiterait se marier avec une ressortissante française avec laquelle il dit partager une communauté de vie, il n'assortit ses allégations d'aucun élément permettant d'apprécier l'ancienneté et la stabilité de cette relation ou même l'existence d'une communauté de vie effective, qui, à supposer même qu'elle soit établie, ne pourrait qu'être récente eu égard à la date du dernier relevé des empreintes digitales de M. C... par les autorités allemandes. Dans ces conditions, et en tout Etat de cause, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe par en vertu des critères fixés par le présent règlement ".

9. M. C... soutient qu'en cas de remise aux autorités allemandes il craint d'être renvoyé au Pakistan, où il risquerait de subir des traitements inhumains ou dégradants, dès lors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par les autorités allemandes. Toutefois, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet de renvoyer M. C... au Pakistan, mais seulement de prononcer son transfert aux autorités allemandes. L'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités allemandes, qui ont explicitement accepté la reprise en charge de M. C... le 28 septembre 2020, n'évalueront pas, avant de procéder à son éventuel éloignement, les risques auxquels il serait soumis en cas de retour au Pakistan. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la demande d'asile de l'intéressé n'aurait pas été traitée en Allemagne dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ou qu'il existerait des défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile. Dès lors, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'a pas entaché l'arrêté contesté d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 29 octobre 2020. Ses conclusions à fins d'annulation doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 septembre 2021.

La rapporteure,

I. B...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 21PA00142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00142
Date de la décision : 15/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. - Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : COULIBALY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-15;21pa00142 ?
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