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18/06/2021 | FRANCE | N°20PA00802

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6eme chambre, 18 juin 2021, 20PA00802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun de liquider l'astreinte prononcée par son jugement du 17 mai 2016 à hauteur de 230 000 euros sauf à parfaire, de dire que l'astreinte prononcée par le jugement du 17 mai 2016 sera portée à 800 euros par jour de retard si l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ne justifie pas avoir procédé à sa réintégration effective dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Assistance pub

lique-Hôpitaux de Paris une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun de liquider l'astreinte prononcée par son jugement du 17 mai 2016 à hauteur de 230 000 euros sauf à parfaire, de dire que l'astreinte prononcée par le jugement du 17 mai 2016 sera portée à 800 euros par jour de retard si l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ne justifie pas avoir procédé à sa réintégration effective dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1407395 du 27 décembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a jugé qu'il n'y avait lieu ni de liquider l'astreinte prononcée par le jugement n° 1407395 du

17 mai 2016, ni d'en moduler le taux, et a rejeté le surplus des conclusions de Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 mars 2020 et 28 mai 2021, Mme C..., représentée par Me Gaschignard, avocat aux Conseils, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 27 décembre 2019 ;

2°) de liquider l'astreinte prononcée par le jugement du 17 mai 2016 à hauteur de 338 000 euros à parfaire ;

3°) de dire que cette astreinte sera portée à 800 euros par jour de retard si l'AP-HP ne justifie pas avoir procédé à sa réintégration effective dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne pouvait, sans erreur de droit, rejeter ses conclusions alors que le juge de l'exécution est tenu de respecter l'autorité de la chose jugée s'attachant à la décision rendue au fond et ne peut remettre en cause les mesures prononcées dans ce cadre. Or, le jugement du

17 mai 2016 dont l'exécution est demandé avait jugé que l'administration n'avait pas procédé à sa réintégration sur son poste ou sur un poste équivalent, et faisait injonction à la directrice de l'AP-HP de la réintégrer dans un délai d'un mois. Par suite le tribunal ne pouvait, dans la présente instance, rejeter la demande de liquidation au motif que sa réintégration avait été effective au 13 avril 2015 et que le jugement du 17 mai 2016 était dès lors entièrement exécuté ;

- le jugement du 17 mai 2016 ne peut être regardé comme ayant été exécuté depuis lors, puisqu'elle n'a jamais bénéficié de conditions d'activités permettant de conclure à une réintégration effective.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2021, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), représentée par Me Lacroix, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

28 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me Gaschignard pour Mme C... ;

- et les observations de Me Esteveny substituant Me Lacroix, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., professeur en biochimie et biologie moléculaire, qui avait exercé en tant que praticien hospitalier depuis 1990 au laboratoire d'hormonologie et de biologie moléculaire de l'hôpital Bicêtre, a connu à partir de 1999 de graves difficultés relationnelles avec une de ses consoeurs, le Dr B..., qui est devenue chef du service en 2006. Après une aggravation de ces tensions, le directeur général de l'AP-HP a prononcé, le 27 juillet 2012, la suspension de Mme C... de ses activités hospitalières, en saisissant le ministre des affaires sociales et de la santé et celui en charge de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche aux fins de voir engager une procédure disciplinaire. Les ministres ont toutefois considéré qu'il n'y avait pas lieu d'engager une telle procédure mais plutôt d'entreprendre une tentative de conciliation. Dès lors, parallèlement à la procédure de conciliation ainsi diligentée, Mme C... a entrepris diverses actions devant le tribunal administratif de Melun aux fins d'obtenir sa réintégration effective. Ainsi, notamment, par une ordonnance du 12 mars 2015, le juge des référés a ordonné à l'AP-HP de procéder à sa réintégration dans un délai de trois semaines sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une nouvelle ordonnance du

19 janvier 2016, il a ensuite prononcé la liquidation de cette astreinte à hauteur de 51 000 euros. Toutefois, saisi d'un pourvoi de l'AP-HP, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance par un arrêt du 13 juin 2016, n°396691, en jugeant notamment que l'intéressée avait déjà bénéficié d'une réintégration effective. Juste avant l'intervention de cet arrêt, le Tribunal administratif de Melun s'était prononcé au fond, par un jugement du 17 mai 2016, et avait annulé la décision du 25 juillet 2014 de la directrice de l'AP-HP portant refus de mettre un terme à la suspension de Mme C..., et il avait enjoint à l'AP-HP de procéder à la réintégration de celle-ci dans un délai d'un mois sous astreinte de 250 euros par jour de retard, jugement qui se trouvait dès lors en contradiction avec l'arrêt du Conseil d'Etat du 13 juin 2016. Mme C... ayant ensuite saisi à nouveau le Tribunal administratif de Melun d'une demande de liquidation de l'astreinte ainsi prononcée dans le jugement du 17 mai 2016, le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 27 décembre 2019, en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de liquider l'astreinte, l'intéressée devant être regardée comme ayant fait l'objet d'une réintégration effective. C'est le jugement dont

Mme C... interjette appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Lorsqu'une décision de justice enjoint à l'administration de réintégrer un agent illégalement évincé sur l'emploi même qu'il occupait antérieurement et que l'autorité compétente prend une décision en ce sens, le juge de l'astreinte ne peut conclure à la

non-exécution de l'injonction que s'il constate que la décision ordonnant sa réintégration n'a manifestement pas été suivie d'effets. En dehors de ce cas, la contestation par l'intéressé des modalités de sa réintégration et par là même du caractère effectif de sa réintégration constitue un litige distinct dont il n'appartient pas au juge de l'exécution de connaître.

3. Il ressort des pièces du dossier que, après l'intervention du jugement du 17 mai 2016 enjoignant à l'AP-HP de réintégrer Mme C..., des démarches ont été engagées par l'AP-HP aux fins d'assurer sa réintégration, nécessairement complexe après l'échec de la tentative antérieure de la réintégrer à compter du 13 avril 2015 dans son ancien poste, et de la nécessité qui s'en était suivie, pour l'administration, de mettre un terme à cette affectation, par lettre du

20 octobre 2015, compte tenu des difficultés rencontrées. Ainsi, notamment, une réunion s'est tenue le 8 septembre 2016 entre le président de la commission médicale d'établissement locale, Mme D..., et Mme A... sur le projet de réorganisation du service de génétique devant permettre la réintégration de Mme C..., puis celle-ci a été convoquée en novembre 2016 pour se voir présenter la solution envisagée dans le cadre de cette restructuration, une réunion a ensuite eu lieu le 26 janvier 2017 entre le président de la commission médicale d'établissement local, le doyen de la faculté, le Pr Tachdjian, Mme D... et Mme A... afin de finaliser la proposition de réintégration, puis, par courrier du 6 février 2017, l'AP-HP a transmis à

Mme C... une proposition de reprise d'activité précisant son lieu d'affectation, son périmètre d'activité, les modalités de fonctionnement avec la plateforme de génétique de Bicêtre et les moyens alloués à son unité. Du fait des questions et réserves émises par Mme C... par courriel du 22 février 2017, une nouvelle discussion a été engagée, et une nouvelle proposition modifiée lui a été adressée par courrier du 15 mai 2017. Une rencontre a encore été organisée le 2 juin 2017, une secrétaire médicale a été recrutée début octobre 2017 et en novembre 2017 le poste d'assistant hospitalier universitaire a été pourvu. Enfin, après deux nouvelles réunions en date des 27 novembre et 11 décembre 2017, un courrier électronique a été diffusé en

février 2018 à l'ensemble des chefs de services du groupe hospitalier précisant les modalités du retour de Mme C... et ses domaines d'activité. Ainsi, Mme C... ne peut soutenir, dans ces conditions, que la décision juridictionnelle ordonnant sa réintégration n'a manifestement pas été suivie d'effet, et par ailleurs, si elle conteste les modalités de sa réintégration, et par là même son effectivité, une telle contestation relève d'un litige distinct de l'exécution de la décision juridictionnelle ordonnant sa réintégration.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme F... premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2021.

Le rapporteur,

M-I. F...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé de en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 20PA00802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6eme chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00802
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP DAVID GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-18;20pa00802 ?
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