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08/07/2021 | FRANCE | N°20PA01781

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 08 juillet 2021, 20PA01781


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 26 novembre 2018 par laquelle la préfète de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son conjoint, M. B... D....

Par un jugement n° 1903445 du 6 février 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2020, Mme C... D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :>
1°) d'annuler le jugement du 6 février 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 26 novembre 2018 par laquelle la préfète de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son conjoint, M. B... D....

Par un jugement n° 1903445 du 6 février 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2020, Mme C... D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 février 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler la décision de la préfète de Seine-et-Marne du 26 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de faire droit à sa demande de regroupement familial ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à son avocat, Me E..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la famille D....

Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2021, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par Mme C... D... ne sont pas fondés.

Mme C... D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris en date du 26 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2015-1688 du 17 décembre 2015 ;

- le décret n° 2016-1818 du 22 décembre 2016 ;

- le décret n° 2017-1719 du 20 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante sénégalaise, née en 1985, est entrée en France en 2001. Elle est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 27 mai 2024. Le 7 mars 2009, elle a épousé son compatriote, M. B... D..., au Sénégal. Deux enfants sont nés de cette union en 2012 et en 2016. Le 16 octobre 2017, Mme C... D... a demandé l'introduction en France de son époux au titre du regroupement familial. Le maire de Villeneuve-Saint-Denis, où réside Mme C... D..., ainsi que l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), ont émis des avis défavorables, au motif que l'intéressée ne justifiait pas de ressources suffisantes. Par une décision du 26 novembre 2018, la préfète de SeineetMarne a rejeté la demande de regroupement familial présentée par Mme C... D... au bénéfice de son conjoint. Mme C... D... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de regroupement familial.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la légalité externe :

2. La décision attaquée, qui vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile et indique être fondée sur l'insuffisance du montant et de la stabilité des ressources de la requérante, contient les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur la légalité interne :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / (...) - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période. Toutefois, il est toujours loisible au préfet de prendre compte une augmentation des ressources du demandeur qui serait intervenue postérieurement à cette période de référence. Au cours de la période de 12 mois précédant la date de la demande de regroupement familial, soit le 16 octobre 2017, la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance, majorée d'un dixième, s'élevait à 1 644,99 euros.

5. Il ressort des termes de la décision contestée que, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par Mme C... D..., la préfète de Seine-et-Marne s'est fondée sur la circonstance que le revenu brut mensuel moyen calculé sur les douze mois précédant le dépôt de la demande de l'intéressée, qui devait alimenter le budget d'une famille de quatre personnes composée des époux et de leurs deux enfants, s'élevait à 1 443 euros et était ainsi inférieur au salaire minimum de croissance majoré d'un dixième. Si Mme C... D... soutient que la décision contestée méconnaît les dispositions précitées dans la mesure où elle travaille depuis 2010, les bulletins de salaires qu'elle produit ne permettent pas de remettre en cause le calcul de ses ressources effectué par l'administration pour la période de douze mois précédant le 16 octobre 2017, date du dépôt de la demande de l'intéressée, ni davantage pour la période postérieure au 16 octobre 2017 en l'absence d'augmentation des revenus de Mme C... D.... Par ailleurs, si Mme D... entend désormais se prévaloir d'une formation professionnelle suivie en 2019 et d'un contrat à durée indéterminée signé en mai 2020, ces éléments - à supposer qu'ils présagent d'une augmentation de son salaire- sont en tout état de cause postérieurs à la décision contestée et ne peuvent pas avoir d'incidence sur sa légalité. Il suit que le moyen doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. D'une part, Mme C... D... soutient que la décision contestée fait obstacle à la communauté de vie avec son époux en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a épousé M. D... au Sénégal en 2009, date à laquelle elle résidait habituellement et régulièrement en France depuis près de huit ans et qu'ils n'ont donc jamais partagé de communauté de vie. Si elle soutient qu'elle se rend annuellement au Sénégal, les seuls billets d'avion qu'elle produit datent de 2019 et 2021 et sont postérieurs à la décision contestée. D'autre part, si Mme C... D... soutient que ses enfants souffrent d'être éloignés de leur père, cette allégation n'est corroborée par aucune pièce du dossier, alors que ces enfants n'ont jamais vécu avec leur père. Il n'est pas d'avantage établi que M. D..., qui ne vit pas en France, contribue à leur entretien et leur éducation, ni même qu'il ait entretenu avec eux une relation antérieurement à la décision en litige. Il suit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

8. Pour les mêmes motifs et ceux mentionnés aux points 5 et 7, Mme C... D... n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme C... D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G... C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme F..., premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juillet 2021.

Le rapporteur,

I. F...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20PA01781


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01781
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : MARAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-08;20pa01781 ?
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