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15/07/2021 | FRANCE | N°20PA02436

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 15 juillet 2021, 20PA02436


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle été assujettie au titre des années 2010 et 2011, pour un montant total de 93 143 euros.

Par un jugement n° 1814471/1-2 du 23 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris l'a déchargée de la majoration de 80 % prévue au c) de l'article 1728 du code général des impôts et rejeté le surplus des conclusions de sa demand

e.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 août...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle été assujettie au titre des années 2010 et 2011, pour un montant total de 93 143 euros.

Par un jugement n° 1814471/1-2 du 23 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris l'a déchargée de la majoration de 80 % prévue au c) de l'article 1728 du code général des impôts et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 août 2020 et le 21 mai 2021, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1814471/1-2 du 23 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

3°) de mettre la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de taxation d'office n'est pas applicable en raison des déclarations opérées en son nom à l'Association pour la Gestion de la Sécurité Sociale des Auteurs d'oeuvres cinématographiques, musicales, photographiques et télévisuelles (AGESSA) ;

- ses revenus en tant qu'auteur étaient déclarés par la SAS Lever de Rideau et sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires, ainsi qu'il résulte de l'instruction 5 G-1-99 n° 6 du 3 mars 1999 ;

- elle est fondée à se prévaloir du paragraphe n° 30 de l'instruction administrative publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-BNC-SECT-20-10-20 ;

- l'exercice d'une activité occulte n'est pas établi.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 novembre 2020 et 17 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la substitution à la majoration dégrevée de la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- Mme A... s'est abstenue de toute déclaration des droits d'auteur perçus.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SAS Lever de Rideau, qui a révélé des versements à Mme A..., auteur de scénarii, l'administration a opéré un contrôle sur pièces des revenus de cette dernière au titre des années 2010 et 2011. Elle a notifié à l'intéressée des rectifications par proposition en date du 15 décembre 2012, selon la procédure de taxation d'office en l'absence de déclaration contrôlée, et lui a infligé la pénalité de 80 % pour exercice d'une activité occulte, sur le fondement du c) de l'article 1728 du code général des impôts. Par un jugement n° 1814471/1-2 du 23 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a seulement déchargé Mme A... de cette majoration. La contribuable relève appel de ce jugement en tant qu'il a maintenu, en droits, les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie, cependant que l'Etat demande la substitution à la pénalité déchargée de la pénalité pour défaut de déclaration prévue à l'article 1758 A du même code.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. D'une part, en vertu des dispositions de l'article 92 du code général des impôts, sont considérés comme bénéfices non commerciaux tous revenus provenant d'une activité non commerciale, des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes activités ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus, notamment les produits de droits d'auteurs perçus par les écrivains ou compositeurs. Et en vertu des dispositions de l'article 93-1 quater du même code, tant dans sa version applicable à l'année 2010 que dans sa version applicable à l'année 2011, les produits de droits d'auteur perçus notamment par les écrivains sont, sans préjudice de l'article 100 bis, soumis à l'impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires, lorsqu'ils sont intégralement déclarés par les tiers.

3. D'autre part, les contribuables qui réalisent ou perçoivent des bénéfices ou revenus visés à l'article 92 sont obligatoirement soumis au régime de la déclaration contrôlée, lorsque le montant annuel de leurs recettes excède 32 100 euros en application du I de l'article 96 du code général des impôts dans sa version en vigueur jusqu'au 11 juin 2011, et 32 600 euros dans la version de cet article à partir du 12 juin 2011. Aux termes de l'article 97 du même code : " Les contribuables soumis obligatoirement ou sur option au régime de la déclaration contrôlée sont tenus de souscrire chaque année, dans des conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, à une déclaration dont le contenu est fixé par décret ". A défaut, leurs bénéfices peuvent être évalués d'office, sur le fondement de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, et sans mise en demeure préalable, lorsqu'ils ne se sont pas fait connaitre au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal du commerce, en application du 3° de l'article L. 68 du même livre.

4. Il résulte de l'instruction que Mme A... ne conteste pas avoir perçu de la SAS Lever de Rideau des droits d'auteur pour un montant de 41 235 euros hors taxes au titre de l'année 2010 et de 131 593 euros hors taxes au titre de l'année 2011. Dans ces conditions, elle était, au titre de ces droits, soumise au régime de la déclaration contrôlée mentionnée au paragraphe précédent. Afin de justifier du caractère officiel de ces revenus, elle produit quelques notes de droit d'auteur émis à l'adresse de la société, avec mention d'une taxe sur la valeur ajoutée à 5,5 % mais sans aucun numéro SIREN. Pour établir la déclaration par ce tiers de ses droits d'auteur, elle produit un courrier en date du 22 juillet 2011 de l'Association pour la Gestion de la Sécurité Sociale des Auteurs d'oeuvres cinématographiques, musicales, photographiques et télévisuelles (AGESSA), laquelle indique avoir reçu, pour l'année 2010, une déclaration d'un ou plusieurs diffuseurs de ses oeuvres attestant que la contribuable avait perçu des revenus de son activité d'auteur. Toutefois ce courrier ne mentionne pas la SAS Lever de Rideau, et son auteur s'étonne de l'absence de toute déclaration de revenus en 2010 de la part de Mme A.... Par ces seules pièces, elle n'établit ni n'allègue la déclaration contrôlée par des tiers à l'administration de l'intégralité de ses bénéfices non commerciaux, eu égard au montant des rémunérations qu'elle a perçues au cours des années en litige. Par suite, l'administration était fondée à lui refuser le bénéfice des dispositions précitées de l'article 93-1 quater du code général des impôts, dans ses deux versions applicables aux années d'imposition en litige, à évaluer d'office, sur le fondement de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, ses revenus, et à imposer les revenus en question dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du même code. De plus, il est constant que Mme A... s'est abstenue de déclarer son activité d'auteur de scénarii au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Dès lors, l'administration pouvait recourir à cette procédure de taxation d'office sans mise en demeure préalable. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de taxation employée par l'administration doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Les dispositions de l'article 93-1 quater du code général des impôts n'ont ni pour objet ni pour effet d'assimiler les revenus des oeuvres de l'esprit à des traitements et salaires. Par suite et comme il a été dit au paragraphe 4, Mme A... qui au demeurant n'établit nullement la déclaration intégrale des revenus litigieux par des tiers, aucune pièce n'établissant que les déclarations soumises à la Cour le jour de la clôture de l'instruction ont été reçues par l'administration en temps utile, ne saurait se prévaloir de ces dispositions pour contester les impositions établies sur le fondement de l'article 92 du même code.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

6. Pour combattre les impositions en litige, Mme A... invoque en vain, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe n° 30 de l'instruction administrative publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence BOI-BNC-SECT-20-10-20, qui se borne à confirmer l'extension de la qualification et du régime fiscal des écrivains et compositeurs aux auteurs de scenarii, dès lors qu'elle n'a pu rapporter la preuve de la déclaration intégrale par des tiers des revenus versés.

7. Pour le même motif, elle ne saurait utilement invoquer, sur le même fondement, le paragraphe n° 37 de l'instruction du 3 mars 1999, référencée 5 G-1-99, reprise sous la référence BOI-BNC-SECT-20-10-40, qui prévoit qu'en ce qui concerne la déclaration des droits par le débiteur ou la partie versante, il appartient au service des impôts de s'assurer que l'obligation légale est effectivement et exactement remplie.

Sur les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue ".

9. Si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de sa demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée. En l'espèce, au vu de la proposition de rectification du 5 décembre 2012, l'application de la pénalité prévue par l'article 1758 A du code général des impôts est en rapport direct avec les droits éludés, se rattache aux années en litige, n'entraine pas un dépassement du quantum du litige et est justifiée par le défaut de souscription des déclarations devant être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu. L'administration expose que cette seule omission, quelle qu'en soit la cause, justifie l'application de la majoration moindre instituée par l'article 1758 A du même code. L'administration est donc recevable et fondée à demander la substitution de cette majoration à celle prévue au c de l'article 1728 de ce code déchargée par les premiers juges.

10. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie, d'autre part, que l'administration est fondée à demander la substitution de la majoration instituée par l'article 1758 A du code général des impôts à la majoration déchargée, et la réformation du jugement dans cette mesure.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie principalement perdante dans ce litige, soit condamné à verser à Mme A... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans le dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les pénalités infligées à Mme A... sont rétablies à concurrence du montant résultant de l'application de l'article 1758 A du livre des procédures fiscales.

Article 3 : Le jugement n° 1814471/1-2 du Tribunal administratif de Paris en date du 23 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2021.

Le rapporteur,

J. E. B... Le président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 20PA02436 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02436
Date de la décision : 15/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Taxation d'office. Pour défaut ou insuffisance de déclaration.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CABINET CLEACH AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-15;20pa02436 ?
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