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24/06/2021 | FRANCE | N°20PA02978

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 24 juin 2021, 20PA02978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Meziana distribution a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er octobre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge le versement, d'une part, d'une somme de 36 200 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, d'une somme de 4 433 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue pa

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Meziana distribution a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er octobre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge le versement, d'une part, d'une somme de 36 200 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, d'une somme de 4 433 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par jugement n° 1924239/3-2 du 7 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a fixé la contribution spéciale mise à la charge de la société Meziana distribution par la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2019 à 18 100 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement à 2 216,50 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1924239/3-2 du 7 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la contribution spéciale mise à la charge de la société Meziana distribution par la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2019 et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement concernant M. G... ;

2°) de rejeter la requête de la société Meziana distribution ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la société Meziana distribution en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit dès lors que, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, la circonstance que le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, dans une affaire d'interdiction du travail dominical, n'ait pas retenu l'emploi de M. E... G... ne prive pas l'OFII de sa capacité d'infliger les contributions spéciales et forfaitaires, la matérialité des faits étant établie ;

- la matérialité des faits reprochés à la société Meziana distribution s'agissant de la présence d'une personne de nationalité indienne au sein de l'établissement qui peut être regardée comme un salarié de l'entreprise est établie contrairement à qu'ont considéré les premiers juges.

La requête a été communiquée à la société Meziana distribution qui, bien qu'informée par la Cour de l'obligation de ministère d'avocat, n'a pas produit de mémoire par avocat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Meziana distribution exploite, sous l'enseigne Franprix, un magasin de commerce alimentaire situé 9, rue Trousseau dans le 11ème arrondissement de Paris. Les agents de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile de-France ont relevé, lors des contrôles effectués au sein de l'établissement les 24 février et 1er mars 2019, la présence de deux personnes, l'une de nationalité tunisienne, l'autre de nationalité indienne, en situation de travail illégal. Par une décision du 1er octobre 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a décidé d'appliquer à la société Meziana distribution la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 36 200 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 4 433 euros. Le recours gracieux formé le 7 octobre 2019 par la société Meziana distribution contre cette décision a été rejeté par une décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 novembre 2019. La société Meziana distribution a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2019 ou, à défaut, de réduire les sommes mises à sa charge. Le tribunal administratif de Paris a, par le jugement n° 1924239/3-2 du 7 octobre 2020, fixé la contribution spéciale mise à la charge de la société Meziana distribution par la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2019 à 18 100 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement à 2 216,50 euros. L'OFII relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la contribution spéciale mise à la charge de la société Meziana distribution par la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2019 et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement concernant la personne de nationalité indienne M. G....

Sur les écritures produites en appel par la société Meziana distribution :

2. Les écritures de la société Meziana distribution, qui ont été présentées sans le ministère d'un avocat bien que l'intéressée ait été informée de l'obligation de recourir à ce ministère, doivent être écartées des débats.

Sur le bien-fondé de la sanction infligée à la société Meziana distribution concernant la personne de nationalité indienne :

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'infraction dressé suite aux contrôles effectués dans les locaux de la société Meziana distribution les dimanche 24 février et vendredi 1er mars 2019 par la Direccte d'Île-de-France que le ressortissant indien dépourvu de titre de séjour l'autorisant à travailler se trouvait au moment du contrôle dans le bureau de la direction assis derrière un bureau et qu'il était en train de manger un sandwich et qu'il a déclaré ne travailler que le dimanche de 9 heures à 21 heures pour l'approvisionnement des rayons et ceci depuis 3 mois. Par ailleurs, si M. H... D..., directeur de l'entreprise, a déclaré que l'intéressé était un proche de la famille, qu'il tourne dans les magasins, le sien ainsi que ceux de ses frères pour voir ses copains, qu'il ne travaille pas dans son magasin et qu'il était seulement venu lui montrer son nouveau récépissé de demande de droit d'asile, ses propos sont contredits par son frère M. B... D..., représentant de la personne morale de la société Meziana distribution, qui a déclaré ne pas connaître ce ressortissant de nationalité indienne. Compte tenu de ces contradictions et de la déclaration suffisamment circonstanciée de ce ressortissant indien dont il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas compris la question qui lui a été posée en langue française, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'intéressé ne pouvait être regardé comme ayant été dans une situation de travail au sein du magasin de commerce alimentaire exploité par la société Meziana distribution sous l'enseigne Franprix au moment dudit contrôle. Enfin, l'absence de ce dernier lors du second contrôle effectué le vendredi 1er mars 2019 n'est pas davantage de nature à établir qu'il n'existerait pas de relation de travail avec ladite société puisqu'il a déclaré ne travailler que le dimanche.

4. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête d'appel de l'OFII, il y a lieu de faire droit aux conclusions de l'OFII tendant à l'annulation du jugement n° 1924239/3-2 du 7 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la contribution spéciale mise à la charge de la société Meziana distribution par la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2019 et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement concernant le ressortissant indien présent dans les locaux de cette société le dimanche 24 février 2019 et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur la requête de première instance de la société Meziana distribution.

Sur les autres moyens soulevés par la société Meziana distribution s'agissant de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2019 concernant le ressortissant de nationalité indienne présent dans le bureau de la direction le 24 février 2019 :

5. En premier lieu, en l'absence d'élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de l'OFII du 1er octobre 2019, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par ces derniers au point 3 du jugement attaqué.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".

7. Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

8. Dès lors que la matérialité de la situation de travail illégal entre le ressortissant indien et la société Meziana distribution est établie, pour les motifs indiqués au point 3 du présent arrêt, l'OFII a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail en infligeant à la société Meziana distribution la sanction prévue par ces dispositions à raison de l'emploi illégal de cette personne.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " (...) II- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : (...) / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ".

10. Si la société Meziana distribution se prévaut de la minoration prévue par le III de l'article R. 8253-2 du code du travail, cette disposition n'est applicable que dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II du même article, c'est-à-dire lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités prévues par l'article L. 8252-2 du même code. Or, la société Meziana distribution ne démontre pas s'être acquittée de ces salaires et indemnités. Par suite, son moyen doit être écarté.

11. En dernier lieu, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que pour les motifs indiqués ci-dessus au point 3 du présent arrêt qu'il est établi que le ressortissant indien était en situation de travail le jour du contrôle effectué au sein de la société Meziana distribution, le moyen selon lequel c'est à tort que l'OFII lui a infligé la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement dès lors que le ressortissant indien n'est pas un salarié de l'entreprise ne peut donc qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de première instance de la société Meziana distribution devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2019 concernant le ressortissant de nationalité indienne présent dans le bureau de la direction le 24 février 2019 ne peuvent qu'être rejetées ainsi que ses conclusions tendant à la réduction des deux contributions qui lui ont été infligées concernant ce ressortissant.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Meziana distribution le versement à l'OFII de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1924239/3-2 du 7 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la contribution spéciale mise à la charge de la société Meziana distribution par la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2019 et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement concernant le ressortissant indien présent dans les locaux de cette société le dimanche 24 février 2019 est annulé.

Article 2 : La requête de première instance de la société Meziana distribution dirigée contre la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2019 et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement concernant le ressortissant indien présent dans les locaux de cette société le dimanche 24 février 2019 est rejetée.

Article 3 : La société Meziana distribution versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la société Meziana distribution.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme A..., première conseillère,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.

La rapporteure,

A. A...

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20PA02978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02978
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Emploi des étrangers - Mesures individuelles - Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABINET SCHEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-24;20pa02978 ?
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