Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Mondial Gommage a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, dont le paiement lui est réclamé au titre des années 2012 et 2013 en qualité de débiteur solidaire de la SARL T3A sur le fondement de l'article 1724 quater du code général des impôts.
Par un jugement n° 1716236/1-2 du 4 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2019, la SARL Mondial Gommage, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1716236/1-2 du 4 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge de l'obligation de payer les cotisations d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, en droits et pénalités ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des pénalités mises à sa charge ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé et est entaché d'omissions à statuer ;
- elle devait être exonérée des nouvelles obligations légales compte tenu des circonstances particulières de l'espèce et des difficultés pratiques de mise en oeuvre de celles-ci immédiatement après leur entrée en vigueur, en vertu du principe de proportionnalité ;
- l'application de la solidarité de paiement constitue une méconnaissance du principe " d'égalité et de traitement devant la loi ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2011-1601 du 21 novembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Mondial Gommage est une entreprise de ravalement et de maçonnerie spécialisée notamment dans le gommage des façades d'immeuble. Sa sous-traitante, la SARL T3A, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle l'administration fiscale a dressé à son encontre le 22 juillet 2014 un procès-verbal pour délit de travail dissimulé. En application des dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts, un avis de mise en recouvrement a été notifié le 9 février 2017 à la société Mondial Gommage, en sa qualité de débiteur solidaire de la SARL T3A, lui réclamant le paiement, en droits et pénalités, d'une fraction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société T3A au titre de 2012 et 2013. La SARL Mondial Gommage fait appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer ces impositions et pénalités.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont, d'une part, indiqué les motifs de fait et de droit pour lesquels l'administration était fondée à tenir la société Mondial Gommage comme responsable solidaire au paiement des impositions dues par la société T3A en application de l'article 1724 quater du code général des impôts, sans méconnaître le principe de proportionnalité, et d'autre part écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi fiscale sur le fondement de la circulaire interministérielle du 16 novembre 2012 relative à l'attestation de vigilance, en retenant que celle-ci est dépourvue de valeur réglementaire et ne comporte aucune interprétation d'un texte fiscal. Par suite, les premiers juges, qui n'ont pas omis de statuer sur un moyen, ont suffisamment motivé leur jugement compte tenu de l'argumentation dont ils étaient saisis.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. D'une part, aux termes de l'article 1724 quater du code général des impôts : " Toute personne qui ne procède pas aux vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail ou qui a été condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé est, conformément à l'article L. 8222-2 du même code, tenue solidairement au paiement des sommes mentionnées à ce même article dans les conditions prévues à l'article L. 8222-3 du code précité. "
4. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 8222-1 du code du travail que toute personne qui conclut un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce est tenue de vérifier, lors de la conclusion de ce contrat et périodiquement jusqu'à la fin de son exécution, que son cocontractant s'acquitte de certaines obligations déclaratives et formalités exigées par la législation du travail. Aux termes de l'article L. 8222-2 du même code : " Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : / 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ; / [...] ". Enfin l'article L. 8222-3 du même code dispose que : " Les sommes dont le paiement est exigible en application de l'article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession ".
5. En premier lieu, il est constant que la société Mondial Gommage n'a pas procédé à l'ensemble des vérifications prévues à l'article L. 8222-1 du code du travail dans sa version applicable au titre des années 2012 et 2013 pour s'assurer que son cocontractant s'acquittait de certaines obligations déclaratives et formalités exigées par la législation du travail, en l'absence de justification, par elle, de l'authenticité de l'attestation de l'Urssaf de son sous-traitant qu'elle a produite lors du contrôle. Par suite, en application de l'article 1724 quater du code général des impôts, elle était tenue solidairement au paiement des sommes mentionnées à l'article L. 8222-2 du code du travail, qui n'a pas le caractère d'une sanction. A cet égard, la circonstance que la réglementation relative aux vérifications à effectuer par le donneur d'ordre ait été modifiée au 1er janvier 2012, et qu'une circulaire soit intervenue en novembre 2012 pour l'expliquer, est sans incidence sur l'obligation, pour le donneur d'ordre, de respecter ses obligations légales à la date de leur entrée en vigueur, ni sur les conséquences que l'administration devait tirer du manquement de la société Mondial Gommage, sans porter d'appréciation sur sa situation, pour la tenir responsable solidaire du paiement des impositions dues par son prestataire en application des dispositions de l'article 1724 quater du code général des impôts. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les sommes exigées par l'avis de mise en recouvrement du 9 février 2017 ont été déterminées en application d'un taux de 46,43 % en 2012 et 6,26 % en 2013, dont il est constant qu'il constituait une " due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession " au sens des dispositions de l'article L. 8222-3 du code du travail. Le moyen tiré de ce que les impositions dont le paiement lui est réclamé, ainsi déterminées, méconnaîtraient le principe de proportionnalité doit donc en tout état de cause être écarté.
6. En second lieu, si la société requérante soutient que la circulaire interministérielle du 16 novembre 2012 relative à l'attestation de vigilance, en prévoyant, pour les seuls grands donneurs d'ordres et entreprises relevant de la mutuelle sociale agricole, une mise en oeuvre progressive des outils techniques permettant d'authentifier l'attestation de sécurité sociale, méconnaîtrait le " principe d'égalité et de traitement ", elle n'établit en tout état de cause, ni même ne soutient, que le procédé auquel elle devait avoir recours pour obtenir l'authentification de l'attestation de l'URSSAF n'aurait pas été opérationnel en 2012, ni qu'elle se trouvait ainsi dans une situation similaire à celle de ces deux catégories d'entreprises. Le moyen ne peut dès lors, en tout état de cause, qu'être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Mondial Gommage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes litigieuses. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Mondial Gommage est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Mondial Gommage et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente,
- M. B..., premier conseiller,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.
Le rapporteur,
A. B...La présidente,
P. HAMON
Le greffier,
C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02405 2