Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 février 2018 l'affectant, dans l'intérêt du service, à la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé de la ville de Paris et d'enjoindre à la ville de Paris de l'affecter dans un autre emploi, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1814825 du 9 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 septembre 2020 et 16 juin 2021, M. A..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande comme irrecevable ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2018 l'affectant à la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé de la ville de Paris ;
3°) d'enjoindre à la ville de Paris de l'affecter dans un emploi correspondant à son grade dans le délai d'un mois courant à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il rejette comme irrecevable sa demande contre l'arrêté du 9 février 2018, qualifié à tort de mesure d'ordre intérieur ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, car le poste de rédacteur à la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé ne correspond pas à son grade mais à celui d'adjoint administratif, et cette affectation s'est traduite par une baisse de son régime de primes et d'indemnités et une dégradation de ses conditions de travail ;
- la décision attaquée révèle une discrimination à son égard de la part de la ville de Paris au sens de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983, compte tenu de son handicap, et constitue une sanction disciplinaire déguisée.
Par un mémoire en défense enregistré, le 24 décembre 2020, la ville de Paris, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,
- et les observations de Me F... pour M. A..., celles de Me D..., pour la ville de Paris, et celles de M. A....
Une note en délibéré a été enregistrée le 29 juin 2021, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été titularisé, le 5 février 2004, dans le grade de secrétaire administratif de la ville de Paris. A compter du 1er janvier 2006, il a été affecté sur un poste de rédacteur juridique au bureau du droit privé de la direction des affaires juridiques. A la suite de divers manquements professionnels constatés dans le courant de l'année 2013, il s'est vu infliger un blâme en novembre 2013. Après avoir engagé une nouvelle procédure disciplinaire pour de nouveaux manquements similaires à ceux sanctionnés en 2013, la maire de Paris lui a infligé la sanction de déplacement d'office par un arrêté du 20 juillet 2015. La ville de Paris l'a ensuite affecté, par un arrêté du 31 août 2015, à la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé, à compter du 1er septembre 2015. Le Tribunal administratif de Paris, par un jugement n° 1515839 du 8 juin 2017, a prononcé l'annulation de cette sanction de déplacement d'office. Par un arrêté du 9 février 2018, la maire de Paris a décidé de le réaffecter dans l'intérêt du service dans cette même direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé. Par un jugement du 9 juillet 2020, dont M. A... fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision d'affectation dans l'intérêt du service à la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé.
2. Une mutation ou un changement d'affectation prononcé dans l'intérêt du service revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné, et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.
3. Il ressort des pièces du dossier que le Tribunal administratif de Paris a, par son précédent jugement du 8 juin 2017, annulé la sanction de déplacement d'office prononcée à l'encontre de M. A..., au motif que le conseil de discipline réuni le 8 juillet 2015 n'avait pas examiné la demande de report présentée par M. A..., alors que ce dernier faisait état de ce que le diagnostic définitif de ses troubles de l'autisme était sur le point d'être établi et que sa demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé était en cours d'examen. Il ressort, par ailleurs, de la fiche du poste de rédacteur au sein du pôle communication de la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé, auquel M. A... a été affecté par l'arrêté attaqué, que les missions correspondant à ce poste comprennent l'instruction des demandes de communication de dossiers émanant de bénéficiaires et d'anciens bénéficiaires du service d'aide sociale à l'enfance au regard de la règlementation en vigueur relative au droit à la connaissance de ses origines, en lien avec les services de l'aide sociale à l'enfance, le bureau des adoptions, les archives départementales et le conseil national d'accès aux origines.
4. M. A... soutient, sans être contredit par la ville de Paris, que les tâches qui lui ont réellement été confiées, à la suite de l'arrêté de changement d'affectation attaqué, ont consisté à recopier des modèles-types de lettres administratives courantes, en réponse aux demandes de tutelles des mineurs, et à adresser des bordereaux de notification aux secteurs des arrêts en matière d'assistance éducative. Il ajoute sans davantage être contredit par la ville de Paris qu'il s'est trouvé isolé à la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé, n'ayant plus aucune relation professionnelle avec ses collègues et les autres services de la ville de Paris. En dernier lieu, il affirme, sans que la ville de Paris ne contredise ses affirmations, que cette affectation s'est traduite par une baisse de ses responsabilités et de son régime de primes et d'indemnités à hauteur d'une somme d'environ 3 800 euros.
5. Ainsi, si l'arrêté attaqué affecte formellement M. A... sur un emploi correspondant à son grade, il résulte de la situation administrative réelle de M. A..., non contestée par la ville de Paris, une dégradation objective de ses conditions de travail et une perte de rémunération conséquente, alors que le requérant n'a, en réalité, pas été affecté sur un poste correspondant à son grade et tenant compte de son handicap reconnu par la Maison départementale des personnes handicapés dès le 25 juin 2015. Le requérant est donc fondé à soutenir que la ville de Paris a entendu, par l'arrêté attaqué, en réalité de nouveau le sanctionner en raison de ses manquements professionnels passés, sans prendre en compte le trouble du spectre autistique de type syndrome d'Asperger dont il est atteint.
6. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, ni les autres moyens soulevés par le requérant, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 9 février 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. /La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
8. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté attaqué implique nécessairement que la ville de Paris affecte M. A... sur un poste aménagé tenant compte de son handicap et dans un emploi correspondant à son grade. Il y a lieu d'enjoindre à la ville de Paris de procéder à cette affectation, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la ville de Paris demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 9 février 2018 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la ville de Paris d'affecter M. A... sur un poste aménagé tenant compte de son handicap et dans un emploi correspondant à son grade dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : La ville de Paris versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme B..., premier conseiller,
- M. Sibilli, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juillet 2021.
Le rapporteur,
I. B...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au Préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02626