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03/06/2021 | FRANCE | N°20PA04031

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 03 juin 2021, 20PA04031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2010973 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée l

e 17 décembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2010973 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2010973 du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour conforme à sa situation ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa demande ;

- le préfet de police a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne peut voyager et effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Tunisie ;

- à défaut, il peut bénéficier des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, illégale par voie d'exception, entachée des mêmes causes d'illégalité interne que le refus de séjour et méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination ne mentionne pas ce pays et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien, a sollicité son admission au séjour à raison de son état de santé, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 juin 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. A... fait appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par M. A..., ont suffisamment répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de séjour au point 2 du jugement attaqué. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit ainsi être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français et de l'absence d'examen particulier de la demande par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges aux points 2, 3 et 10 du jugement attaqué.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

6. Pour refuser le titre de séjour demandé par M. A... en qualité d'étranger malade, le préfet de police s'est approprié l'avis du 8 janvier 2020 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager sans risque vers ce pays, cet avis étant ainsi motivé. M. A... fait valoir qu'il est suivi pour une insuffisance cardiaque à la suite d'une fibrillation auriculaire avec un oedème pulmonaire subie en 2017, une fibrose pulmonaire idiopathique diagnostiquée en mai 2018 et un ulcère artériel du pied gauche, nécessitant des interventions chirurgicales et des soins devant être réalisés postérieurement à l'arrêté contesté et la prise de médicaments. Toutefois, en se bornant à décrire les pathologies dont il est atteint et à soutenir qu'il est pris en charge par son frère en France, M. A... n'apporte aucun élément précis à l'appui de ses allégations selon lesquelles il ne pourrait bénéficier d'un traitement et de soins appropriés en Tunisie, le préfet de police ayant d'ailleurs produit en première instance des documents, notamment la liste des médicaments essentiels en Tunisie, qui démontrent la présence de nombreux établissements et spécialistes ainsi que la disponibilité des médicaments ou molécules prescrits à l'intéressé. En outre, en se bornant à soutenir qu'il n'a ni couverture sociale ni famille dans son pays d'origine, le requérant n'apporte aucun élément précis à l'appui de ses allégations selon lesquels il ne pourrait effectivement avoir accès au suivi médical et aux traitements nécessaires. Enfin, M. A... n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles il ne pourrait voyager sans risque vers la Tunisie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... soutient résider en France depuis 48 ans, il ne produit aucune pièce permettant d'apprécier la permanence et les conditions de son séjour sur le territoire français, en se bornant à produire une carte de résident délivrée en 1995 faisant état d'une entrée en France en 1972, mais expirant en 2005 et un récépissé de demande de carte de séjour expirant lui-même fin 2005, puis le récépissé de sa demande de titre de séjour déposée en janvier 2020, ainsi que des avis d'impôt ne faisant état d'aucun revenu. Par ailleurs, il ne conteste pas être célibataire et sans charge de famille en France et se borne à faire état de la présence d'un frère sur le territoire. En outre, M. A... ne se prévaut d'aucune insertion sociale, privée ou professionnelle en France. Enfin, ainsi qu'il a été dit précédemment, son état de santé ne justifie pas sa présence sur le territoire. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. A..., le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision de refus de séjour a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. A....

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 6 et 8, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle qu'il tient des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour admettre M. A... au séjour au titre de la vie privée et familiale.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

14. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 6, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en obligeant M. A... à quitter le territoire français doit être écarté.

15. D'autre part, compte tenu de ce qui précède, doivent être écartés les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie d'exception et entachée des mêmes causes d'illégalité interne que la décision de refus de séjour.

16. En septième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., en indiquant qu'il pourrait être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays pour lequel il serait légalement admissible, la décision fixant le pays de destination est suffisamment précise. Par ailleurs, compte tenu de ce qui précède, cette décision ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... doivent ainsi être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. D..., président assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA04031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04031
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CECCALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-03;20pa04031 ?
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