Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 9 décembre 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de deux de ses enfants.
Par un jugement n° 2001846 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mars 2021, Mme E... C... épouse D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 2001846 du tribunal administratif de Montreuil du
18 décembre 2020 ;
3°) d'annuler la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 décembre 2019 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de faire droit à sa demande de regroupement familial, dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée ;
- cette décision n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- elle méconnait les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 25 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2017-1719 du 20 décembre 2017 ;
- le décret n° 2018-1173 du 19 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me A..., représentant Mme C... épouse D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse D..., de nationalité malienne et née en 1982, est entrée régulièrement en France le 10 avril 2007, accompagnée de son conjoint. Mère de trois enfants nés en France en 2008, 2010 et 2013, elle est désormais titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 2 octobre 2024. Elle a sollicité le 3 octobre 2018 le bénéfice du regroupement familial pour deux autres de ses enfants, nés le 21 septembre 2004. Par une décision du 9 décembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de faire droit à cette demande. Mme C... épouse D... relève appel du jugement du 18 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Par une décision du 25 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bobigny a accordé à Mme C... épouse D... l'aide juridictionnelle partielle. Dès lors, la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est devenue sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande. En outre, en application du décret du 20 décembre 2017 portant relèvement du salaire minimum de croissance, le montant mensuel brut du salaire minimum interprofessionnel de croissance était de 1 498,47 euros pour l'année 2018. Ce montant a été porté à 1 521,22 euros pour l'année 2019 par le décret du 19 décembre 2018 portant relèvement du salaire minimum de croissance.
6. Il ressort des termes de la décision contestée que, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par Mme C... épouse D..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance que, si les revenus perçus par le foyer de l'intéressée s'élevaient mensuellement à 1 929 euros pour les douze mois précédant la demande, ceux-ci provenaient tant d'un emploi en contrat à durée déterminée occupé par Mme C... épouse D... qui a pris fin en août 2018, que de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE). Pour autant, il ressort de l'avis d'imposition de Mme C... épouse D... et de son époux que leur revenu total mensuel soumis à impôt a été de 1 648 euros par mois (hors allocation) en 2018 et que, si un précédent contrat à durée déterminée dont était titulaire la requérante a pris fin en août 2018, celle-ci a retrouvé un nouvel emploi stable à compter du 5 août 2019 qui lui rapporte désormais en moyenne environ 1 250 euros par mois, soit un montant supérieur à celui sur lequel s'est fondé le préfet s'agissant du précédent contrat (908 euros) alors même qu'il constatait que le revenus total du foyer souscrivait au critère fixé par les dispositions susvisées. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur d'appréciation en lui refusant le bénéfice du regroupement familial en application de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que ses ressources étaient insuffisantes.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... épouse D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 décembre 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêté implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois, d'admettre Mme C... épouse D... au bénéfice du regroupement familial.
Sur les frais du litige :
9. Mme C... épouse D..., ainsi qu'il a été dit au point 3, a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me A... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de Mme C... épouse D....
Article 2 : Le jugement du 18 décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil et la décision du 9 décembre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis d'admettre les enfants de Mme C... épouse D... au bénéfice du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... épouse D..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience publique du 15 juin 2021 à laquelle siégeaient :
M. Ivan Luben, président,
Mme Marie-Dominique B..., premier conseiller,
Mme Gaëlle Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2021.
Le rapporteur,
M-D. B...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 21PA01097