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03/06/2021 | FRANCE | N°19PA03955

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 03 juin 2021, 19PA03955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. AC... W... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de mutation au titre du mouvement de l'année 2017, ainsi que l'arrêté collectif du 21 juillet 2017 du ministre de l'intérieur prononçant les mutations de fonctionnaires de police à compter du 1er septembre 2017 sur des postes qu'il avait postulés et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de modifier la liste des fonctionnaires mutés au titre du mouvement de l'année 2017 et de

lui accorder sa mutation.

Par un jugement n° 175318 du 10 octobre 2019, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. AC... W... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de mutation au titre du mouvement de l'année 2017, ainsi que l'arrêté collectif du 21 juillet 2017 du ministre de l'intérieur prononçant les mutations de fonctionnaires de police à compter du 1er septembre 2017 sur des postes qu'il avait postulés et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de modifier la liste des fonctionnaires mutés au titre du mouvement de l'année 2017 et de lui accorder sa mutation.

Par un jugement n° 175318 du 10 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 décembre 2019 et 1er avril 2021, M. W... représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1715318 du Tribunal administratif de Paris en date du 10 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation et l'arrêté ministériel prononçant les mutations de fonctionnaires de police sur des postes sur lesquels il avait candidaté dans le cadre du mouvement de l'année 2017 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de modifier la liste des fonctionnaires mutés et de lui accorder sa mutation sur l'un des postes sur lesquels il a candidaté ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le Tribunal administratif de Paris a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de refus de mutation alors qu'il en a expressément demandé les motifs ;

- le refus de mutation et les décisions de mutation attaqués sont entachées de vices de procédure dans la mesure où les postes vacants n'ont pas été publiés avant le mouvement périodique des fonctionnaires de police, la commission administrative paritaire n'était pas composée régulièrement et il n'a pas été procédé à un examen particulier de la situation de chaque fonctionnaire candidat à la mutation ;

- le ministre de l'intérieur s'est estimé lié à tort par l'avis de la commission administrative paritaire ;

- le refus de mutation et les décisions de mutation attaqués sont entachés d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où séparé de sa compagne et de ses deux enfants depuis le 1er septembre 2014, il disposait de plus de points d'ancienneté au barème de mutation et de bons états de service et avait un meilleur profil que les agents mutés sur les postes auxquels il a présenté sa candidature.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. W... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme M...,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. AC... W..., gardien de la paix, affecté au commissariat du 14ème arrondissement de Paris a sollicité sa mutation sur quatre postes en Nouvelle Aquitaine le 11 mai 2017. La commission administrative paritaire réunie le 28 juin 2017 n'a pas émis d'avis favorable à sa mutation. Par courrier du 2 octobre 2017, le requérant a demandé les motifs de refus de sa demande de mutation ainsi que la communication de l'arrêté fixant la liste des fonctionnaires de police mutés à compter du 1er septembre 2017. M. W... a ensuite saisi le Tribunal administratif de Paris d'une requête en excès de pouvoir dirigée contre la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation ainsi que l'arrêté prononçant les mutations des fonctionnaires de police à des postes auxquels il avait posé sa candidature. Par un jugement n° 1715318 du 10 octobre 2019, dont M. W... fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou règlementaire. ".

3. M. W... a soulevé, en première instance, le moyen tiré de ce que le refus du ministre de l'intérieur de lui communiquer les motifs de sa décision de refus de mutation en dépit de sa demande expresse entacherait d'illégalité pour une insuffisance de motivation la décision de refus de mutation. Toutefois, la décision de refus de mutation opposée par le ministre de l'intérieur ne figure pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le ministre de l'intérieur n'avait donc pas l'obligation de répondre à la demande de communication des motifs de la décision de rejet opposé à la demande de mutation de M. W.... Par suite, la circonstance que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen inopérant ne constitue pas une omission à statuer de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

S'agissant de la légalité externe :

4. Selon M. W..., la procédure de mutation serait viciée en ce que les postes vacants n'auraient pas été publiés en méconnaissance de l'article 61 de la loi du 11 janvier 1984, la commission administrative paritaire nationale n'aurait pas été composée de représentants du personnel du grade de gardien de la paix et du grade immédiatement supérieur de brigadier de police en méconnaissance de l'article 35 alors en vigueur du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ; enfin, la commission n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de chaque agent en méconnaissance de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984.

5. En premier lieu, il ressort, toutefois, des pièces du dossier et en particulier du procès-verbal de la commission administrative paritaire nationale du 28 juin 2017 que le ministre de l'intérieur a diffusé au printemps 2017 sur son site intranet une circulaire exposant les modalités de participation au mouvement des personnels d'encadrement et d'application de la police nationale au titre de l'année 2017 et comportant en annexe la liste des postes vacants ou susceptibles de l'être. La première branche du moyen tiré du défaut de publication des vacances d'emplois de gardien de la paix manque en fait et ne peut qu'être écartée.

6. En deuxième lieu, le procès-verbal de la commission administrative paritaire du 28 juin 2017 mentionnait, en ce qui concerne l'examen des demandes de mutations, que " pour les mutations des gardiens de la paix, seuls les représentants du personnel pour les grades de gardien de la paix et de brigadier de police (...) et les représentants de l'administration (...) ont pris part au délibéré et ont participé au vote ". Par suite, la composition de la commission administrative paritaire n'était pas irrégulière. Cette deuxième branche du moyen manque également en fait et ne peut qu'être écartée.

7. En troisième et dernier lieu, le requérant ne développe aucun argument de nature à établir que la commission administrative paritaire nationale n'aurait pas procédé à un examen individuel de la situation des candidats à la mutation alors que le procès-verbal de la commission administrative paritaire du 28 juin 2017 fait état, au contraire, d'un examen individuel des demandes de mutation présentées par les gardiens de la paix. Cette troisième et dernière branche du moyen doit donc être écartée.

S'agissant de la légalité interne :

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre de la justice se soit estimé lié par l'avis défavorable de la commission administrative paritaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

9. Il résulte des dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'État que lorsque, dans le cadre d'un mouvement de mutation, un poste a été déclaré vacant, alors que des agents se sont portés candidats dans le cadre de ce mouvement, l'administration doit procéder à la comparaison des candidatures dont elle est saisie en fonction, d'une part, de l'intérêt du service et d'autre part, si celle-ci est invoquée, de la situation de famille des intéressés, appréciée compte tenu des priorités fixées par les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984. Ces dispositions, qui sont applicables aux membres du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, ne subordonnent, toutefois, la légalité des mutations prononcées lors de ces mouvements ni au respect absolu d'un régime de priorité, ni à l'observation d'un barème de mutation, lequel est purement indicatif.

10. Contrairement aux affirmations du requérant, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Paris, l'administration n'était nullement tenue au respect d'un régime de priorité défini par le barème de mutation. Par suite, quand bien même M. W... disposerait de plus de points au barème que les gardiens de la paix ayant obtenu leur mutation sur les postes auxquels le requérant avait postulé, cette circonstance n'est pas de nature à établir que le ministre de l'intérieur aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État.

11. Le requérant soutient que le refus opposé à sa demande de mutation et les mutations prononcées par l'administration sur les postes qu'il avait postulés méconnaîtraient l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 dans la mesure où l'administration n'aurait pas tenu compte de sa situation familiale. Toutefois, si l'administration doit pour affecter les fonctionnaires tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation familiale, les affectations et mutations des fonctionnaires sont toujours prononcées dans l'intérêt du service. Le motif de refus de mutation invoqué par l'administration tiré de ce que le risque terroriste élevé au sein des zones aéroportuaires franciliennes, attesté par l'activation du plan Vigipirate renforcé, nécessitait son maintien à la brigade de police et de protection du commissariat du 14ème arrondissement de Paris constitue donc, contrairement aux affirmations du requérant, un motif répondant à l'intérêt du service. En outre, si M. W... fait valoir qu'il est séparé de sa compagne et de ses deux enfants, âgés de 10 ans et 6 ans, depuis la mutation de cette dernière intervenue le 30 juin 2014, il est constant que sa candidature à la mutation du 9 mai 2017 n'a pas été présentée au titre d'un rapprochement de conjoint mais a été formulée comme une demande de mutation standard. En outre, il ressort des pièces du dossier que la séparation du couple en 2014 est à l'initiative de la compagne de M. W..., inspectrice des finances publiques. En effet, cette dernière, affectée en région parisienne, a demandé à être mutée à l'établissement de services informatiques de Bordeaux océan en 2014. Par ailleurs, si M. W... a postulé à cinq postes situés en région Aquitaine, il est constant que ses voeux d'affectation n° 2, 3 et 4 sur les postes de la direction zonale au recrutement et à la formation de la police nationale du sud-ouest de Périgueux, la circonscription de sécurité publique d'Agen et la circonscription de sécurité publique d'Angoulême, soit dans des localités distantes de de plus de 100 km de la ville de Bordeaux où est affectée sa compagne ne traduisent pas une réelle volonté de rapprochement familial mais plus le désir de l'intéressé de revenir dans sa région d'origine. Dans ces conditions, M. W... ne développe pas d'argument tiré de sa situation familiale qui serait de nature à la faire regarder comme étant prioritaire par rapport aux autres gardiens de la paix ayant obtenu leur mutation au titre du rapprochement de conjoint. Dès lors, eu égard à l'intérêt du service, et en l'absence d'éléments permettant d'établir le caractère prioritaire de la demande de mutation présentée par le requérant, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation dans la comparaison des candidatures.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. W... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de première instance.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Il résulte de ce qui précède que, pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. W..., partie perdante, doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. W... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. AC... W... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à M. AB... AJ..., M. G... D..., M. AA... E..., Mme I... AQ..., Mme AD... C..., M. V... AH..., M. N... T..., M. U... AR... AM..., M. U... O..., M. Y... K..., M. P... L..., M. J... X..., M. AC... AL..., Mme AG... AE..., M. H... AE..., M. F... R..., M. AA... Q..., M. AI... AF..., Mme AK... AP..., M. S... B..., Mme AK... AO... et Mme AN... Z....

Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme M..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

La rapporteure,

I. M...Le président,

S-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA03955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03955
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36 Fonctionnaires et agents publics.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET COLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-03;19pa03955 ?
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