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22/06/2021 | FRANCE | N°19PA01974

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 juin 2021, 19PA01974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision, révélée par le bulletin de paye lui ayant été transmis par courriel du 29 novembre 2016, par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a refusé de lui verser le supplément familial et les majorations familiales pour enfant à charge à compter du 1er janvier 2016 et a procédé à une retenue sur son traitement pour les sommes versées depuis cette date, d'autre part, d'enjoindre au minist

re de lui verser le supplément familial et les majorations familiales prévues p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision, révélée par le bulletin de paye lui ayant été transmis par courriel du 29 novembre 2016, par laquelle le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a refusé de lui verser le supplément familial et les majorations familiales pour enfant à charge à compter du 1er janvier 2016 et a procédé à une retenue sur son traitement pour les sommes versées depuis cette date, d'autre part, d'enjoindre au ministre de lui verser le supplément familial et les majorations familiales prévues par les articles 7 et 8 du décret n° 67-290 du 28 mars 1967, avec effet rétroactif au 1er janvier 2016, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation.

Par un jugement no 1717566/5-1 du 18 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre de l'Europe et des affaires étrangères du 29 novembre 2016, lui a enjoint de verser à M. A... B... le supplément familial et les majorations familiales prévues par les articles 7 et 8 du décret n° 67-290 du 28 mars 1967, avec effet rétroactif au 1er janvier 2016, et a condamné le ministre à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juin 2019 et le 12 octobre 2020, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1717566/5-1 du 18 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les éléments produits par le requérant en première instance n'étaient pas de nature à renverser la présomption de domiciliation de son enfant chez sa mère ;

- l'autorité administrative est tenue par le jugement fixant la résidence de l'enfant pour déterminer si un agent a sa charge effective ;

- des attestations de particuliers ne peuvent être admises pour établir qu'un agent a la charge effective et permanente d'un enfant contrairement aux mentions d'un jugement ;

- à titre subsidiaire, les constats opérés par les comptes rendus ne pourraient valoir que pour l'avenir.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 novembre 2019 et le 17 juin 2020, M. A... B..., représenté par la SCP Sevaux-D..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de supprimer des passages injurieux de la requête sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de prononcer une astreinte à l'encontre du ministre de l'Europe et des affaires étrangères s'il ne justifie pas avoir, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, entièrement exécuté le jugement rendu le 18 avril 2019 par le Tribunal administratif de Paris, et ce jusqu'à la date de cette exécution, et fixer le taux de cette astreinte à 100 euros par jour passé ce délai.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;

- les phrases commençant par " Dans ces conditions, l'on peut s'interroger " et allant jusqu'à " au terme du jugement de divorce a la charge effective et permanente de leur fille " présentent un caractère diffamatoire et injurieux ;

- l'injonction formée par le Tribunal administratif dans l'article 2 du jugement attaqué n'a pas été exécutée alors que l'appel n'est pas suspensif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., substituant Me D..., représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., adjoint administratif principal de 2ème classe, exerce les fonctions de gestionnaire comptable au consulat général de France à Rio de Janeiro depuis 2015. A la suite de son divorce, prononcé par jugement du 10 décembre 2015, M. A... B... a indiqué, dans sa fiche de renseignements personnels, en mars 2016, que sa fille résidait chez lui bien que le tribunal ait fixé sa résidence au domicile de sa mère. L'administration a alors interrompu le versement des majorations familiales, procédé à une retenue sur traitement correspondant aux sommes versées à ce titre pour la période du 1er janvier au 31 octobre 2016, et annoncé à M. A... B... qu'il ne pouvait y prétendre, par un courriel du 29 novembre 2016. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères fait appel du jugement du 18 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 29 novembre 2016 et lui a enjoint de verser à M. A... B... le supplément familial de traitement et les primes familiales à compter du 1er janvier 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. Le ministre soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute d'indiquer les raisons pour lesquelles les attestations retenues permettaient de remettre en cause le jugement de divorce. Les premiers juges ont relevé que le jugement de divorce avait fixé la résidence de la fille de M. A... B... chez la mère, ont également examiné le lieu de résidence effective de l'enfant, et ont relevé qu'il ressortait des pièces du dossier, et notamment des attestations produites ainsi que des comptes rendus établis par l'administration consulaire, que le lieu de résidence effective de l'enfant était au domicile du père. Le jugement est par suite suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger : " Le supplément familial est attribué : (...) 3° A l'agent célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, qui a au moins un enfant à charge ouvrant droit aux majorations familiales prévues à l'article 8 ci-dessous. Le supplément familial est égal à 10 % de l'indemnité de résidence à l'étranger perçu par l'agent. " Aux termes de l'article 8 du même décret : " L'agent qui a au moins un enfant à charge peut prétendre aux majorations familiales qui lui sont attribuées en lieu et place des avantages familiaux accordés aux personnels en service en métropole et qui tiennent compte en outre des frais de scolarité des établissements français d'enseignement primaire et secondaire de référence au sein du pays ou de la zone d'affectation des agents (...) / La notion d'enfant à charge s'apprécie selon les critères retenus en France pour l'attribution des prestations familiales par les articles L. 513-1 et L. 521-2 du code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale : " Les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant ". Aux termes de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale : " Les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l'enfant ". Aux termes de l'article R. 513-1 du code de la sécurité sociale : " La personne physique à qui est reconnu le droit aux prestations familiales a la qualité d'allocataire. Sous réserve des dispositions de l'article R. 521-2, ce droit n'est reconnu qu'à une personne au titre d'un même enfant (...) / En cas de divorce, de séparation de droit ou de fait des époux ou de cessation de la vie commune des concubins, et si l'un et l'autre ont la charge effective et permanente de l'enfant, l'allocataire est celui des membres du couple au foyer duquel vit l'enfant ". La notion de " charge effective et permanente de l'enfant " au sens des articles précités du code de la sécurité sociale s'entend de la direction tant matérielle que morale de l'enfant.

4. S'il ressort du jugement de divorce rendu le 10 décembre 2015 par le tribunal de Niteroi, au Brésil, que la résidence exclusive de la fille de M. A... B... a été fixée au domicile de sa mère, celui-ci a toutefois fait valoir auprès de son administration que sa fille résidait en réalité chez lui. La circonstance qu'une décision de justice ait fixé le lieu de résidence d'un enfant au domicile d'un parent ne fait pas obstacle à ce que la présomption attachée à cette décision soit combattue par tout élément susceptible d'établir que la résidence effective de l'enfant se trouve dans un autre domicile. Il ressort des pièces du dossier que deux enquêtes sociales diligentées par le consulat général de Rio de Janeiro ont conclu, par comptes rendus du 25 mai 2017 et du 22 mai 2018, que la fille de M. A... B... vivait avec lui tous les jours de la semaine depuis janvier 2016. Il ressort en outre d'attestations, établies par le portier de l'immeuble de M. A... B... et le chauffeur du bus scolaire de sa fille, que ceux-ci témoignent de la présence quotidienne de la fille de M. A... B... chez son père, la circonstance que ces attestations présentent des termes similaires et que leurs auteurs soient rémunérés pour leurs fonctions par M. A... B... ne pouvant suffire à les écarter. Enfin, le ministre ne conteste pas la véracité des termes du récit fait par la fille de M. A... B... elle-même de son quotidien à ses côtés. Il résulte de l'ensemble de ces éléments convergents, qui ne sont contredits par aucun élément de fait, que la fille de M. A... B... doit être regardée comme ayant résidé à compter du 1er janvier 2016 chez son père, qui en avait par suite la charge effective et permanente, nonobstant les termes du jugement de divorce.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 29 novembre 2016 et lui a enjoint de verser à M. A... B... le supplément familial et les majorations familiales prévues par les articles 7 et 8 du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 avec effet rétroactif au 1er janvier 2016.

Sur les conclusions tendant à l'exécution du jugement :

6. Par le jugement attaqué du 18 avril 2019, le Tribunal administratif a enjoint au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de verser à M. A... B... le supplément familial et les majorations familiales prévues par les articles 7 et 8 du décret n° 67-290 du 28 mars 1967, avec effet rétroactif au 1er janvier 2016, et a condamné le ministre à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... B... a indiqué, dans son mémoire complémentaire du 17 juin 2020, que ces condamnations n'avaient pas été exécutées et demandé, ainsi que les dispositions de l'article R. 921-2 du code de justice administrative l'y autorisent, à ce que la Cour assure l'exécution de ce jugement sous astreinte. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 29 juin 2020, le premier vice-président de la Cour administrative d'appel de Paris a demandé au ministre de l'Europe et des affaires étrangères d'exécuter le jugement du 18 avril 2019, et que, par une réponse du 28 juillet 2020, le ministre a annoncé que les sommes dues au titre du supplément familial et des majorations familiales depuis le 1er janvier 2016 lui seraient versées selon le calendrier de la paie d'août et que le paiement des frais de justice avait été déclenché le 24 juillet 2020. M. A... B... ne soutient pas ultérieurement qu'il n'aurait pas reçu ces sommes. Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 avril 2019 doit dès lors être regardé comme exécuté. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à son exécution.

Sur les conclusions de M. A... B... tendant à la suppression de passages injurieux ou diffamatoires :

7. Les termes du mémoire présenté par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, pour regrettables que soient certains d'entre eux, n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Dès lors, il n'y a pas lieu d'en prononcer la suppression par application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des conclusions de M. A... B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'Europe et des affaires étrangères est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... B... relatives à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Paris.

Article 3 : Les conclusions de M. A... B... tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et à M. F... A... B....

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2021.

Le rapporteur,

A. E...Le président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01974 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01974
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03-002 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers. Supplément familial de traitement.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SCP ANNE SEVAUX et PAUL MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-22;19pa01974 ?
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