Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) V Pierres Promotion a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et en 2013.
Par un jugement n° 1621937/1-3 du 13 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 avril 2019 et le 27 avril 2021, la SARL V Pierres Promotion, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1621937/1-3 du 13 février 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a requalifié à tort les provisions pour pertes relatives à des programmes de développement et, à titre subsidiaire, rejeté leur déduction à titre de provision pour charges ;
- les provisions pour perte liée au dépôt de permis de construire pour lots invendus sont suffisamment justifiées par l'échec du programme de la Cobrière, connu à la clôture de l'exercice 2012 ;
- le coût en personnel mobilisé par la levée des réserves, leur suivi, celui des litiges ultérieurs n'étant pas couvert par l'assurance décennale, elle était fondée à constituer des provisions pour risques à venir et décennale à raison de 18 000 euros en 2012 et 13 500 euros en 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL V Pierres Promotion commercialise et viabilise des terrains à construire, et des immeubles dans la région parisienne. À la suite d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos en 2012 et 2013, l'administration lui a notifié le 30 juillet 2015 divers rehaussements, résultant principalement de la réintégration des provisions pour des montants de 104 000 euros au titre de l'exercice clos en 2012, et 358 0000 euros au titre de celui en 2013, que l'intéressée a refusés. Par jugement du 13 février 2019 dont la société relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration de ces provisions.
2. Aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : / [...] 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables ". Une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges.
3. En premier lieu, l'administration a rejeté la déduction de provisions pour perte relatives à des " programmes de développement " d'opérations commerciales, impliquant le versement par la société d'honoraires d'architecte et d'apporteur d'affaires, à hauteur de 46 000 euros au titre de l'année 2012 et de 335 000 euros au titre de l'année 2013, dès l'envoi au propriétaire du terrain d'une offre. Toutefois cette offre est distincte de la signature d'une promesse de vente et n'entraîne donc ni l'achat d'un terrain, qui n'a d'ailleurs pas été constaté au cours des exercices litigieux, ni le dépôt du permis de construire. De plus, il résulte de l'instruction que les contrats d'honoraires d'architecte et d'apporteur d'affaires sont résiliés de plein droit au cas où la SARL V Pierres Promotion abandonnerait le projet, notamment en cas de refus de permis de construire ou de dépassement des charges prévues. Enfin, en se bornant à évoquer les " données de l'expérience ", la société ne dresse pas un bilan prévisionnel, par comparaison avec des opérations suffisamment homogènes, par le rapport entre les recettes escomptées et les coûts à supporter. Il s'ensuit qu'à la clôture de l'exercice de constitution de ces provisions, la probabilité d'une perte n'est pas établie. Il faut pour cela un contrat susceptible de donner lieu à recettes à terme et un montant résultant du dépassement probable des recettes escomptées par les coûts supportés, donc une perte et non un manque à gagner. La requérante n'est donc pas fondée à estimer injustifiée la requalification de provisions pour charges de ces provisions dites pour perte. A cet égard et indépendamment de l'absence de comptabilisation de produits au cours des exercices clos, où ont été constituées ces provisions, les charges en question n'apparaissent pas, pour les motifs qui viennent d'être exposés plus haut, d'une probabilité suffisante. Par suite, le moyen tiré du rejet erroné de la déduction de ces provisions relatives à des programmes de développement ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la SARL V Pierres Promotion a acquis en 2008 des terrains à la Corbrière en vue de leur mise en vente après viabilisation. Ces terrains n'ayant pas trouvé preneurs en 2012 malgré une réduction de prix, la requérante a alors décidé de procéder à une vente en l'état futur d'achèvement d'immeubles. En raison des frais découlant du dépôt de demandes de permis de construire, et d'une baisse de sa marge de 14 % évalués par un cabinet d'architectes par rapport à celle qu'elle escomptait de la vente des terrains nus, elle a constitué des provisions d'un montant total de 40 000 euros en 2012 et 10 000 euros en 2013. Toutefois, ce faisant, elle n'établit pas que soient réunies les conditions rappelées au paragraphe précédent pour la constitution d'une provision pour perte, à une date où n'était probable qu'un simple manque à gagner résultant des charges supplémentaires liées au permis de construire. Par suite, le moyen tiré du rejet injustifié des provisions pour pertes liées au dépôt de demandes de permis de construire des lots invendus au cours des exercices litigieux, doit être écarté.
5. En troisième lieu, la SARL V Pierres Promotion soutient, à l'appui des provisions pour risques à venir et décennale, d'un montant de 18 000 euros en 2012 et 13 500 euros en 2013, qu'elles sont destinées à anticiper le coût en personnel mobilisé par la levée des réserves, leur suivi, et celui de litiges ultérieurs, coût qui ne pourrait être pris en charge complètement par une assurance, dont la souscription est rendue obligatoire par l'article L. 241-1 du code des assurances. A supposer que la requérante établisse avoir exposé de tels frais non couverts par cette assurance au cours des années en litige, les charges de personnel et de structures faisant l'objet de provision en cause ne pouvaient être regardées comme probables à la date de constitution de la provision, dès lors que, correspondant à l'exécution du contrat de travail déjà signé, notamment de M. B..., leur engagement est indépendant de la survenance de litiges liés à la garantie décennale au cours des exercices suivants. Ainsi le moyen tiré du caractère infondé de ces provisions ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL V Pierres Promotion n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL V Pierres Promotion est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL V Pierres Promotion et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Segretain, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juillet 2021.
Le rapporteur,
J. E. A... Le président de chambre
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01305