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07/07/2021 | FRANCE | N°21PA02156

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 juillet 2021, 21PA02156


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 février 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2103755/8 du 24 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a admis M. A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, annulé l'arrêté du 23 février 2021, enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. A... e

t de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trois mois à c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 février 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2103755/8 du 24 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a admis M. A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, annulé l'arrêté du 23 février 2021, enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. A... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 avril 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement n° 2103755/8 du 24 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; si la brochure A n'a pas été délivrée à M. A..., il est constant qu'il avait déjà été mis en possession de l'intégralité des brochures prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, le 12 octobre 2020, soit quatre mois avant qu'il ne sollicite de nouveau l'asile en France ; M. A... a donc nécessairement eu connaissance de l'ensemble des informations contenues dans ses brochures :

- l'arrêté en litige est motivé en droit et en fait ;

- il ne méconnaît pas les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- la circonstance que les autorités hongroises et allemandes n'aient pas été saisies dans le cadre de la seconde demande d'asile déposée en France par M. A... est sans incidence dès lors que les autorités belges, qui ont, en dernier lieu, reconnu être responsables du traitement de sa demande d'asile, et ont accepté la reprise en charge de M. A..., ont mis fin au processus de détermination de l'Etat membre responsable ;

- le moyen tiré de l'erreur de droit n'est pas assorti de précision suffisante pour en apprécier le bien-fondé ;

- l'arrêté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 au motif que son renvoi en Belgique impliquerait son éloignement vers son pays d'origine où il encourrait des traitements inhumains au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2021, M. A..., représenté par Me Roman Sangue, demande à la Cour de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de rejeter la requête, d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de procéder au réexamen de sa situation administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens invoqués par le préfet de police ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée le 4 juin 2021 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 9 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bonneau-Mathelot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui indique être né le 27 octobre 1991 en Afghanistan, pays dont il revendique la nationalité, a présenté le 12 janvier 2021 une demande de protection internationale au guichet unique des demandeurs d'asile de la préfecture de police. Par un arrêté du 23 février 2021, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges, considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 24 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article 4 du règlement susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent (...) ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) ; / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) ; / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend ".

3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les personnes intéressées par ces actes d'une garantie. L'obligation de remise à l'intéressé du document d'information prévu par les dispositions citées au point du présent arrêt est constitutive d'une garantie. Par suite, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un tel moyen à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission au séjour au titre de l'asile, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision.

5. Pour annuler l'arrêté du préfet de police contesté devant lui, le tribunal a relevé que si M. A... avait sollicité l'asile en France le 12 octobre 2020 et que l'information prévue par les dispositions précitées lui avait été remise le même jour, il est constant que cette procédure avait été clôturée par le départ volontaire de l'intéressé le 20 novembre 2020 vers la Belgique au fin d'examen de sa demande d'asile, qu'il avait antérieurement déposée dans cet Etat membre de l'Union européenne. Il a précisé que, les autorités belges ayant rejeté sa demande d'asile, M. A... était retourné en France où il avait déposé une nouvelle demande de protection internationale le 12 janvier 2021 et qu'à cette occasion, si la " brochure B ", intitulée " Je suis sous procédure Dublin, qu'est-ce que cela signifie ' ", lui avait été remise et s'il avait été reçu en entretien individuel, il était constant que la " brochure A ", intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne, quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' ", et qui comporte avec la " brochure B " les informations visées au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement précité, ne lui avait pas été communiquée lors de cette nouvelle procédure. Dans ces conditions, le tribunal a estimé que le préfet de police avait entaché son arrêté d'un vice de procédure et privé M. A... B... la garantie prévue à l'article 4 du règlement.

6. Toutefois, si le préfet de police ne conteste pas que la " brochure A " n'a pas été remise à M. A... dans le cadre de sa seconde demande d'asile, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre le 12 octobre 2020, lors du dépôt de sa première demande d'asile auprès de la préfecture de police, cette " brochure A " rédigée en langue pachtou, ainsi qu'en atteste la signature apposée par l'intéressé en couverture de ce document. Alors même que le traitement de sa première demande d'asile avait été clôturée en raison de son départ volontaire vers la Belgique aux fins d'examen de la demande d'asile qu'il avait déposée antérieurement dans cet Etat membre de l'Union européenne, il avait déjà été rendu destinataire de ladite brochure trois mois avant la présentation, le 12 janvier 2021, de sa nouvelle demande d'asile, la version de cette brochure n'ayant pas été modifiée depuis lors. En outre, ainsi que le relève le préfet de police, M. A... a été informé, lors de l'entretien individuel du 12 janvier 2021, que sa demande d'asile était traitée conformément au règlement n° 604/2013 et a déclaré avoir compris la procédure engagée à son encontre. Il ne ressort d'ailleurs pas du résumé de cet entretien individuel que M. A... n'aurait pas été en mesure de présenter toute observation utile à l'examen de sa demande. Il suit de là que, dans les circonstances particulières de l'espèce, la non remise de la " brochure A " à M. A... dans le cadre de sa seconde demande d'asile, qui n'était pas susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise, n'a pas privé l'intéressé d'une garantie, M. A... ayant d'ailleurs précédemment déposé des demandes d'asile en Hongrie, en Allemagne et en Belgique. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, pour le motif susrappelé, annulé son arrêté du 23 février 2021.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

8. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée.

9. Est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comporte l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

10. L'arrêté du 23 février 2021 portant transfert de M. A... aux autorités belges vise notamment le règlement n° 604/2013 du Parlement européen du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que M. A... a présenté une première demande d'asile en France le 12 octobre 2020, que la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système " Eurodac " a révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile le 10 avril 2015 auprès des autorités hongroises, le 20 mai 2015 auprès des autorités allemandes et les 18 novembre 2015, 3 janvier 2019 et 19 juin 2020 auprès des autorités belges, que les autorités hongroises et allemandes avaient refusé de le reprendre en charge respectivement les 24 et 25 novembre 2020 au motif que la Belgique était devenue l'Etat membre responsable du traitement de sa demande d'asile, puis il expose que les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à sa situation et que les autorités belges ont été saisies le 20 novembre 2020 d'une demande de reprise en charge en application des dispositions du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'elles ont acceptée le 2 décembre 2020 sur ce fondement. Il précise que M. A... a quitté volontairement le territoire français pour retourner en Belgique, qu'il est revenu en France où il a déposé une nouvelle demande d'asile le 12 janvier 2021, que les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à sa situation et que les autorités belges ont été saisies le 9 février 2021 d'une demande de reprise en charge, qu'elles ont acceptées en application des dispositions du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. Il ressort, en outre, des mentions de l'arrêté litigieux que le préfet a examiné sa situation au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. Ainsi, l'arrêté portant transfert de M. A... aux autorités belges est suffisamment motivé. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, il ressort du compte-rendu de l'entretien individuel du 12 janvier 2021 que M. A... a signé, qu'il a été reçu à la préfecture de police, le même jour, par un agent de la préfecture. L'entretien a donc été mené par une personne qualifiée au sens de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et il ressort du résumé de cet entretien que l'intéressé, qui n'a fait état d'aucune difficulté dans la compréhension de la procédure mise en œuvre à son encontre et qui était assisté d'un interprète qualifié en langue pachtou, intervenant pour le compte de l'association ISM Interprétariat, agréée par le ministre de l'intérieur, a pu faire valoir à cette occasion toutes observations utiles. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. L'intéressé ne fait, au demeurant, état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, intégré dans le chapitre II de ce règlement intitulé " Principes généraux et garanties " : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. (...) ". Le chapitre III de ce règlement est intitulé " Critères de détermination de l'Etat responsable ". Aux termes de l'article 18 du même règlement, intégré dans le chapitre V du règlement, intitulé " Obligations de l'Etat membre responsable " : " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / (...) ; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ; / (...) ; / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre. (...) ".

13. Il résulte des dispositions des article 3 et 18 du règlement (UE) n° 604/2013 que l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale est en principe l'Etat membre qui, à l'issue de l'examen des critères énoncés au chapitre III du règlement, est désigné sur le fondement de l'article 3 paragraphe 1 ou, à défaut, en application de l'article 3 paragraphe 2, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite. Toutefois, lorsqu'un Etat membre décide, par dérogation aux règles citées ci-dessus, de ne pas faire usage des procédures applicables aux requêtes aux fins de reprise en charge définie à la section III du règlement n° 604/2013 et d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers, cet Etat devient l'Etat membre responsable de cette demande, et assume ainsi les obligations liées à cette responsabilité dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement.

14. Il ressort des pièces du dossier et notamment du relevé de consultation du fichier " Eurodac ", que M. A... a sollicité l'asile le 10 avril 2015 auprès des autorités hongroises, le 20 mai 2015 auprès des autorités allemandes, les 18 novembre 2015, 3 janvier 2019 et 19 juin 2020 auprès des autorités belges. Si la Hongrie est le premier Etat membre auprès duquel M. A... a présenté une demande d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités belges auraient, suite au dépôt de la demande d'asile de M. A... le 19 juin 2020, saisi la Hongrie, en sa qualité d'Etat membre responsable, d'une requête aux fins de reprise en charge de l'intéressé. Par suite, la Belgique est devenue l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé. Il ressort également des pièces du dossier que les autorités belges ont rejeté la demande d'asile de M. A.... Dans ces conditions, les autorités belges étaient tenues, en application du d) du 1 de l'article 18 du même règlement, de reprendre en charge M. A..., ce qu'elles ont explicitement accepté de faire le 18 février 2021. Ainsi, en désignant la Belgique comme Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile de M. A..., le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit au regard des dispositions du 2. de l'article 3 du règlement n° 604/2013. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut donc qu'être écarté.

15. En quatrième et dernier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la preuve de la demande de reprise en charge adressée par la préfecture de police aux autorités belges ainsi que celle de la réponse de ces autorités est rapportée par le préfet de police, qui a produit en première instance la copie d'un courrier électronique daté du 9 février 2021 accusant réception d'une demande formulée au moyen de l'application " Dublinet ", ainsi que la réponse explicite des autorités belges à cette demande, datée du 18 février 2021. Par suite, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 février 2021 décidant la remise aux autorités belges de M. A..., lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement et de rejeter les conclusions aux fins d'annulation, d'injonction, d'astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. A... devant ce tribunal, ainsi que ses conclusions d'appel.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2103755/8 du 24 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions aux fins d'annulation, d'injonction, d'astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris sont rejetées, ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2021.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA02156 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02156
Date de la décision : 07/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SANGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-07;21pa02156 ?
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