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30/06/2021 | FRANCE | N°21PA00807

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 30 juin 2021, 21PA00807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2009438/5-1 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2011, et un mémoire, enregistré le 3 juin 2021, M. D..

., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2009438/5-1 du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 24 juillet 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2009438/5-1 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2011, et un mémoire, enregistré le 3 juin 2021, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2009438/5-1 du tribunal administratif de Paris du 8 octobre 2020 ;

2°) d'annuler les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français du préfet de police contenues dans l'arrêté du 24 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me C..., sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie dès lors qu'il établit résider en France depuis plus de dix ans ;

- le préfet de police a entaché sa décision d'erreur de droit en n'examinant pas sa demande de titre de séjour au regard de la convention bilatérale signée par la France et le Maroc, prévue par le décret n° 94-203 du 4 mars 1994 ;

- il n'a pas demandé un titre de séjour exclusivement en qualité de salarié ;

- c'est à tort que les premiers juges ont substitué la base légale tirée du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet à celle, erronée, des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il remplissait les conditions prévues par la " circulaire Valls " du 28 novembre 2012 dont il peut se prévaloir ;

- il justifie de sa présence en France depuis 2006, soit depuis plus de dix ans ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est parfaitement inséré dans la société française ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 14 janvier 2021

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant marocain né le 29 janvier 1965, qui serait entré en France le 25 février 2006 muni d'un visa, a sollicité le 26 octobre 2018 auprès du préfet de police son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 24 juillet 2019, le préfet de police a pris à son encontre un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter la France dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi. M. D... fait appel du jugement du 8 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de police du 24 juillet 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article

L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 313-14 sont applicables aux ressortissants marocains en tant qu'elles prévoient l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale du demandeur.

3. M. D... soutient qu'il résidait de façon ininterrompue en France depuis plus de dix années à la date de la décision attaquée. Il ressort des pièces du dossier qu'il est entré en France fin 2006 et a séjourné dans l'agglomération lilloise où il a ponctuellement travaillé en intérim, qu'il s'est ensuite rendu à Paris, en mai 2008, où il a continué à effectuer des missions d'intérim. Pour la période allant de juillet 2009 à juillet 2019, le requérant verse au dossier, pour chaque année de présence, de nombreuses pièces telles que des compte rendus de consultations médicales, des prescriptions de traitements, des courriers administratifs, des contrats de travail, des bulletins de salaire, des documents bancaires, des factures et des enveloppes de courriers qui lui ont été adressés, ainsi qu'une attestation du pôle logement du Centre d'action social protestant (CASP) faisant état de ce qu'il occupe une chambre dans un logement social, depuis le 17 décembre 2009, au 4 rue d'Aboukir dans le 2ème arrondissement de Paris. L'ensemble de ces pièces, eu égard à leur nombre et à leur nature, constitue un faisceau d'indices suffisamment probant pour justifier de la continuité de la résidence habituelle de

M. D... en France depuis plus dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le préfet de police était tenu, en vertu de L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du même code. Dès lors, M. D... est fondé à soutenir qu'en l'absence de saisine de cette commission, la décision par laquelle sa demande d'admission exceptionnelle au séjour est entachée d'un vice qui a pour effet de le priver d'une garantie, de nature à affecter la légalité de la décision de refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.

4. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement, par application des dispositions de l'article susvisé du code de justice administrative, que le préfet de police procède au réexamen de la situation administrative de M. D..., après avoir préalablement saisi la commission du titre de séjour, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 000 euros au conseil de M. D..., sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2009438/5-1 du tribunal administratif de Paris du 8 octobre 2020 et l'arrêté du préfet de police du 24 juillet 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. D..., après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience publique du 15 juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. Ivan Luben, président,

Mme Marie-Dominique B..., premier conseiller,

Mme Gaëlle Mornet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2021.

Le rapporteur,

M-D. B...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 08PA04258

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N° 21PA00807


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00807
Date de la décision : 30/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BOUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-30;21pa00807 ?
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