Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et du supplément de contributions sociales auquel il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1702696 du 6 février 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire accompagné de pièces complémentaires enregistrés le 20 mars 2020 et le 18 janvier 2021, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702696 du 6 février 2020 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- la proposition de rectification du 13 juin 2013 n'est pas suffisamment motivée, car les factures de vente dont la déductibilité a été remise en cause ne sont pas jointes et parce que l'administration ne précise pas l'origine des informations qu'elle entend lui opposer ;
- les factures litigieuses ne révèlent aucun numéro de saisie, alors qu'elles sont supposées avoir été saisies lors des opérations visées à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et alors qu'elles lui sont opposées à tort ;
- la société Shivaree n'a jamais disposé d'un compte au Luxembourg ni soutenu une telle allégation ;
- les factures réintégrées n'ont pas été soumises au débat contradictoire ;
- les premiers juges lui ont attribué la charge de la preuve à tort ;
- l'administration présente un raisonnement contradictoire estimant que les factures correspondent à la fois à des livraisons mais que l'exportation n'est pas établie ;
- l'administration lui a reproché, pour établir les pénalités, des faits qui concernent des tiers ;
- il n'est pas l'associé unique de la société dans la mesure où il ne détient que la moitié des parts sociales.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 mai 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est le gérant d'une SARL Shivaree France qui exerce un commerce de machines destinées aux professionnels de la blanchisserie. Consécutivement à une procédure de vérification de comptabilité de cette SARL, M. B... a fait l'objet, dans le cadre d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2009, 2010 et 2011, de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, en droits et pénalités, dont il a demandé en vain la décharge. Il relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. En raison du principe de l'indépendance des procédures de rehaussement menées à l'encontre d'une société de capitaux d'une part, et de son associé ou de son dirigeant d'autre part, les modalités selon lesquelles les procédures de vérification et de rehaussement de la société Shivaree ont été menées sont, en tout état de cause, sans incidence sur les impositions personnelles à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de M. B.... Par suite, le requérant ne peut utilement reprocher au service d'avoir violer les dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales et privé la société de la possibilité d'un débat oral et contradictoire sur les factures non comptabilisées pour contester la régularité de la procédure d'imposition litigieuse.
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ".
4. Pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire à cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse aux observations du contribuable, consécutive à un précédent contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée.
5. Il est constant que la proposition de rectification notifiée le 13 juin 2013 à M. B... se référait à une proposition de rectification du 26 avril 2013 relative aux rehaussements proposés à la SARL Shivaree qui lui était jointe. Il résulte de l'instruction que cette proposition comporte l'ensemble des éléments de fait et de droit permettant à M. B... de présenter utilement ses observations. Elle dresse, en outre, la liste des factures saisies et précise pour chacune d'elle, le nom et l'adresse du client concerné, le numéro et la date de la facture, de même que son montant. Le moyen tiré de ce que la proposition de rectification ne serait pas suffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne peut, dès lors, qu'être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bienfondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable,
celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés.
7. M. B... estime que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne lui communiquant pas les factures ci-dessus évoquées au point 5. Or, les éléments qui lui avaient été précisés par la proposition de rectification, c'est-à-dire la liste des factures saisies, comportait pour chacune d'elle, le nom et l'adresse du client concerné, le numéro et la date de la facture, de même que son montant, permettaient de l'informer suffisamment de la teneur et de l'origine de ces pièces. Si le requérant estime que l'administration aurait dû joindre les factures litigieuses, il ne soutient ni n'allègue les avoir demandées, alors que l'exigence d'information du contribuable n'imposait pas au service de les joindre spontanément.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :
S'agissant de la méthode de reconstitution des résultats distribués de la société Shivaree France :
8. Aux termes du 1. de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises(...) ". Selon le 1. de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ". Il appartient à l'administration, lorsqu'elle réintègre dans les résultats d'une entreprise des recettes ne figurant pas en comptabilité, de tenir compte des charges correspondantes, dans la mesure où elles n'auraient pas été déjà comptabilisées et où le contribuable produit tous éléments suffisamment précis pour établir la réalité de ces charges et son droit à en obtenir la déduction.
9. M. B... estime que la méthode de reconstitution des recettes de la société Shivaree n'est pas fondé. Il y a lieu d'adopter les motifs énoncés à bon droit par les premiers juges aux points 4, 5, 6, 7 et 8, notamment quant à l'existence, qui ne résulte pas de l'instruction, de factures qui auraient été pro forma - c'est-à-dire pour la forme, avec un statut plus proche du devis que de la facture qui implique l'existence d'une commande ferme - et la référence à l'inscription de recettes qui auraient correspondus à des commandes ultérieurement annulées, sans qu'aucun extrait de comptabilité et des liasses fiscales ne vienne confirmer cette allégation.
Sur les pénalités pour manquement délibéré :
10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".
11. Il résulte de la proposition de rectification en date du 10 juin 2013, que, pour justifier l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré au rehaussement des revenus de M. B..., l'administration a rappelé les motifs pour lesquels les omissions de la SARL Shivaree dont il était le gérant étaient elles-mêmes délibérées, et en a justement déduit que celles relatives aux distributions dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers étaient elles-mêmes délibérées. En effet, M. B..., en sa qualité de gérant de la société Shivaree France, ne pouvait ignorer que cette dernière s'était abstenue délibérément de comptabiliser un nombre important de factures diminuant ainsi son résultat. Dès lors, M. B... ne pouvait davantage ignorer ni l'existence des revenus distribués dont il a bénéficié, ni le fait que ces sommes étaient imposables entre ses mains et auraient dû être déclarées. Le moyen tiré de ce que l'administration aurait établi les impositions sur le fondement des fautes d'un tiers doit être écarté.
12. Par suite, l'administration était fondée à lui appliquer la pénalité pour manquement délibéré prévue aux dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doit ainsi être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques - directeur du contrôle fiscal Île-de-France (division juridique).
Délibéré après l'audience du 10 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. Platillero, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 24 juin 2021.
Le rapporteur,
B. D...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 20PA01057