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18/06/2021 | FRANCE | N°19PA01294

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6eme chambre, 18 juin 2021, 19PA01294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Boyer a demandé au Tribunal administratif de Wallis-et-Futuna d'annuler le marché portant sur " la construction d'un quai maritime de commerce à Leava, île de Futuna ", signé à l'issue de la procédure de passation n° EuropeAid/138548/IH/WKS/WF ou, à titre subsidiaire, de résilier ce marché à compter de la notification de la décision à intervenir.

Par un jugement n° 18600018 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Wallis-et-Futuna a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, la société Boyer, représentée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Boyer a demandé au Tribunal administratif de Wallis-et-Futuna d'annuler le marché portant sur " la construction d'un quai maritime de commerce à Leava, île de Futuna ", signé à l'issue de la procédure de passation n° EuropeAid/138548/IH/WKS/WF ou, à titre subsidiaire, de résilier ce marché à compter de la notification de la décision à intervenir.

Par un jugement n° 18600018 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Wallis-et-Futuna a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2019, la société Boyer, représentée par

Me Dal Farra, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Wallis-et-Futuna du

14 février 2019 ;

2°) d'annuler ou, à titre subsidiaire, de résilier le marché mentionné ci-dessus ;

3°) avant-dire droit, d'enjoindre au territoire des îles Wallis-et-Futuna de communiquer l'ensemble des pièces de ce marché, ainsi que sa notification et le curriculum vitae de

M. B... contenu dans l'offre de l'attributaire ;

4°) de mettre à la charge du territoire des îles Wallis-et-Futuna la somme de

2 000 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont méconnu leur office en s'abstenant d'enjoindre au territoire des îles Wallis-et-Futuna de produire le marché litigieux ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer en ce que le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de ce que les documents produits par le territoire pour justifier le refus de son offre étaient insuffisants, de ce que l'évaluation du marché était irréaliste, de ce que son offre n'était pas inacceptable et de ce que la procédure d'attribution était entachée d'un vice d'une particulière gravité que le juge aurait dû soulever d'office ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'omission à statuer en écartant comme inopérants l'ensemble de ses moyens ;

- ils se sont, à tort, fondés sur le caractère prétendument inacceptable de son offre qui n'avait pas été relevé par le comité d'évaluation et qui n'est en tout état de cause pas démontré ;

- ils ont ainsi refusé de tenir compte de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 4 juillet 2013 dans l'affaire Fastweb (Aff. C-100/12) ;

- la procédure d'attribution est entachée de vices d'une particulière gravité ;

- les offres de la société Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux étaient irrégulières et non conformes aux règles de capacité technique et professionnelle ;

- le recours au critère unique du prix dans le marché est irrégulier ;

- la procédure d'examen des variantes est irrégulière ;

- la variante retenue est irrégulière ;

- l'offre retenue a été modifiée de manière irrégulière ;

- elle a été présentée selon des formes irrégulières ;

- aucun motif d'intérêt général ne fait obstacle au prononcé de l'annulation ou de la résiliation du marché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2021, le territoire des

îles Wallis-et-Futuna, représenté par Me Vandepoorter, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Boyer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la société Boyer sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2021, la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux, représentée par Me Frêche et Me de Moustier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 000 francs CFP soit mise à la charge de la société Boyer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle s'en remet à ses écritures de première instance, et soutient que, compte tenu des difficultés rencontrées, notamment en raison de la crise sanitaire, seule une faible part des travaux a pu être réalisée.

Par une ordonnance du 4 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

20 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement n°966/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union ;

- le règlement (UE) n° 567/2014 du Conseil du 26 mai 2014 modifiant le règlement (CE) n° 215/2008 portant règlement financier applicable au 10ème Fonds européen de développement, en ce qui concerne l'application de la période de transition entre le 10ème Fonds européen de développement et le 11ème Fonds européen de développement jusqu'à l'entrée en vigueur de l'accord interne relatif au 11ème Fonds européen de développement ;

- le règlement délégué (UE) n° 1268/2012 de la Commission du 29 octobre 2012 relatif aux règles d'application du règlement n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l'Union ;

- la décision 2013/755/UE du conseil du 25 novembre 2013 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne ;

- le guide des marchés publics et subventions dans le cadre des actions extérieures de l'Union Européenne (PRAG) et les instructions aux soumissionnaires définissant les règles de soumission, de sélection et de mise en œuvre des actions dans le cadre de l'appel d'offres ;

- la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me Dal Farra pour la société Boyer,

- et les observations de Me Vandepoorter pour le territoire des îles Wallis-et-Futuna.

Une note en délibéré a été présentée pour la société Boyer le 3 juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis de marché de travaux référencé EuropeAid/138548/IH/WKS/WF publié le 5 décembre 2017, le territoire des îles Wallis-et-Futuna a lancé un appel d'offres ouvert international en vue de la passation d'un marché public de travaux, constitué en un lot unique et portant sur la construction neuve d'un quai maritime de commerce à Leava, île de Futuna. Par un courrier du 9 juillet 2018, le territoire des îles Wallis-et-Futuna a informé la société Boyer de ce que son offre n'avait pas été retenue et du choix de l'offre de la société Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux. La société Boyer a demandé au Tribunal administratif de

Wallis-et-Futuna d'annuler ou de résilier ce marché. Par un jugement du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Wallis-et-Futuna a rejeté sa demande. La société Boyer fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la société Boyer les premiers juges, qui n'étaient pas tenus d'enjoindre au territoire des îles Wallis-et-Futuna de produire le marché litigieux, et qui n'étaient pas davantage tenus de répondre à l'ensemble de ses arguments, ont répondu à l'ensemble des moyens qu'elle avait fait valoir devant eux, notamment aux moyens tirés du caractère, selon elle, irréaliste de l'évaluation du marché au point 15 de leur jugement, du caractère prétendument acceptable de son offre aux points 7 à 16 de ce jugement, et de vices d'une particulière gravité affectant la procédure d'attribution aux points 17 à 23 de ce même jugement. Le bien-fondé des motifs qu'ils ont retenus est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Les moyens tirés de son irrégularité doivent donc être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

4. La société Boyer soutient, d'une part, que son offre n'aurait pas dû être rejetée comme inacceptable et, d'autre part, que l'offre présentée par la société Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux était entachée de graves irrégularités et aurait dû être rejetée comme irrégulière. Ainsi qu'il a été dit au point 3, un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que des manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec son éviction. Au titre de tels manquements, le concurrent évincé peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée comme inacceptable. Un candidat dont l'offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable ne saurait en revanche soulever un moyen critiquant l'appréciation des autres offres. Il ne saurait notamment soutenir que ces offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, un tel manquement n'étant pas en rapport direct avec son éviction et n'étant pas, en lui-même, de ceux que le juge devrait relever d'office. Il en va ainsi y compris dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, toutes les offres ont été écartées comme irrégulières ou inacceptables, sauf celle de l'attributaire, et qu'il est soutenu que celle-ci aurait dû être écartée comme irrégulière ou inacceptable.

En ce qui concerne le caractère inacceptable de l'offre de la société Boyer :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société Boyer, le pouvoir adjudicateur s'est prononcé sur l'acceptabilité de son offre dans son courrier du 9 juillet 2018, en relevant expressément que cette offre excédait le budget maximal alloué au marché. Le Territoire des îles Wallis-et-Futuna peut donc opposer le caractère inacceptable de l'offre de la société Boyer dans le cadre de la présente procédure. La circonstance que le rapport d'évaluation n'en fait pas mention est indifférente.

6. En second lieu, le moyen tiré de ce que l'offre de la société Boyer n'aurait pas dû être rejetée comme inacceptable dès lors que les documents produits par le pouvoir adjudicateur auraient été insuffisants, que le montant maximal alloué au marché n'a pas été notifié aux candidats, que le territoire pouvait aussi financer une partie l'opération au delà du montant de la subvention allouée par l'Union européenne pour la réalisation des travaux en cause et que l'évaluation du marché n'aurait pas été réaliste, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 9 à 16 du jugement attaqué.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par la société Boyer :

7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, les moyens visant à critiquer l'offre de la société Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux et la variante retenue ne peuvent, comme les moyens tirés de l'absence d'examen de l'ensemble des variantes et du recours au critère unique du prix, qu'être écartés comme inopérants.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Boyer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Wallis-et-Futuna a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du territoire des îles Wallis-et-Futuna qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Boyer demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Boyer le versement d'une somme de 1 500 euros au territoire des îles Wallis-et-Futuna et le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux, sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Boyer est rejetée.

Article 2 : La société Boyer versera une somme de 1 500 euros au territoire des îles Wallis-et-Futuna et une somme de 1 500 euros à la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la société Boyer, au préfet administrateur supérieur des îles Wallis-et-Futuna et à la société Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux.

Copie en sera communiquée au ministre des Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2021.

Le rapporteur,

J-C. A...

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

K. PETIT

La République mande et ordonne au préfet administrateur supérieur des îles Wallis-et-Futuna en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01294 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6eme chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01294
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP UGGC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-18;19pa01294 ?
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