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11/06/2021 | FRANCE | N°20PA04254

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre, 11 juin 2021, 20PA04254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2001103/6-2 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2020, le préfet de

police demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter la de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2001103/6-2 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2020, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa décision méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 10 mai 2021, Mme A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;

- l'arrêté du préfet du 6 août 2019 méconnaît les dispositions des articles L. 311-12 et

L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, telles que précisées par les critères définis par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même illégal ;

- cette décision viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le Sénégal comme pays de renvoi est illégale dès lors que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont elles-mêmes illégales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R.313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me C..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante sénégalaise, est née le 4 octobre 1973. Le 12 juillet 2019, elle a sollicité auprès du préfet de police son admission au séjour en qualité d'accompagnant de son enfant malade, sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 6 août 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. D'une part, l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. D'autre part, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ".

3. Pour refuser à Mme A... la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 18 juin 2019, qui a indiqué que, si l'état de santé de l'enfant E... A... nécessitait une prise en charge médicale et que le défaut de celle-ci pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier " eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, [p(ouvait)] y bénéficier effectivement d'un traitement approprié " et " [p(ouvait)] voyager sans risque vers [son] pays d'origine ". Pour contredire l'avis de ce collège de médecins, Mme A..., qui produit plusieurs certificats médicaux faisant état du suivi pluridisciplinaire dont son enfant fait l'objet depuis sa naissance, soutient qu'il ne pourra bénéficier du suivi et des traitements appropriés dans son pays d'origine. Toutefois, ces certificats ne permettent pas d'établir que la prise en charge ne pourrait pas être assurée au Sénégal alors qu'il ressort des pièces produites par le préfet de police en première instance que les structures médicales et scolaires nécessaires pour prendre en charge les enfants porteurs d'une trisomie 21 avec cardiopathie congénitale et nécessitant des soins médicaux et rééducatifs ainsi qu'une scolarisation adaptée existent au Sénégal. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant de Mme A... ne pourrait pas disposer d'un accès effectif à des établissements susceptibles de prendre en charge son handicap et de lui assurer les soins que serait susceptible d'appeler l'évolution de son état de santé. Il suit de là qu'en refusant de délivrer à Mme A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que son enfant aura la possibilité de bénéficier d'un suivi au Sénégal et que la décision contestée n'a pas pour conséquence d'entraîner la séparation de Mme A... de son enfant, le préfet de police n'a pas, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A....

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, l'avis du collège des médecins de l'OFII, produit en première instance par le préfet de police, signé par les trois médecins composant le collège, comporte l'ensemble des mentions prévues par les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII, que le rapport médical relatif à l'état de santé de l'enfant E... A..., prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été établi par un premier médecin dont le nom figure sur l'avis et a été soumis au collège de médecins. Ce collège, au sein duquel ont siégé trois autres médecins, a émis son avis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure au regard de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 3, 5 et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 doit être écarté.

6. En deuxième lieu, si Mme A... soutient que son enfant ne pourra pas bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée à sa pathologie en cas de retour au Sénégal, contrairement à ce qu'a estimé le collège des médecins de l'OFII, ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt. Ainsi, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Mme A... soutient que les stipulations précitées ont été méconnues dès lors notamment que son fils est atteint de trisomie 21 et que son père ne l'a jamais reconnu. Toutefois, elle n'établit pas que son fils ne pourrait pas l'accompagner hors de France, et en particulier au Sénégal où, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, il pourrait bénéficier d'un suivi médical approprié à son handicap et aux pathologies qui pourraient en découler. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante ait constitué en France des liens d'une intensité particulière. Enfin, Mme A... n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Sénégal où vivent son frère et sa soeur et où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mme A..., la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Mme A... soutient qu'elle a fait l'objet de persécutions et de mauvais traitements dans son pays d'origine, de la part de sa famille, en raison de son orientation sexuelle. Toutefois, la demande d'asile qu'elle a présentée sur ce fondement a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, et le certificat médical qu'elle produit se borne à consigner ses dires. Mme A... n'apporte donc aucun commencement de preuve de ce qu'elle serait exposée à un risque réel, actuel et personnel de traitements contraires aux stipulations conventionnelles précitées, en cas de retour au Sénégal. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En cinquième lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire n° NOR INTK1229185C du 28 novembre 2012, qui se borne à énoncer des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation, et dont les dispositions sont dépourvues de tout caractère impératif et ne constituent pas des lignes directrices.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

12. Le refus de renouvellement de titre de séjour n'étant pas entaché d'illégalité, la décision l'obligeant à quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination ne sont pas dépourvues de base légale.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 8 du présent arrêt que Mme A... n'est pas fondée à invoquer les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 août 2019.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2001103/6-2 du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2021.

Le rapporteur,

G. D...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIERLe greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA04254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04254
Date de la décision : 11/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

335-02-05 Étrangers. Expulsion. Urgence absolue.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaelle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CARLES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-11;20pa04254 ?
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