Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 février 2019 par lequel le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1913499/4-3 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 octobre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 septembre 2019 ;
2°) d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du préfet de police du 20 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", dans un délai de deux semaines suivant l'arrêt à intervenir ; à défaut, d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de deux semaines ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros à verser à Me D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et est entachée d'erreur de droit, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
- la décision fixant le pays de renvoi a été prise par une autorité incompétente ;
- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 21 avril 2021, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité malienne et né en 1973, qui serait entré en France le
15 octobre 2000, a sollicité le 22 mai 2018 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 19 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 20 février 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : "Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 : L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. Elle peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ".
3. La demande d'aide juridictionnelle de M. C..., qui n'est pas au nombre de celles pour lesquelles le bénéfice de la commission d'office d'un avocat a été prévue par la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991, ayant été déclarée caduque par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 21 avril 2021, faute pour l'intéressé d'avoir fourni les documents ou renseignements demandés dans le délai imparti, il n'y a pas lieu d'admettre le requérant au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
5. M. C... soutient qu'il réside sur le territoire français, à tout le moins depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté. S'il ressort, d'une part, des pièces du dossier qu'il a fait usage de fausses identités avec des noms et prénoms dont l'orthographe est peu ou prou similaire à celle de " Moby C... ", sauf pour l'intéressé à s'être déclaré comme de nationalité mauritanienne, il n'y a pas lieu, pour apprécier la condition relative à la situation effective de l'appelant sur le territoire français, de tenir compte d'une telle circonstance, dès lors qu'il est établi que, pour chacun des alias, sur plusieurs pièces produites, figurent la photographie et la signature d'un seul et même individu. Pour la période allant de 2009 à 2019, M. C... produit, d'autre part, de très nombreuses pièces sur lesquelles figurent son nom ou celui de ses alias, telles que des comptes rendus et factures afférents à des consultations médicales, des ordonnances portant les tampons des pharmacies dans lesquelles le requérant s'est procuré les traitements prescrits, des courriers de l'aide médicale d'Etat et de l'assurance maladie, des courriers et relevés bancaires faisant apparaître des mouvements nombreux et réguliers, des documents émanant de l'administration fiscale ou encore des actes d'huissiers de justice et des attestations de chargement de forfaits Navigo. L'ensemble de ces éléments, eu égard à leur nombre et à leur nature, constitue un faisceau d'indices suffisamment probant pour justifier de la continuité de la résidence habituelle de M. C... en France depuis plus dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le préfet de police était tenu, en vertu de L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du même code. Dès lors, M. C... est fondé à soutenir qu'en l'absence de saisine de cette commission, la décision par laquelle sa demande d'admission exceptionnelle au séjour a été rejetée est entachée d'un vice qui a pour effet de le priver d'une garantie, de nature à affecter la légalité de la décision de refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
8. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement, par application des dispositions de l'article susvisé, que le préfet de police procède au réexamen de la situation administrative de M. C..., après avoir préalablement saisi la commission du titre de séjour, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 000 euros au conseil de M. C..., sous réserve que Me D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La demande de M. C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire est rejetée.
Article 2 : Le jugement n°1913499/4-3 du tribunal administratif de Paris du 19 septembre 2019 et l'arrêté du préfet de police du 20 février 2019 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. C..., après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience publique du 15 juin 2021 à laquelle siégeaient :
M. Ivan Luben, président,
Mme Marie-Dominique A..., premier conseiller,
Mme Gaëlle Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2021.
Le rapporteur,
M-D. A...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 19PA03331