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24/06/2021 | FRANCE | N°15PA01719

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 juin 2021, 15PA01719


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Artistes et Promotion a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la retenue à la source qui lui a été réclamée au titre des années 2007, 2008 et 2009, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2007 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1405961 du 4 mar

s 2015, le tribunal administratif de Paris a ramené le taux des pénalités appliquées à la re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Artistes et Promotion a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la retenue à la source qui lui a été réclamée au titre des années 2007, 2008 et 2009, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2007 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007.

Par un jugement n° 1405961 du 4 mars 2015, le tribunal administratif de Paris a ramené le taux des pénalités appliquées à la retenue à la source mises à la charge de la société Artistes et Promotion au titre des années 2007, 2008 et 2009 au taux de 40 % et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 avril 2015, le 10 décembre 2015, le 2 août 2016, le 14 octobre 2016, le 13 juin 2019, le 30 juillet 2020 et le 29 janvier 2021, la société Artistes et Promotion, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405961 du 4 mars 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge pénal se soit prononcé sur la régularité de la production d'une pièce couverte par le secret professionnel et jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la régularité d'une procédure de visite et de saisie diligentée sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et sur la régularité de la production de cette pièce ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Artistes et Promotion soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur ses moyens dirigés contre la retenue à la source appliquée aux revenus distribués liés aux charges réintégrées et commis des erreurs de droit ;

- la vérification de comptabilité a excédé la durée prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que son devoir de loyauté et les principes d'égalité des armes et des droits de la défense, en ne l'informant pas de la totalité des éléments obtenus des autorités fiscales luxembourgeoises et des pièces saisies ;

- l'administration a méconnu l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne l'abus de droit et le rappel de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la saisie et l'utilisation sans son accord de la note d'un avocat, qui a fondé les rectifications et est couverte par le secret professionnel, entache de nullité la procédure ;

- la cession de ses titres à la société Nerthus Invest n'est ni fictive ni artificielle ; le mode de financement de l'acquisition des titres démontre l'absence de montage ;

- l'administration ne démontre pas que la société Nerthus Invest, qui constitue une holding pure exerçant son activité d'actionnaire, est dépourvue de substance, sa création ne constituant pas un montage artificiel, et que la holding n'était qu'une structure sans intérêt économique ;

- l'administration ne justifie pas qu'elle a recherché le bénéfice d'une application littérale de textes à l'encontre des objectifs poursuivis par ses auteurs, en l'absence de montage artificiel relatif à l'application d'une convention fiscale bilatérale ;

- elle n'a pas la qualité de contribuable, n'a pas réalisé de gain fiscal en tant que contribuable s'agissant d'une retenue à la source, n'est pas à l'origine des actes dont se prévaut l'administration, qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'abus de droit, et n'est pas la bénéficiaire des agissements invoqués, le service ne démontrant par ailleurs pas qu'elle savait qu'elle violait l'esprit de la norme abusée ;

- l'administration a méconnu le caractère subsidiaire de l'abus de droit et a commis un détournement de procédure ;

- en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, les honoraires du cabinet Raymond Belnet étaient déductibles ;

- le profit sur le Trésor n'est pas fondé ;

- en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration ne peut pas modifier la base taxable en cas de prix anormalement bas et n'établit pas l'existence de factures fictives ou de complaisance, l'argument tiré de l'absence d'intérêt étant inopérant ;

- l'administration, qui n'a pas mis en oeuvre l'article 117 du code général des impôts et ne justifie pas d'une masse distribuable et d'une appréhension effective par un tiers, n'établit pas que les prestations juridiques constituent des revenus distribués soumis à la retenue à la source ;

- les pénalités ne sont pas fondées.

Par des mémoires en défense enregistrés le 4 novembre 2015, le 2 mai 2016, le 22 septembre 2016, le 20 août 2019 et le 31 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués par la société Artistes et Promotion ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par un courrier du 6 mai 2021, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens tirés de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif, qui se rattachent à une cause juridique distincte de celle dont relèvent les moyens soulevés avant l'expiration du délai d'appel.

La société Artistes et Promotion a présenté des observations enregistrées le 10 mai 2021, soutenant que ses moyens doivent être interprétés comme dirigés contre le bien-fondé du jugement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 9 septembre 1966 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public ;

- et les observations de Me C..., pour la société Artistes et Promotion.

Une note en délibéré a été enregistrée le 4 juin 2021, pour la société Artistes et Promotion.

Considérant ce qui suit :

1. La société Artistes et Promotion a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009. A l'issue de ce contrôle, des propositions de rectification du 23 décembre 2010 et du 23 décembre 2011, se substituant à la précédente en matière de retenue à la source au titre de l'année 2007, lui ont été notifiées suivant la procédure contradictoire. Au terme de la procédure, la société Artistes et Promotion a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2007, à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 et à la retenue à la source au titre des années 2007, 2008 et 2009, assortis d'intérêts de retard, de la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, de la taxe sur la valeur ajoutée et de la retenue à la source résultant de ces rectifications, et de la majoration prévue au b) du même article en cas d'abus de droit, s'agissant de la retenue à la source autre que celle précédemment mentionnée. La société Artistes et Promotion fait appel du jugement du 4 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir ramené le taux des pénalités appliquées aux retenues à la source au titre des années 2007, 2008 et 2009 au taux de 40 %, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des impositions précitées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales : " L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau (...) devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction (...) ".

3. La société Artistes et Promotion fait valoir que les premiers juges, outre les erreurs de droit qu'ils auraient commises, a omis de statuer sur la retenue à la source appliquée aux revenus distribués procédant de la remise en cause de charges déductibles. Elle n'a toutefois présenté ces moyens que dans son mémoire enregistré le 30 juillet 2020, après l'expiration du délai d'appel, les dispositions précitées de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales ne s'appliquant qu'aux moyens relatifs à la procédure d'imposition, au bien-fondé de l'imposition et aux pénalités. Les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, qui ne sont pas d'ordre public et se rattachent à une cause juridique distincte de celle dont relevaient les moyens soulevés avant l'expiration du délai d'appel, doivent dès lors être écartés comme irrecevables.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales :

4. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I. Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) ".

5. La société Artistes et Promotion, dont il est constant que le chiffre d'affaires n'excédait pas le seul fixé à l'article 302 septies A du code général des impôts, soutient que la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet a excédé la durée de trois mois prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 23 décembre 2011, que les opérations de contrôle sur place ont eu lieu dans les locaux du siège social de la société Artistes et Promotion, la première intervention s'étant déroulée le 10 décembre 2010. Le vérificateur s'est ensuite déplacé à quatre reprises, le dernier entretien sur place qui correspond à la visite de synthèse ayant eu lieu le 9 mars 2011, soit dans le délai de trois mois imparti par l'article précité. Si, en conclusion du paragraphe relatif au déroulement du contrôle, le vérificateur a mentionné que la proposition de rectification " clôt la procédure de vérification de comptabilité ", il ne résulte pas de ces mentions que le vérificateur, qui s'est borné à indiquer que la première phase de la procédure contradictoire s'achevait avec la proposition de rectification, aurait poursuivi l'examen au fond des livres et documents comptables de la société après le 9 mars 2011, la proposition de rectification se substituant à celle du 23 décembre 2010 à la suite de l'exploitation des renseignements obtenus des autorités luxembourgeoises.

6. Par ailleurs, si la société Artistes et Promotion se prévaut d'un courrier du 13 juillet 2011 introduit par le vérificateur dans les termes " vous faites actuellement l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 25/10/2007 au 31/12/2009 ", ce courrier se borne à l'informer qu'une demande de renseignements a été adressée aux autorités fiscales luxembourgeoises le 27 juin 2011 et que les rectifications éventuelles correspondantes pourront être notifiées jusqu'à la fin de l'année qui suivra celle de la réponse et au plus tard jusqu'à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Ainsi, il ne résulte pas plus de ce courrier, qui se borne à rappeler la poursuite de la procédure contradictoire de rectification dans l'attente de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises, que le vérificateur aurait poursuivi l'examen au fond des livres et documents comptables de la société après le 9 mars 2011. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de L. 57 du livre des procédures fiscales :

7. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".

8. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, afin de permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend ni du bien-fondé de ces motifs, ni des précisions apportées par l'administration sur l'origine des documents sur lesquels elle s'est fondée pour prononcer les redressements envisagés.

9. D'une part, contrairement à ce que soutient la société Artistes et Promotion, la proposition de rectification du 23 décembre 2011 énonce précisément les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier les rectifications en matière de retenue à la source, lui permettant de formuler ses observations de façon entièrement utile. Ainsi, la proposition de rectification mentionne d'abord les faits constatés puis énonce avec précision les motifs pour lesquels le service a estimé être en présence d'un montage constitutif d'un abus de droit par fraude à la loi, ainsi que les conséquences à en tirer en matière de retenue à la source. Ce document est ainsi suffisamment motivé, sa régularité ne dépendant pas du bien-fondé des motifs retenus à l'appui de la caractérisation d'un abus de droit par fraude à la loi. D'autre part, la proposition de rectification du 23 décembre 2010 mentionne les dispositions légales relatives au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, précise les prestations au titre desquelles la taxe sur la valeur ajoutée déductible est remise en cause, ainsi que les motifs de cette remise en cause, les charges correspondantes n'ayant pas été engagées dans l'intérêt direct de la société Artistes et Promotion, par renvoi au rehaussement en matière d'impôt sur les sociétés, qui est suffisamment motivé. La proposition de rectification, qui permettait à la société de formuler ses observations de façon entièrement utile en matière de taxe sur la valeur ajoutée, est ainsi suffisamment motivée. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés du défaut d'information :

10. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...) Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Aux termes de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter ".

11. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

12. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 23 décembre 2011, que ce document mentionne explicitement les pièces obtenues dans le cadre de la procédure de visite et de saisie prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales mise en oeuvre le 2 décembre 2010 à l'encontre de la société Nerthus Invest, en identifiant les cotes des pièces saisies effectivement utilisées, ainsi que les renseignements obtenus des autorités fiscales luxembourgeoises dans leur réponse du 2 décembre 2011 faisant suite à la demande d'assistance administrative du 27 juin 2011, qui ont fondé les rectifications. Contrairement à ce que soutient la société Artistes et Promotion, ces mentions lui permettaient de demander non seulement que les documents qui contiennent ces différents renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, mais aussi l'intégralité des documents obtenus, qui sans fonder directement l'imposition, pouvaient être utiles à l'exercice des droits de la défense, ce qu'elle n'a pas fait. Dans ces conditions, la société Artistes et Promotion, qui n'allègue d'ailleurs pas que certains documents ou renseignements saisis ou obtenus des autorités luxembourgeoises lui auraient permis de combattre la qualification de montage artificiel des opérations en litige, n'est pas fondée à soutenir que le service, qui n'était pas tenu d'établir une liste de l'intégralité des documents saisis et de reproduire le contenu de l'intégralité de la réponse des autorités luxembourgeoises au stade de la proposition de rectification, aurait méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et, en tout état de cause, l'article 47 de la charte des droits fondamentaux.

13. Par ailleurs, compte tenu de ce qui précède, la société Artistes et Promotion n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu son devoir de loyauté et porté atteinte aux droits de la défense et au principe d'égalité des armes, en s'abstenant de produire la liste de toutes les pièces reçues et en n'utilisant que certaines de ces pièces.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation du secret professionnel :

14. Aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts (...) à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter (...) Le procès-verbal et l'inventaire mentionnent le délai et la voie de recours. Le premier président de la cour d'appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie (...) ".

15. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la société Nerthus Invest a fait l'objet le 2 décembre 2010 d'une procédure de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. La société Artistes et Promotion fait valoir qu'à cette occasion, une note établie par un avocat, intitulée " note sur les aspects fiscaux liés à l'organisation de la tournée des stades de 2009 ", transmise par cet avocat à la société Navajo, a été saisie, ce document étant coté 020046. Elle soutient que l'administration a irrégulièrement saisi et utilisé cette note couverte par le secret professionnel.

16. D'une part, à supposer que le service se soit fondé pour établir les impositions en litige sur la note précitée qui, contrairement à ce qu'a soutenu le ministre, émane d'un avocat, il résulte de l'instruction, notamment de l'ordonnance du 17 mars 2020 du président de la Cour d'appel de Versailles rendue dans la cadre de la procédure de contestation des opérations de visite et de saisie initiée par M. A... et reprise par Mme A..., concluant au retrait des pièces couvertes par le secret professionnel, notamment de la pièce enregistrée sous la cote 020046, que le juge compétent, après avoir rappelé que la confidentialité des correspondances échangées entre l'avocat et son client ne s'impose qu'au premier et non au second qui, n'étant pas tenu au secret professionnel, peut les rendre publiques, a constaté que le représentant légal de la société Navajo, seule cliente de Me B..., a volontairement transmis la note en litige à M. A..., qui n'était ni client de cet avocat s'agissant de la consultation en cause, ni représentant légal ou salarié de la société Navajo, en dévoilant ainsi son contenu à un tiers au regard de la relation entre l'avocat et sa cliente. Il a dès lors rejeté la demande tendant au retrait de la note des pièces saisies au regard des obligations de secret professionnel. Dans ces conditions, sans qu'il ne soit plus besoin de surseoir à statuer sur la régularité des opérations de visite et de saisie, le moyen tiré de l'irrégularité de la saisie de la note en litige et, par suite, de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté. A cet égard, si la société Artistes et Promotion conteste l'opposabilité de l'ordonnance précitée au juge de l'impôt, ce moyen ne peut qu'être écarté, dès lors que la saisie a été jugée licite par le seul juge compétent.

17. D'autre part, la société Artistes et Promotion soutient qu'elle n'a pas donné son accord pour que soit utilisée la note précitée, son utilisation constituant ainsi une infraction susceptible de poursuites pénales. Toutefois, dès lors que cette pièce a été régulièrement saisie dans la cadre d'une procédure autorisée par le juge des libertés et de la détention et validée par le président de la Cour d'appel de Versailles, l'administration pouvait régulièrement l'utiliser, sans avoir à solliciter l'accord préalable de la société Artistes et Promotion, ses conditions d'obtention n'étant pas illicites compte tenu de ce qui a été dit précédemment. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration aurait irrégulièrement utilisé un document couvert par le secret professionnel de l'avocat doit être écarté, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge répressif se soit prononcé sur la régularité de cette utilisation.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'abus de droit par fraude à la loi :

18. D'une part, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles (...) ".

19. D'autre part, aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " (...) " 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source (...) lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 119 ter du même code, dans sa rédaction applicable : " 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal. 2. Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'elle remplit les conditions suivantes : a) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne et n'être pas considérée, aux termes d'une convention en matière de double imposition conclue avec un Etat tiers, comme ayant sa résidence fiscale hors de la Communauté ; b) Revêtir l'une des formes énumérées sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de l'économie conformément à l'annexe à la directive du Conseil des communautés européennes n° 90-435 du 23 juillet 1990 modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003 ; c) Détenir directement, de façon ininterrompue depuis deux ans ou plus, 25 % au moins du capital de la personne morale qui distribue les dividendes, ou prendre l'engagement de conserver cette participation de façon ininterrompue pendant un délai de deux ans au moins et désigner, comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, un représentant qui est responsable du paiement de la retenue à la source visée au 1 en cas de non-respect de cet engagement (...) 3. Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas lorsque les dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'Etats qui ne sont pas membres de l'Union, sauf si cette personne morale justifie que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage des dispositions du 1 (...) ". Aux termes de l'article 11 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 : " 1. Les dividendes provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. a) Les dividendes visés au paragraphe 1 sont aussi imposables dans l'Etat contractant d'où ils proviennent, et selon la législation de cet Etat, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 p. cent du montant brut des dividendes (...) ".

20. Il résulte de l'instruction que la société Artistes et Promotion, constituée en 1980, était détenue en totalité par M. A..., résident fiscal suisse depuis le 20 décembre 2006. Celui-ci a cédé le 9 mai 2007 ses parts de la société Artistes et Promotion pour un montant de 6 millions d'euros à la société luxembourgeoise Nerthus Invest, société holding constituée le 16 février 2007 et détenue à hauteur de 99,8 % par la société Gedar, dont le siège est au Libéria. Pour financer l'acquisition de ces titres, la société Nerthus Invest a eu recours à un emprunt obligataire subordonné non convertible au porteur. La société Artistes et Promotion a versé des dividendes à la société Nerthus Invest les 19 juin 2007, 17 mars 2008, 30 octobre 2009 et 17 décembre 2009 pour des montants respectifs de 4 500 000 euros, 1 500 000 euros, 300 000 euros et 100 000 euros. Ces dividendes ont été distribués en bénéficiant de l'exonération de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du code général des impôts, en application de l'article 119 ter du même code.

21. En se fondant sur les informations recueillies dans le cadre de la procédure d'assistance administrative auprès des autorités fiscales luxembourgeoises et sur les documents saisis dans le cadre de la procédure de visite et de saisie, l'administration a estimé que la société Nerthus Invest était dépourvue de substance et que sa constitution était dépourvue de logique économique. Elle a ainsi regardé sa création comme ayant pour seul objet d'interposer une chaîne de participations, les dividendes versés par la société Artistes et Promotion à la société Nerthus Invest, détenue indirectement par M. A... au travers de la société Gedar, étant immédiatement appréhendés par M. A... sous forme d'un remboursement du crédit vendeur qu'il avait accordé à la société Nerthus Invest pour l'acquisition des titres de la société Artistes et Promotion. L'administration en a conclu qu'elle était en présence d'un montage procédant d'un abus de droit par fraude à la loi, ayant pour but exclusif de bénéficier d'une absence d'imposition des dividendes distribués par la société Artistes et Promotion à la société Nerthus Invest, appréhendés par M. A..., qui a conservé le contrôle de la société Artistes et Promotion sous couvert des sociétés Nerthus Invest et Gedar et qui est le bénéficiaire réel des dividendes, dès lors que ces dividendes, d'une part, ont été exonérés de la retenue à la source en application de l'article 119 ter du code général des impôts et ont échappé à l'application de la retenue à la source au taux de 15 % prévue par le 2 de l'article 11 de la convention franco-suisse, et, d'autre part, n'ont pas été soumis à l'impôt au Luxembourg en application de l'article 166 du code général des impôts luxembourgeois, la société Nerthus Invest étant constituée sous la forme d'une SOPARFI.

22. Pour justifier l'absence de substance de la société Nerthus Invest, l'administration fait valoir que cette société ne dispose d'aucun moyen matériel et humain au Luxembourg, qu'elle n'exerce aucune fonction d'animation de groupe, que son activité se limite à celle de holding pure par l'encaissement de dividendes de la société Artistes et Promotion et de la société Pimiento Music, qu'elle ne détient aucune autre participation que celle dans les deux sociétés précitées et n'a acquis aucune autre société ou filiale. Elle soutient également que la trésorerie de la société Nerthus Invest au titre des exercices 2007 à 2009 est faible, dès lors que tous les dividendes sont affectés au remboursement du crédit vendeur accordé par M. A..., ne lui permettant ainsi de dégager aucun revenu qui lui aurait permis d'effectuer des placements ou d'acquérir d'autres titres, conformément à son objet social, que cette société ne réalise aucun chiffre d'affaires autre que la comptabilisation des remontées de dividendes et que ses actifs immobilisés, les participations dans les sociétés Artistes et Promotion et Pimiento Music, ont subi une dépréciation de 100 % de leur valeur. Elle se prévaut enfin de ce que la société Nerthus Invest ne dispose d'aucun potentiel de valorisation, la société Artistes et Promotion étant dépourvue de perspective de développement, dès lors que son potentiel économique était limité à la tournée " Flashback 2006 " terminée avant l'acquisition des titres, la supervision des tournées postérieures ayant été confiée à d'autres structures.

23. Si, ainsi que le fait valoir la société Artistes et Promotion, la seule circonstance que la société Nerthus Invest est une holding passive, dont l'activité est la détention de titres de participation regroupés sous une seule structure juridique, qui fonctionne par nature sans moyens humains et matériels, ne saurait à elle seule caractériser un abus de droit par fraude à la loi, la holding pure doit néanmoins avoir une substance autre que fiscale, en visant par exemple le développement de son activité et de son patrimoine. Or, si la société Artistes et Promotion, qui ne peut utilement contester le caractère fictif de la cession de titres qui n'a jamais été soutenu par l'administration, soutient que la création d'une holding passive emporte des conséquences juridiques et fiscales et permet de bénéficier de possibilités d'emprunts accrues et que l'activité de détention de participations présente des risques économiques, il ne saurait se déduire de telles allégations générales qu'une holding passive est par principe pourvue de substance. Par ailleurs, la circonstance que les emprunts obligataires n'avaient été que partiellement remboursés par la société Nerthus Invest au 31 décembre 2009 et que le mode de financement de l'acquisition des titres de participations démontrerait l'existence d'une prise de risque financier, la société Nerthus Invest n'ayant en outre pas distribué de dividendes, ne confère aucune substance à cette société, dès lors que, ainsi que le constate le ministre, l'opération financière est " en circuit fermé ", compte tenu de la qualité de crédit vendeur de M. A..., pas plus que la circonstance que la société Nerthus Invest a consenti un prêt à la société Navajo prévoyant le versement au prêteur d'intérêts fixés au taux annuel Euribor. Enfin, si la société Artistes et Promotion fait valoir qu'elle-même et la société Pimiento Music ont poursuivi leurs activités, l'une en apportant son concours à la société Navajo pour l'organisation de la tournée " M'arrêter là " à travers un contrat de prestations de services, l'autre en continuant de recevoir des droits d'auteur, lui permettant de réaliser des recettes, l'administration n'a pas soutenu que les filiales étaient dépourvues d'activité et de substance, l'interposition de la société Nerthus Invest étant sans effet sur leur activité, qui se serait poursuivie de la même manière sans une telle interposition.

24. En outre, les autres éléments avancés par l'administration ne sont pas contestés et établissent également l'absence de substance de la société Nerthus Invest. En effet, si la société Artistes et Promotion se prévaut de l'article 4 de ses statuts qui prévoit " l'exploitation à des fins promotionnelles de tout produit ou service, le nom, l'image ou tout autre d'un ou plusieurs artistes en général et de variétés ", il n'en demeure pas moins que la société Nerthus Invest n'a détenu aucune autre participation que celle dans les deux sociétés précitées et n'a acquis aucune autre société ou filiale, que les dividendes ont été affectés au remboursement du crédit vendeur, ne lui permettant ainsi de dégager aucun revenu qui lui aurait permis d'effectuer des placements ou d'acquérir d'autres titres, que ses actifs immobilisés ont subi une dépréciation quasi-totale et qu'aucun potentiel de valorisation ne résulte de l'instruction. La création de la société Nerthus Invest ne repose ainsi sur une aucune logique économique ou financière.

25. Dans ces conditions, l'administration établit que la société Nerthus Invest, si elle a été régulièrement constituée au regard du droit luxembourgeois, n'a aucune substance et que sa création ne répond à aucune logique économique et financière et ne présente aucun intérêt autre que fiscal. L'interposition de cette société luxembourgeoise, sans aucune substance propre ni justification autre que fiscale, et le recours au crédit vendeur, ont permis à la société Artistes et Promotion, qui n'a retiré aucun intérêt économique du montage mis en place, de ne pas verser la retenue à la source sur les dividendes versés à la société Nerthus Invest, qui n'ont par ailleurs pas été soumis à l'impôt au Luxembourg en application de l'article 166 du code général des impôts luxembourgeois, en application de l'article 119 ter du code général des impôts, alors qu'elle aurait dû la verser sans l'interposition artificielle de cette société, en application de l'article 119 bis du même code et de l'article 11 de la convention franco-suisse, les auteurs de ces textes de droit national et de cette convention ne pouvant être regardés comme ayant entendu en faire bénéficier les situations procédant de montages artificiels dépourvus de toute substance économique. Ce montage permettant exclusivement la distribution de dividendes en franchise d'impôts, la preuve d'un abus de droit par fraude à la loi, en vue de permettre à la société Artistes et Promotion d'éluder le paiement de la retenue à la source, est ainsi apportée par l'administration.

26. A cet égard, la société Artistes et Promotion n'est pas fondée à soutenir qu'elle est seulement payeur de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts et n'a pas la qualité de contribuable, dès lors qu'elle est bien un contribuable susceptible de faire l'objet d'une procédure d'imposition et que le paiement de la retenue à la source constitue une charge fiscale qu'elle aurait normalement dû supporter eu égard à sa situation réelle, charge qu'elle a éludée du fait de la mise en place du montage précédemment décrit. Par ailleurs, la circonstance que la société Artistes et Promotion, qui est partie intégrante du montage précédemment décrit et qui, contrôlée par la même personne physique que les autres personnes morales intervenant dans ce montage, ne saurait sérieusement soutenir qu'elle ignorait l'existence des actes qualifiés d'abusifs, n'en soit pas la bénéficiaire principale ni l'auteur des actes qui le constitue ne fait pas obstacle à ce qu'elle soit replacée dans sa situation réelle sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Enfin, compte tenu de ce qui précède, la société Artistes et Promotion n'est pas fondée à soutenir que l'administration, qui n'a pas méconnu le " caractère subsidiaire de la procédure de répression de l'abus de droit " en l'absence d'autre texte qui permettant de remettre en cause le montage précité, aurait commis un détournement de procédure.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de l'impôt sur les sociétés :

27. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis.

28. Il ressort de la proposition de rectification du 23 décembre 2010 que le service a constaté que la société Artistes et Promotion a comptabilisé en charges déductibles au titre de l'exercice 2007 des notes d'honoraires facturés par le cabinet Belnet, bureau d'études fiscales et juridiques, pour un montant total de 312 875 euros hors taxes. Estimant que ces charges étaient disproportionnées par rapport au chiffre d'affaires déclaré et sans commune mesure avec celles de même nature comptabilisées au titre des années 2005 et 2006, que la société n'a pas produit de convention détaillant la nature et la consistance des prestations délivrées et que ces prestations ont en réalité bénéficié à M. A..., la facturation des honoraires étant concomitante à la cession des titres de la société Artistes et Promotion, il en a conclu que ces dépenses n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de la société Artistes et Promotion et les a, dès lors, réintégrées.

29. Face à ces éléments, la société Artistes et Promotion fait valoir que la comparaison avec son chiffre d'affaires n'est pas pertinente, dès lors que l'essentiel de ses ressources en 2006 et 2007 provenait de son activité de coproducteur aux côtés de la société Camus Production du spectacle nommé " Flashback 2006 ", que la participation à cet événement posait des problèmes juridiques et fiscaux nécessitant l'assistance de conseils juridiques et que l'importance des montants facturés résulte du nombre d'avocats associés ayant participé aux différents dossiers traités par le cabinet Belnet. Toutefois, alors que l'administration a admis la déduction des honoraires de suivi des licenciements, de la taxe professionnelle, de l'Urssaf, de secrétariat juridique, de transformation statutaire, de secrétariat comptable et de contentieux et fait valoir sans être contredite que la mise en place des structures juridiques et fiscale de la tournée " Flashback 2006 " a été prise en charge par le producteur et la SEP Flashback 2006, les arguments ainsi avancés ne permettent pas d'expliquer la réalité et la valeur des prestations fournies, disproportionnées par rapport au chiffre d'affaires déclaré et ne reposant pas sur une convention en détaillant la nature. La société Artistes et Promotion fait également valoir que les factures ne correspondent pas à la cession des titres de M. A... à la société Nerthus Invest, dès lors qu'elles s'étalent sur une période comprise entre le 9 février 2007 et le 11 janvier 2008, et qu'une cession de titres constitue une opération simple ne nécessitant pas quatre associés d'un cabinet d'avocats, la cession ayant été précédée de la transformation de son statut et les prestations liées à la cession des titres ayant fait l'objet d'une facturation distincte. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, les factures relatives aux opérations de transformation statutaire ont été admises en déduction et la requérante n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles les prestations afférentes à la cession des titres ont effectivement fait l'objet d'une facturation distincte.

30. Dans ces conditions, l'administration établit que les dépenses en litige n'ont pas été engagées pour les besoins de l'activité de la société Artistes et Promotion et ne peuvent ainsi venir en déduction du résultat de l'exercice 2007.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée :

31. Aux termes du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts qui prévoient que la taxe sur la valeur ajoutée est déductible par les redevables " dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables ".

32. Il résulte de la proposition de rectification du 23 décembre 2010 que le service a remis en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures d'honoraires du cabinet Belnet précédemment mentionnées, pour un montant de 61 324 euros, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment cités, l'administration établit que les prestations mentionnées sur les factures en litige n'ont pas été utilisées pour les besoins des opérations imposables de la société Artistes et Promotion. La rectification est ainsi bien fondée, la requérante ne pouvant utilement soutenir que l'administration ne peut pas modifier la base taxable en cas de prix anormalement bas et n'établit pas l'existence de factures fictives ou de complaisance, dès lors que cette rectification n'est pas fondée sur ces motifs.

S'agissant du profit sur le Trésor :

33. La société Artistes et Promotion conteste la rectification en matière de profit sur le Trésor en conséquence de la remise en cause du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures du cabinet Belnet précitées. Pour les motifs précédemment cités, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les revenus distribués correspondant aux charges réintégrées de l'exercice 2007 :

34. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

35. Il résulte de la proposition de rectification du 23 décembre 2010 que le service a regardé les sommes correspondant aux prestations facturées par le cabinet Belnet précédemment citées comme des revenus distribués à M. A..., imposables entre ses mains sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, la société Artistes et Promotion étant, compte tenu de la résidence fiscale en Suisse de l'intéressé, redevable de la retenue à la source mentionnée au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, au taux de 15% prévu au 2 de l'article 11 de la convention franco-suisse. D'une part, la société Artistes et Promotion soutient que l'administration n'établit pas l'existence et le montant de revenus distribués. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, l'existence et le montant d'une masse distribuable est établi. D'autre part, la société Artistes et Promotion soutient que l'administration n'établit pas l'appréhension par M. A.... Outre que le service n'était pas tenu de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 117 du code général des impôts, dans la mesure où il n'est pas efficacement contredit que les prestations se rattachent à la cession des titres à la société Nerthus Invest dans le cadre du montage précité, dont le bénéficiaire principal est M. A..., l'appréhension des sommes en litige par l'intéressé est établie.

Sur les pénalités :

36. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (...) ".

37. D'une part, la société Artistes et Promotion conteste la majoration de 40 % maintenue à sa charge par le tribunal sur le fondement du b) de l'article 1729 par voie de conséquence de ses moyens en matière de bien-fondé. Compte tenu de ce qui précède, le moyen doit être écarté.

38. D'autre part, la société Artistes et Promotion conteste la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux rehaussements afférents aux factures du cabinet Belnet précitées, au motif que la volonté d'éluder l'impôt n'est pas établie. Pour faire application de ces pénalités, le service s'est fondé sur l'importance des honoraires pris en charge par la société Artistes et Promotion, correspondant à " une optimisation fiscale des revenus personnels de M. A... " et sur le fait que la contribuable ne pouvait ignorer qu'une grande partie de ces dépenses étaient étrangères à son intérêt, dès lors qu'elles étaient liées au rachat et à la revente de ses titres par M. A... à la société Nerthus Invest. Dans la mesure où, ainsi qu'il a été dit précédemment, ces éléments sont établis, l'administration apporte la preuve des manquements délibérés et, par suite, justifie du bien-fondé de l'application de la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.

39. Il résulte de tout ce qui précède que la société Artistes et Promotion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

40. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

41. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Artistes et Promotion demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Artistes et Promotion est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Artistes et Promotion et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur national des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Marion, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2021.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 15PA01719


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01719
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Abus de droit et fraude à la loi.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SPA PRADIE - LARDIN - CAPELI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-24;15pa01719 ?
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