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06/07/2021 | FRANCE | N°20PA00843

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 06 juillet 2021, 20PA00843


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A...-B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par jugement n° 1915899/6-1 du 7 février 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A...-B... u

n titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A...-B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par jugement n° 1915899/6-1 du 7 février 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A...-B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à

M. A...-B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 mars et 24 avril 2020, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1915899/6-1 du 7 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...-B... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté en accueillant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés par M. A...-B... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2020, M. A...-B..., représenté par

Me D..., conclut :

1°) à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) à titre principal, au rejet de la requête du préfet de police et, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2019 en tant que le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de quinze euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation et de lui délivrer, pendant le temps de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à M. A...-B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ou, si l'aide juridictionnelle lui est accordée à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure car le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une décision du 9 octobre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A...-B....

Par un courrier en date du 7 juin 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de retenir le moyen d'ordre public soulevé d'office tiré de l'erreur de droit commise par les premiers juges à avoir retenu comme fondé le moyen inopérant tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'arrêté de refus de titre de séjour du 25 juin 2019 dont la délivrance a été exclusivement demandée sur le fondement de l'article L. 313-14 mention " salarié " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... A...-B..., ressortissant de nationalité marocaine, est entré en France en mars 1998 et pour la dernière fois en 2010 selon ses déclarations. Il a sollicité le 31 mai 2019 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 juin 2019, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Le préfet de police relève appel du jugement du

7 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. A...-B..., cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 9 octobre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A...-B.... En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

3. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges au point 1 du jugement contesté, M. A...-B... a sollicité le 31 mai 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile exclusivement mention " salarié " et non portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, en retenant comme fondé le moyen inopérant tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'arrêté de refus de titre de séjour du

25 juin 2019 attaqué dont la délivrance a été exclusivement demandée sur le fondement de l'article L. 313-14 mention " salarié " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du

25 juin 2019 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement, en accueillant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...-B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. A...-B... devant le tribunal :

7. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

8. Il ressort des termes de l'arrêté du 25 juin 2019 en litige que, pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité, le préfet de police s'est fondé, notamment, sur l'appréciation selon laquelle M. A...-B... ne justifie pas d'une ancienneté de dix ans de résidence sur le territoire français.

9. Cependant, il ressort des pièces du dossier que M. A...-B... a produit de très nombreuses pièces, notamment de nombreuses factures EDF entre les années 2005 et 2016, ses avis d'imposition au titre des années 2003, 2004, 2005 et 2006, 2014, 2015, 2016 et 2018 ainsi que des bulletins de salaires du 1er août 2001 au 30 septembre 2002 puis du 1er février 2003 au

31 mai 2003, puis du 1er juillet 2003 au 30 août 2004, puis du mois d'octobre 2004, puis du

1er décembre 2004 au 30 avril 2005, puis du 1er juin 2005 au 31 mars 2006, puis du 1er mai 2006 au 31 juillet 2006, puis du 1er septembre 2006 au 31 janvier 2007, puis du 1er mars 2007 au

31 mai 2007, puis pour le mois de juillet 2007 relatifs à son emploi d'aide cuisinier auprès de la SA " Relais Pont Neuf " et justifiant du domicile de M. A...-B... dans le 4ème arrondissement de Paris pour la période antérieure au mois de septembre 2015. M. A...-B... produit également des bulletins de salaires du 1er octobre 2013 au 30 avril 2015, puis du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, puis du 1er août 2016 au 31 août 2016, puis du 1er octobre 2016 au 30 juin 2018, puis du

1er septembre 2018 au 31 octobre 2018, puis du 1er décembre 2018 au 30 juin 2019 relatifs à son emploi d'aide cuisinier auprès de " La Brasserie de l'Avenue ". Il produit également de nombreux relevés bancaires et des bordereaux de versement couvrant la période de novembre 2001 à juillet 2019 comportant des mouvements de fonds et notamment pour les mois de juin, juillet, septembre et décembre 2010. M. A...-B... produit également de nombreux relevés de livret A relatifs à la période entre novembre 2011 et juillet 2019 comportant des mouvements de fonds. Il produit également de nombreux bordereaux de remise de chèques à une banque située à Paris et notamment un pour le mois d'avril 2010. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que quand bien même il aurait été brièvement absent du territoire français au cours de l'année 2010 et il a travaillé sous couvert d'une carte nationale d'identité falsifiée, M. A...-B... établit résider habituellement en France depuis au moins l'année 2001, soit depuis 18 ans à la date de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, le préfet de police ne pouvait rejeter sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sans avoir préalablement consulté la commission du titre de séjour. En l'absence de saisine de cette commission qui a privé le requérant d'une garantie, le moyen tiré du vice de procédure dont est entaché l'arrêté attaqué dès lors que le préfet de police n'a pas saisi la commission du titre de séjour en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est fondé.

10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...-B..., le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel il a refusé de faire droit à la demande de titre de séjour de M. A...-B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11 Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement que le préfet de police examine à nouveau la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par M. A...-B... et, s'il envisage de refuser un titre de séjour à l'intéressé, saisisse, pour avis, la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a lieu, d'une part, d'annuler l'article 2 du jugement n° 1915899/6-1 du

7 février 2020 du tribunal administratif de Paris enjoignant au préfet de police de délivrer à M. A...-B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, s'il envisage de lui refuser un titre de séjour, de saisir, pour avis, la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à M. A...-B... de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. A... B... tendant à être admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1915899/6-1 du 7 février 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation administrative de

M. A...-B... et, s'il envisage de lui refuser un titre de séjour, de saisir, pour avis, la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A...-B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme C..., première conseillère,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

La rapporteure,

A. C...

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00843


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00843
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DUPOURQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-06;20pa00843 ?
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