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15/07/2021 | FRANCE | N°20PA01992

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 15 juillet 2021, 20PA01992


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 à 2013 ainsi que de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 à 2014.

Par un jugement n° 1810620/1-1 du 3 juin 2020, le Tribunal administra

tif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 à 2013 ainsi que de l'amende qui leur a été infligée sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 à 2014.

Par un jugement n° 1810620/1-1 du 3 juin 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1810620/1-1 du 3 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de cette amende ;

3°) de mettre la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ne disposaient pas, en France, de leur domicile fiscal au cours des années 2005 et suivantes ;

- l'examen de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet au titre des années 2008 et 2009 s'est étendu sur une durée supérieure à un an, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a fondé les rehaussements en litige sur des fichiers informatiques dérobés par un ancien employé de la HSBC Private Bank, documents obtenus dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par la Cour de Cassation ;

- ces rehaussements ont également été communiqués par l'autorité judiciaire au stade de l'enquête préliminaire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a modifié ces documents, altérant ainsi leur valeur probatoire ;

- elle a méconnu le droit reconnu aux justiciables, sur le fondement de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de ne pas participer à leur propre incrimination.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Constitution et notamment son préambule ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une demande d'entraide judiciaire présentée par les autorités suisses, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, à une perquisition au domicile de M. F., ancien informaticien de la filiale genevoise de la HSBC Private Bank, lequel était soupçonné d'avoir dérobé des données de la " base clients " de cette banque. Sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, l'autorité judiciaire a communiqué les données ainsi saisies à l'administration, les 9 juillet 2009, 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010. Après avoir analysé les fichiers saisis et retranscrit les éléments d'informations qu'ils contenaient dans des synthèses individuelles, l'administration a estimé qu'il existait une présomption que M. et Mme C..., titulaires d'un compte ouvert dans la filiale en question, soient détenteurs d'avoirs non déclarés à l'étranger. Sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, elle a porté plainte contre les intéressés, le 21 décembre 2011, pour soustraction frauduleuse à l'établissement et au paiement d'une partie de leurs impôts entre 2006 et 2013. Ensuite, sur le fondement des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, l'administration a exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, le 11 décembre 2013, afin de consulter les pièces de la procédure judiciaire visant M. et Mme C... et d'en prendre copie.

2. Au regard des informations obtenues, l'administration a procédé au contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme C..., leur adressant dans ce cadre des demandes d'éclaircissements et de justifications demeurées vaines. Elle a donc mis en oeuvre la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales et déterminé le montant des revenus d'avoirs détenus par les intéressés dans les comptes de la filiale genevoise de la banque britannique, au titre des années 2006 à 2013, selon les modalités fixées par l'article 151 du code général des impôts. En conséquence, M. et Mme C... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de l'intérêt de retard et des majorations pour manoeuvres frauduleuses prévues par le c) de l'article 1729 du code général des impôts. L'administration leur a également infligé les amendes proportionnelles de 5 % pour défaut de déclaration de comptes bancaires ouverts à l'étranger, prévues par le deuxième alinéa du IV de l'article 1736 du code général des impôts. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 14 avril 2020, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, des majorations correspondantes, ainsi que de l'amende mentionnée ci-dessus.

Sur l'imposition en France de M. et Mme C... :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 B du code général des impôts : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. ".

4. Pour réfuter la qualité de résidents fiscaux français au titre des années d'imposition en litige, les requérants soutiennent qu'ils sont séparés de fait depuis 1992, M. C... s'étant installé en Afrique et Mme C... ayant déménagé en Israël. S'ils se prévalent à cet effet de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 15 décembre 2016, ordonnant l'expulsion de M. C... de son appartement situé 10, boulevard Exelmans, ils n'ont pas communiqué de changement d'adresse à l'administration fiscale. Si le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 24 janvier 2019 les déclarant coupables de soustraction frauduleuse à l'impôt mentionne que le requérant demeurait 22, avenue de Versailles, il spécifie aussi que son épouse demeure toujours 10, boulevard Exelmans. D'ailleurs, ce jugement a reconnu leur résidence fiscale en France. En outre, M. et Mme C..., qui ont mentionné une adresse en France dans leurs déclarations de revenus relatives aux années d'imposition en litige, ne fournissent aucune preuve d'imposition à l'étranger. Par suite, le moyen tiré de ce qu'ils n'étaient pas résidents fiscaux en France doit être écarté.

Sur les autres moyens de la requête :

5. L'article L. 12 du livre des procédures fiscales dispose qu'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification, sous peine de nullité de l'imposition. Cette période est portée à deux ans, lorsque, dans le délai initial d'un an, les articles L. 82 C ou L. 101 du même livre ont été mis en oeuvre. En vertu des dispositions de l'article L. 49 du même livre, quand l'administration a procédé à un tel examen au regard de l'impôt sur le revenu, elle doit en porter les résultats à la connaissance du contribuable, même en l'absence de rectification. En vertu de l'article L. 50 de ce livre, lorsque l'administration a procédé à un tel examen au regard de l'impôt sur le revenu, elle ne peut plus procéder à des rectifications pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable ne lui ait fourni des éléments incomplets ou inexacts ou que l'administration n'ait dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales au titre d'une période postérieure. Enfin, en vertu des dispositions de l'article L. 188 B de ce livre, si l'administration a, dans le délai de reprise, déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une enquête judiciaire pour fraude fiscale dans les cas visés aux 1° à 3° de l'article L. 228 du même livre, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.

6. L'administration n'établit ni n'allègue avoir notifié l'absence de résultats de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, au titre des années 2008 et 2009, de M. et Mme C..., examen qui, ayant commencé le 18 octobre 2010, devait s'achever le 18 octobre 2011 et qui n'a donné lieu à aucun rehaussement. Toutefois, il est constant qu'elle a, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales en date du 16 décembre 2011, déposé plainte pour fraude fiscale, sur le fondement des articles 1741 du code général des impôts et L. 228 du livre des procédures fiscales, auprès du Tribunal de grande instance de Paris et que, le 24 janvier 2019, cette juridiction a déclaré M. et Mme C... coupables de soustraction frauduleuse à l'impôt en 2008 et 2009 et les a condamnés à des peines d'emprisonnement avec sursis. Au cours de l'instance, l'administration s'est livrée à un contrôle sur pièces des années 2006 à 2013 et a fait usage le 11 décembre 2013 des articles L. 81 et L. 82 c du livre des procédures fiscales pour consulter les éléments recueillis par les services de police dans le cadre de cette plainte. Ainsi et alors que l'examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme C... n'a débouché sur aucune rectification, les rehaussements litigieux résultent de contrôles sur pièces ultérieurs, régulièrement engagés par l'administration en application des dispositions mentionnées ci-dessus. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions rappelées plus haut de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu ".

8. Il résulte de ce qui précède que les rectifications proposées à M. et Mme C... sont fondées non pas sur les données de la " base clients " dérobées à la filiale genevoise de la banque HSBC que le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nice a transmises à l'administration à la suite de la perquisition mentionnée au point 1, mais sur les pièces de la procédure judiciaire visant les requérants, après que l'administration eut porté plainte contre eux et exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire. Le moyen tiré de la méconnaissance par le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nice des dispositions de l'article L. 101 précité par la transmission d'informations à l'administration au seul stade de l'enquête préliminaire est donc sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Par suite, il ne peut qu'être écarté.

9. De même, la circonstance que l'administration fiscale, avant de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'elle tient du titre II du livre des procédures fiscales pour procéder au contrôle de la situation fiscale d'un contribuable, ait disposé d'informations le concernant issues de documents obtenus de manière frauduleuse par un tiers est, par elle-même, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition. Par suite, M. et Mme C... ne sauraient reprocher à l'administration d'avoir fondé les rectifications en litige sur des documents issus d'un vol de données informatiques. Ainsi, le moyen tiré de l'obtention illégale des données à l'origine des rectifications contestées ne peut qu'être écarté.

10. Il découle des dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que l'administration n'est pas fondée à se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge compétent. En l'espèce, l'exercice du droit de communication mentionné au paragraphe 4 ne saurait être qualifié de transmission dans des conditions déclarées ultérieurement illicites par le juge compétent. D'ailleurs, le juge pénal a constaté l'authenticité de ces données et leur intégrité. Par suite, le moyen tiré de l'origine illicite des documents ayant servi de bases aux impositions litigieuses manque en fait.

11. En vertu des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne saurait être contraint à participer à sa propre incrimination. Toutefois, contrairement à ce que M. et Mme C... soutiennent, la demande de justifications ainsi que la mise en demeure qui leur ont été adressées sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, et qui portaient sur les avoirs détenus en Suisse, ne révèlent pas une contrainte ou une pression grave exercée sur les intéressés pour obtenir la révélation de faits qui les incrimineraient. Le moyen tiré de la pression exercée sur eux pour participer à leur propre incrimination doit, en tout état de cause, être écarté.

12. Il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus au point 9 du jugement attaqué le moyen tiré de la falsification par les autorités françaises des données utilisées pour fonder les impositions en litige.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2021.

Le rapporteur,

J. E. B... Le président

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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