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06/07/2021 | FRANCE | N°20PA04214

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 06 juillet 2021, 20PA04214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2018043/8 du 25 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, en son article 1er, admis provisoirement

M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en son article 2, annulé l'arrêté du 19 octobre 2020, en son article 3, enjoint

au préfet de police de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé qu'il serait transféré aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2018043/8 du 25 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, en son article 1er, admis provisoirement

M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en son article 2, annulé l'arrêté du 19 octobre 2020, en son article 3, enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement et, en son article 4, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me B..., avocat de M. C..., sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 24 et 29 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2018043/8 du 25 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le motif d'annulation retenu par le premier juge est infondé dès lors que la décision de transfert vers un pays membre de l'Union européenne, dans le cadre du règlement " Dublin " n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner M. C... à destination de son pays d'origine et qu'il ne justifie ni même n'allègue qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile ni que les autorités allemandes n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;

- la situation de M. C..., qui a fait état d'identités différentes dans le cadre de sa demande d'asile en Allemagne puis en France, entre dans le champ du 2° du III de l'article

L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'emportait donc pas nécessairement la délivrance d'une attestation de demande d'asile en procédure normale ;

- les autres moyens soulevés par M. C... en première instance ne sont pas fondés.

Par un courrier en date du 3 juin 2021, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement en litige, dès lors qu'en application de la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat n° 420708 du 24 septembre 2018 l'arrêté de transfert du 19 octobre 2020 n'est plus susceptible d'exécution.

Par un mémoire enregistré le 21 juin 2021, le préfet de police fait valoir, en réponse à ce courrier, que le délai de six mois prévu par l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ayant expiré, la France est devenue responsable de la demande d'asile présentée par M. C..., de sorte que ses conclusions tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement ayant annulé son arrêté du 19 octobre 2020 et lui ayant enjoint de délivrer une attestation de demande d'asile sont devenues sans objet, mais que, le tribunal ayant annulé son arrêté à tort, il est fondé à maintenir ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement.

Un mémoire a été enregistré le 21 juin 2021, pour M. C... par Me B..., soit après la clôture de l'instruction.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 15 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant afghan, a présenté le 4 septembre 2020 une demande de protection internationale au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris. Par un arrêté du

19 octobre 2020, le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités allemandes. Par un jugement du 25 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... une attestation de demande d'asile et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à l'avocat de M. C..., sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le préfet de police relève appel de ce jugement.

Sur l'exception de non-lieu à statuer sur les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement :

2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) / Lorsqu'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Le président du tribunal administratif statue dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Si le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 a été interrompu par l'introduction, par M. C..., d'un recours contre l'arrêté du 19 octobre 2020, un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter de la notification au préfet de police, le 25 novembre 2020, du jugement du tribunal administratif de Paris du 25 novembre 2020. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application du paragraphe 2 de l'article 29, en raison de l'emprisonnement ou de la fuite de l'intéressé, ou que la décision de transfert aurait été exécutée à la date d'expiration de ce délai de six mois. Dès lors, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. C..., ainsi que l'admet au demeurant le préfet de police.

6. Par suite, les conclusions de la requête d'appel du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement, par lesquels le tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. C... sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation de l'article 4 du jugement :

7. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat (...) ".

8. Le non-lieu à statuer, constaté sur les conclusions de la requête d'appel du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement, ne permet pas au juge d'appel de se prononcer sur le bien-fondé de l'article 4 du même jugement, par lequel le tribunal administratif, regardant l'Etat comme la partie perdante dans l'instance qui lui était soumise, a mis à sa charge une somme de 1 000 euros sur le fondement de ces dispositions. Les conclusions du préfet de police dirigées contre ce dernier article ne peuvent donc qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2 et 3 du jugement n° 2018043/8 du 25 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de police est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... C....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme A..., première conseillère,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2021.

La rapporteure,

V. D... La présidente,

H. VINOT

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 20PA04214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04214
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ANGLADE et PAFUNDI A.A.R.P.I

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-06;20pa04214 ?
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