Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Monsieur B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 juillet 2017 par laquelle le ministre des affaires étrangères l'a maintenu en congé de longue durée, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros pour la rupture de son contrat et le préjudice financier et moral subi et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1713754/5-1 du 12 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2020, M. C..., représenté par Me Epoma, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 décembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 31 juillet 2017 par laquelle le ministre des affaires étrangères l'a maintenu en congé de longue durée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros pour la rupture de son contrat et le préjudice financier et moral subi ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration ne justifie pas de ce que le signataire de la décision attaquée aurait disposé d'une délégation régulière à cette fin ;
- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation ;
- cette décision n'est pas justifiée et méconnait les textes et principes applicables en matière de congé de longue durée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle lui a causé un préjudice financier et d'image dont il est fondé à demander réparation.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2021, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères demande à la Cour de rejeter la requête.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute d'avoir fait l'objet d'une demande préalable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
6 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 modifié relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois public et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., adjoint administratif de 2ème classe au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a été en poste à l'ambassade de France à Washington de 2008 à 2011. Il y a rencontré des difficultés relationnelles avec certains de ses collègues et, ayant adressé à divers interlocuteurs des emails critiques et polémiques, il s'est vu infliger un blâme par arrêté du 5 mars 2012. Il a ensuite été suspendu à titre conservatoire de ses fonctions par arrêté du 3 avril 2013, pour avoir émis de nouveaux mails à caractère violent et menaçant, et a été reçu le même jour par la médecine de prévention du ministère des affaires étrangères, qui a préconisé l'interruption de son activité professionnelle. M. C... a, alors, après avis du comité médical, été placé en congé de longue maladie par arrêté du 2 juillet 2013 pour une période de six mois, courant à compter du 30 mai 2013 et renouvelée à compter du 30 novembre 2013. Après annulation pour insuffisance de motivation de l'arrêté prononçant ce renouvellement, il a été placé en congé longue durée, renouvelé à plusieurs reprises jusqu'à sa mise à la retraite d'office pour inaptitude à exercer ses fonctions. Entretemps il avait fait part au ministère, par courrier du 13 juin 2017, de son souhait de reprendre son activité, mais le comité médical a, le 25 juillet 2017, émis un avis défavorable et proposé une prolongation de son congé de longue durée jusqu'au 29 mai 2018 et son placement en retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 30 mai 2018. L'administration a, en conséquence, par arrêté du 31 juillet 2017, maintenu M. C... en congé longue durée jusqu'au 30 mai 2018. Celui-ci a alors, d'une part, saisi le comité médical supérieur, qui, après avoir, le 12 juin 2018, émis le souhait d'une nouvelle expertise collégiale, et après réalisation de celle-ci le 6 septembre 2018, a confirmé l'avis du comité médical le 11 décembre 2018, et d'autre part formé devant le tribunal administratif de Paris une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2017 et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros au titre des préjudices subis. Toutefois le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 12 décembre 2019 dont M. C... interjette appel.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... A..., adjointe au chef du centre de services des ressources humaines, disposait d'une délégation de signature consentie par l'article 16 de l'arrêté en date du 8 septembre 2016, régulièrement publié, et versé au dossier, à l'effet de signer notamment " tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, relatifs aux actes de recrutement, d'affectation et d'évaluation des fonctionnaires et agents non titulaires (...) dans la limite des attributions de la sous-direction des personnels ". Or, contrairement à ce que soutient M. C..., il résulte des termes mêmes de cet arrêté qu'il a bien pour effet de donner à Mme A... compétence pour signer, au nom du ministre, une décision de renouvellement de congé longue durée, qui implique également le rejet de sa demande de réintégration. Enfin le nom et le prénom de Mme A..., ainsi que sa qualité, figurant tant dans l'arrêté de délégation du 8 septembre 2016 que dans la décision attaquée, M. C... ne peut sérieusement soutenir qu'il y aurait un doute sur le fait qu'il s'agit bien de la même personne. Par suite le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait.
3. M. C... soutient aussi que l'arrêté attaqué n'est pas motivé. Or, celui-ci vise la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi n°
84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat et le décret n°86-442 du 14 mars 1986 modifié relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois public et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, et comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit sur lesquelles il se fonde. Par ailleurs, outre l'arrêté plaçant l'intéressé en congé de longue durée, sa demande de réintégration et " l'ensemble des pièces produites à l'appui de sa requête ", cet arrêté vise l'avis émis par le comité médical compétent dans sa séance du 25 juillet 2017 et dès lors, alors même qu'il n'est pas explicitement indiqué que la décision de renouvellement du congé de longue durée se fonde sur cet avis du comité médical, l'intéressé a été mis à même de comprendre que la décision attaquée était fondée sur cet avis, qui lui a été communiqué, ce qui l'a d'ailleurs conduit à saisir le comité médical supérieur, et par ailleurs à critiquer cet avis dans sa requête. Ainsi, l'arrêté attaqué, qui au demeurant ne pouvait sans méconnaitre le secret médical mentionner d'éléments relatifs à l'état de santé de M. C... et justifiant le renouvellement de son congé longue durée, est suffisamment motivé. Le moyen ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté.
4. En troisième lieu, si M. C... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 24 du décret n°87-602 visé ci-dessus du 30 juillet 1987, qui ne régit que la fonction publique territoriale et ne s'applique donc pas à sa situation, il est néanmoins fondé à faire valoir que la décision de l'administration de placer un agent en congé longue durée ou de renouveler un tel congé doit se fonder exclusivement sur des considérations médicales et non sur une appréciation des qualités professionnelles de l'intéressé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a bien été prise en raison de son état de santé puisqu'elle se fonde sur l'avis du comité médical du 25 juillet 2017, défavorable à sa réintégration, et qui a proposé une prolongation de son congé de longue durée jusqu'au 29 mai 2018 et son placement en retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 30 mai 2018. Par ailleurs, il n'apparait pas que la circonstance, au demeurant postérieure à l'intervention de la décision attaquée, que le comité médical supérieur ait jugé nécessaire la réalisation d'une autre expertise avant de se prononcer, résulterait de ce que l'expertise réalisée avant l'avis du comité médical, ou cet avis lui-même, seraient contestables, alors surtout que, en tout état de cause, la nouvelle expertise finalement réalisée le 6 septembre 2018 n'a fait que confirmer les conclusions de la précédente, et que le comité médical supérieur a également émis un avis conforme à celui du comité médical. Par ailleurs, si M. C... soutient se sentir " apte à reprendre ses activités au sein de son administration à plein temps dans le cadre d'une affectation à l'étranger ", cette allégation n'est assortie d'aucune précision, et moins encore de justificatifs, de nature à infirmer l'avis du comité médical, alors surtout que dans sa lettre de demande de réintégration du 13 juin 2017 il ne fait nullement état d'une amélioration de son état de santé mais seulement de ce que " bien que je souhaite quitter rapidement et définitivement le ministère des affaires étrangères en raison des persécutions subies de la part de mon ancienne hiérarchie à l'ambassade de France à Washington, et des sanctions prises à mon encontre par le ministère des affaires étrangères qui s'est entièrement solidarisé avec mon ancienne hiérarchie, je ne veux pas le quitter tant qu'un accord concernant les termes de mon licenciement n'aura pas été conclu ". Dès lors, et alors même que l'intéressé produit un certificat d'un seul médecin l'ayant examiné et indiquant à sa demande n'avoir jamais constaté son inaptitude au travail, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée n'était pas justifiée par son état de santé. Pour les mêmes raisons, il n'est pas davantage fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur les conclusions à fins d'indemnisation :
5. Il résulte de ce qui précède que la décision du 31 juillet 2017 par laquelle le ministre des affaires étrangères a maintenu M. C..., en congé de longue durée, n'est entachée d'aucune illégalité. Par suite ses conclusions à fins d'indemnisation des préjudices qu'il allègue avoir subis du fait de l'intervention de cette décision, ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères
Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme E... premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2021.
Le rapporteur,
M-I. E...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01465