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24/06/2021 | FRANCE | N°20PA01144

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 juin 2021, 20PA01144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1926019 du 11 mars 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par u

ne requête enregistrée le 1er avril 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1926019 du 11 mars 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1926019 du 11 mars 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle justifie de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, de son insertion professionnelle en France et de l'absence de liens familiaux dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son homosexualité l'expose à des traitements inhumains et dégradants dans son pays d'origine.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision portant refus de titre de séjour est illégale ;

- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 8 octobre 1989, qui soutient être entré en France le 3 octobre 2013, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de celles des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais susvisé. Par un arrêté du 7 novembre 2019, le préfet de police lui a refusé la délivrance du titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement n° 1926019 du 11 mars 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision en litige vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment son article L. 511-1. Elle précise et selon une formulation qui n'est pas stéréotypée, les raisons pour lesquelles le préfet de police a estimé que le requérant ne pouvait être admis au séjour à titre exceptionnel eu égard à son expérience et à ses qualifications professionnelles, aux spécificités des emplois qu'il a occupés et de l'ancienneté de son séjour en France. Par ailleurs, le préfet de police n'avait pas à faire état de la situation médicale de M. A... dans la motivation de sa décision, alors que ce dernier l'avait seulement saisi d'une demande de régularisation au titre du travail. Contrairement à ce que soutient le requérant, la motivation du refus de séjour fait état de l'examen auquel le préfet a procédé au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, la décision refusant un titre de séjour à l'intéressé, qui comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs, la décision contestée, qui, contrairement à ce que soutient le requérant, mentionne des éléments relatifs à l'ancienneté de son séjour et à ses liens personnels sur le territoire français, comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait telles qu'exigées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ". Les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoient à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière. Ces stipulations rendent donc applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet est conduit à faire application de ces dispositions lorsqu'il est saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les contrats de travail auraient été visés par l'autorité compétente conformément aux dispositions précitées. Dans ces conditions, si le requérant, faisant état de son ancien emploi d'agent de propreté, reproche au préfet de police d'avoir considéré que cet emploi ne figurait pas dans la liste de l'annexe IV, l'appréciation portée sur ce point par le préfet, en l'absence de contrat de travail ou de promesse d'embauche présenté à l'appui de sa demande d'admission au séjour, n'est pas de nature à entacher le refus de séjour litigieux d'une erreur de droit.

7. En quatrième lieu, il appartient à l'autorité administrative de vérifier en présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, même pour un emploi correspondant à l'un des métiers figurant sur une liste de métiers pour lesquels n'est pas opposable la situation de l'emploi, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. En effet, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'en dépit de la présence en France de M. A... depuis huit années à la date à laquelle les décisions litigieuses ont été prises, l'épouse et quatre enfants mineurs de M. A... résident au Sénégal. Les éléments qu'ils rapportent sur son état de santé ne sont pas de nature à laisser penser qu'il aurait besoin d'un traitement médical en France indisponible au Sénégal dont la privation aurait des conséquences d'une extrême gravité sur sa santé. Ainsi, le requérant ne fait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'un titre de séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu ces dispositions ou commis une erreur manifeste d'appréciation dans leur application.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent et dans les circonstances de l'espèce, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En sixième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'un refus de titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

12. En premier lieu, M. A... n'est pas fondé, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés ci-dessus, à soutenir que le préfet de police aurait méconnu le droit au respect de sa vie privée et familiale et entaché la décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. En deuxième lieu, la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'implique pas, par elle-même, le retour de l'intéressé dans son pays d'origine.

14. En troisième et dernier lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 8 du présent arrêt, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision critiquée ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants ".

16. M. A... n'apporte aucun élément sur l'existence et la gravité d'un risque qu'il encourrait personnellement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2019. Sa requête d'appel ne peut, par suite, qu'être rejetée, ensemble, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.

Le rapporteur,

B. C...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 20PA01144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01144
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Bruno SIBILLI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : VOGELGESANG

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-24;20pa01144 ?
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